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Les trois grands mobles de toutes les actions des hommes, l'amour de la gloire, l'amour des plaifirs l'amour des richeffes, font les différens moyens que l'amour-propre emploie pour parvenir au bonheur: l'amour de Dieu & du prochain font les feuls qui puiffent nous y conduiré.

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Deux puiffances dans l'homme exercent leur empire ;
L'une eft pour l'exciter, l'autre pour le conduire.
L'amour propre dans l'ame enfante le défir,
Lui fait fuir la douleur & chercher le plaifir;
La vaifon le retient, le guide, le modére;
Calme des paffions la fougue téméraire.
L'un & l'autre d'accord nous donne le moyen
Et d'éviter le mal, & d'arriver au bien.
Banniffez l'amour-propre, écartez ce mobile
L'homme eft enféveli dans un repos ftérile.
Otez-lui la raison, tout fon effort eft vain ;
Il fe conduit fans regle, il agit fans deffein;
Il eft tel qu'à la terre une plante attachée,
Qui végére, produit & périt defféchée;
Ou tel qu'un météore enflammé dans la nuit,
Qui, courant au hafard, par lui-même eft détruit.
L'amour-propre en fecret nous remue & nous preffe
Et toujours agité nous agite fans ceffe.
La balance à la main, la raison pése tout
Compare, réfléchit, délibere & réfout.
Far l'objet éloigné la raison peu frappée,
Eft d'un bien à venir foiblement occupée :
Par le plaifir préfent l'amour-propre excité
Le défire, & s'y porte avec vivacité.

Tandis que la raifon conjecture, examine,
L'amour-propre plus prompt veut & se détermine.
Du penchant naturel les fecrets mouvemens

Sont plus fréquens, plus forts que des raifonnemens.
La raifon dans fa marche eft prudente & timide;
Le vol de l'amour-propre eft ardent & rapide,
Mais, pour en modérer la vive impulfion,

qu

La raifon le combat par la réflexion :
L'habitude, le temps, les foins, l'expérience
Répriment l'amour-propre & reglent fa puiffance.

Effai fur l'homme, de Pope, trad, de l'abbé du Refnel.

L'amour-propre bien entendu fuppofe la connoiffance & la pratique de nos devoirs. Voyez DEVOIRS. Voyez auffi, dans l'Encyclopédie, l'article AMOUR-PROPRE, article excellent, quoique fort étendu.

AMOUR DE L'ORDRE ou DU DEVOIR.

AMOUR DE LA GLOIRE.

Ces deux efpéces d'amour font des modifications de l'amour-propre : l'une nous excite aux grandes actions, l'autre nous anime à la vertu; la gloire a plus d'éclat, mais elle eft fujette aux revers. Le devoir fe fuffit à lui-même, & n'attend rien des hommes; il eft rare que la gloire nous rende heureux, on ne peut être bien malheureux avec la vertu. La premiere eft foumife aux caprices des hommes ; la feconde ne fe foumet qu'à Dieu : c'est à nous à choifir entre ces deux mobiles de nos actions. Mais fouvenons-nous que l'efclave de la gloire refpecte la vertu; & que la gloire eft bien petite aux yeux de l'homme vertueux. V. DEVOIR, GLOIRE & VERTU. AMOUR DES LETTRES & DES SCIENCES.

L'homme en naiffant, environné d'objets étrangers qu'il ne connoît pas; excité par les befoins, à fortir de lui-même & à rechercher les moyens de les fatisfaire connoiffant facilement par fes premieres tentatives le rapport qu'ont avec lui les chofes qui l'approchent le plus; cherche bien-tôt, encouragé par la réuffite, à découvrir des objets plus éloignés, efpérant toujours retirer de cette connoif

322 'AMOUR DES LETTRES & DES SCIENCES. fance des moyens d'augmenter fes plaisirs ou de di minuer fes peines: telle eft l'origine des arts & des fciences. De foibles fuccès & de grandes efpérances nous foutiennent & nous animent dans cette pénible recherche, nous acquérons infenfiblement l'habitude de réfléchir & de comparer, & nous parvenons enfin au point d'aimer les arts & les fciences, qui ne fervent fouvent qu'à nous égarer & à nous éloigner des devoirs attachés à notre condition. Plus faits pour agir que pour connoître, nous éprouvons fréquemment un dégoût qui nous ramene à notre premiere deftination; mais, plus vains que raisonnables, nous retournons bien-tôt à des spéculations qui nous ont procuré quelques inftans d'un plaifir paffager, & nous confumons ainfi notre vie à pourfuivre une ombre fugitive, la vérité, ou à chercher dans l'étude un remède à cette inquiétude fi naturelle à l'homme.

