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Le Loup et le Chien. *

Un loup n'avoit que les os et la peau,

Tant les chiens faisoient bonne garde;

Ce loup rencontre un dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s'étoit fourvoyé par mégarde.
L'attaquer, le mettre en quartiers,

Sire loup l'eût fait volontiers:
Mais il falloit livrer bataille;

Et le mâtin étoit de taille

A se défendre hardiment.

Le loup donc l'aborde humblement,
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint qu'il admire.
Il ne tiendra qu'à vous, beau sire,
D'être aussi gras que moi, lui repartit le chien.
Quittez les bois, vous ferez bien :

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Phædr., III, 7: Canis et Lupus.

Poli pour luisant, état du poil chez les chiens bien portants.

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Vos pareils y sont misérables,

Cancres, hères, et pauvres diables,

Dont la condition est de mourir de faim.

Car, quoi! rien d'assuré ! point de franche lipée !
Tout à la pointe de l'épée !

Suivez-moi, vous aurez un bien meilleur destin.
Le loup reprit: Que me faudra-t-il faire ?
Presque rien, dit le chien: donner la chasse aux gens
Portant bâtons, et mendiants;

Flatter ceux du logis, à son maître complaire :
Moyennant quoi votre salaire

Sera force reliefs de toutes les façons,
Os de poulets, os de pigeons;

Sans parler de mainte caresse.

Le loup déjà se forge une félicité

Qui le fait pleurer de tendresse.

Chemin faisant, il vit le cou du chien pelé.

Qu'est-ce là? lui dit-il.-Rien.-Quoi! rien?-Peu de chose.-
Mais encor?-Le collier dont je suis attaché

De ce que vous voyez est peut-être la cause.
Attaché! dit le loup: vous ne courez donc pas

Où vous voulez ? Pas toujours; mais qu'importe ?Il importe si bien, que de tous vos repas

Je ne veux en aucune sorte,

Et ne voudrois pas même à ce prix un trésor.

Cela dit, maître loup s'enfuit, et court encor.

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La Génisse, la Chèvre et la Brebis, en société avec le Lion."

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La génisse, la chèvre, et leur sœur la brebis,
Avec un fier lion, seigneur du voisinage,
Firent société, dit-on, au temps jadis,

Et mirent en commun le gain et le dommage.
Dans les lacs de la chèvre un cerf se trouva pris.
Vers ses associés aussitôt elle envoie.
Eux venus, le lion par ses ongles compta;
Et dit: Nous sommes quatre à partager la proie.
Puis en autant de parts le cerf il dépeça ;
Prit pour lui la première en qualité de sire.
Elle doit être à moi, dit-il; et la raison,
C'est que je m'appelle lion:

A cela l'on n'a rien à dire.

La seconde, par droit, me doit échoir encor :
Ce droit, vous le savez, c'est le droit du plus fort.
Comme le plus vaillant, je prétends la troisième.
Si quelqu'une de vous touche à la quatrième,

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