On peut conclurre par cet expofé, qui n'eft que l'histoire de chacun de nous, que les fciences font utiles par quelques découvertes qu'elles nous ont procurées; qu'elles éloignent quelquefois la confidération de notre miférable condition; qu'elles peuvent nous enfeigner la vertu, quand nous ne nous en fervons que pour connoître & remplir les devoirs de notre état; qu'il n'eft permis qu'à ceux qui peuvent les communiquer, d'en faire leur unique occupation; & qu'enfin nous ne devons les aimer & les cultiver que pour le bonheur de la fociété.

AMOUR DE LA PATRIE.

L'amour de la patrie, qui paroît d'abord fi noble dans fon principe, n'eft fouvent qu'un amour-propre déguifé. On tient à une femme, à des enfans, à des parens, à des amis, à des biens: voilà ce qui

attache

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attache la plupart des hommes à la patrie. Le fouvenir des premieres années de l'enfance, & des plaifirs dont cet heureux âge eft accompagné, la vue des lieux où l'on en a joui, la rendent chere à beaucoup d'autres. Il en eft bien peu qui chériffent la patrie par devoir.

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Soit inftinct, foit reconnoiffance,
L'homme, par un penchant fecret,
Chérit le lieu de fa naiffance,
Et ne le quitte qu'à regret.
Les cavernes hyperborées,
Les plus odieufes contrées
Sçavent plaire à leurs habitans ;
Sur nos délicieux rivages
Transplantez ces peuples fauvages
Vous les y verrez moins contens.
Sans ce penchant qui nous domine
Par un invincible reffort,
Le laboureur en fa chaumine
Vivroit-il content de fon fort!
Hélas! au foyer de fes peres,
Trifte héritier de leurs miferes,
Que pourroit-il trouver d'attraits,
Si la naiffance & l'habitude

Ne lui rendoient fa folitude

Plus charmante que les palais.

ANALOGIE.

Greffet.

Ce terme abstrait fignifie le rapport & la reffemblance que des chofes différentes par d'autres qualités ont entre elles: on peut dire, de tous les êtres créés, qu'ils ont entre eux de l'analogie, quelque reffemblance. On fait fouvent des raifonnemens par analogie: cette maniere de raisonner eft trèsfautive en morale & en métaphyfique; mais elle eft plus fûre en phyfique. Il eft plus que probable

C

que tout eft gouverné par des loix générales & conftantes, & que les corps qui nous paroiffent femblables ont les mêmes propriétés ; par exemple, que les fruits d'un même arbre, également mûrs, ont le même goût, &c.

ANALYSE.

Il y a deux fortes d'analyse : l'analyse physique, l'analyse métaphyfique ou morale.

L'analyfe phyfique eft la décompofition des parties d'une chofe. L'analyse métaphylique ou morale eft l'examen d'une propofition ou d'une maxime. Elle confifte à remonter à l'origine de nos idées, à en développer la génération, & à en faire différentes compofitions ou décompofitions, pour les comparer par tous les côtés qui peuvent en montrer les rapports. Elle fait l'office du lapidaire qui veut connoître la beauté d'un diamant taillé à facettes; il les examine chacune féparément: de même l'analyse, en féparant chaque terme d'une propofition, en les éloignant, en les rapprochant, les compare, & découvre enfin le rapport qu'ils ont ensemble, & la vérité qui réfulte de l'affemblage de toutes ces par

ties.

Il me femble, dit M. l'Abbé de Condillac, que, fi l'on faififfoit bien le progrès des vérités, il feroit inutile de chercher des raifonnemens pour les démontrer, & que ce feroit affez de les énoncer; car elles fe fuivroient dans un tel ordre, que ce que l'une ajouteroit à celle qui l'auroit immédiatement précédée, feroit trop fimple pour avoir befoin de preuve de la forte, on arriveroit aux plus compliquées, & l'on s'en affureroit mieux que par toure autre voie. On établiroit même une fi grande fubordination entre toutes les connoiffances qu'on auroit

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