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tion de continuité." L'attaque des touches de près n'exclut pas la force. Mlle Parent recommande d'exercer la main gauche séparément afin d'obvier à la faiblesse relative de cette main. Il arrive cependant très bien qu'on ait plus de force dans la main gauche que dans la main droite; là n'est pas la question. On doit même étudier chaque main séparément, chaque fois qu'on veut y porter une attention et un soin particuliers. Quant à la faiblesse, c'est un mot qu'on emploie souvent mal à propos. Ainsi on parle de la faiblesse du quatrième doigt et du cinquième. Eh bien ! qu'on prenne un bâton et qu'on le serre le plus qu'on peut avec les trois premiers doigts de la main,puis qu'on y joigne les deux autres, on s'apercevra que l'on tient le bâton avec deux fois plus de force qu'avec trois doigts seuls. Ce n'est donc pas la force qui manque aux deux autres doigts, c'est l'indépendance. Pour donner plus de force à l'ensemble de la main, la nature a uni l'annulaire par des ligaments spéciaux aux deux doigts voisins. Il y a quarante ans, on a même construit un petit appareil pour affaiblir la résistance opposée à la liberté du quatrième doigt par ces ligaments, que l'on peut percevoir sous la peau en fermant le poing.

L'étude des principaux accords est liée nécessairement aux arpèges, de manière que l'élève les connaisse aussi bien que les gammes dans tous les tons. Quant aux moyens de retenir le doigté dans la mémoire, le meilleur et le plus sûr, comme le plus facile, c'est de savoir parfaite ment les gammes et les accords, si on les voit aussitôt, une note fondamentale étant donnée, on verra aussi le doigté à prendre. D'ailleurs, dans certains traits diatoniques ou certains arpèges, le doigté peut varier, il peut même y avoir de l'avantage à modifier le doigté donné comme le plus usuel, sans que pour cela le doigté devienne irrégulier ; bien au contraire.

Mlle Parent non plus n'a pas des notions parfaitement exactes sur la gamme mineure. Il y a surtout un dernier chapitre plein d'erreurs et d'ailleurs inutile; ce sont deux pages à supprimer. Il n'y a que deux notes modales, c'est-à-dire indiquant le mode : le troisième degré et le sixième. Jamais encore on n'en

avait distingué trois. Par exemple, dans le ton de la, les notes modales sont ut dièse et fa dièse, où ut et fa naturels, selon que le mode est majeur ou mineur. Sol naturel est une note étrangère au ton de la mineur, autrement l'accord parfait de sol majeur indiquerait le ton de la mineur, tandis qu'il le détruit. L'explication des accords par le corps sonore ou les sons harmoniques est une vieillerie sans fondement ni utilité; le système de Barbereau en est une autre de même valeur. Mlle Parent dit: "L'accord de septième de dominante a été découvert par Claude Monteverde au commencement du dix-septième siècle. Cet accord introduisit l'élément attractif dans une tonalité qui en était jusque là dépourvue, bouleversa complètement l'ancien système et devint le point de départ de notre tonalité moderne." Il y a là autant d'erreurs que de phrases. L'école de Palestrina connaissait et employait des accords de septième; Caccini a employé, avant Monteverde, l'accord de septième de dominante sans préparation; l'école de Palestrina ne manquait pas de "notes attractives," expression malheureuse jetée dans la circulation par Fétis, et dont on se sert à tort et à travers les suspensions sont des "notes attractives." Enfin, ni Caccini ni Monteverde

n'ont fait la tonalité moderne, elle existait avant eux; seulement, au dix-septième siècle, elle a triomphé décidément de la tonalité du plain-chant.

Mlle Parent aurait pu se renseigner dans mon Traité de l'Art de moduler, qu'elle cite une fois pour m'attribuer une erreur. Je n'ai jamais dit que ut mineur, par exemple, est relatif au premier degré d'ut majeur; c'est Gottfried Weber qui l'a dit. Au contraire, j'ai rejeté le vieux procédé routinier de calculer les affinités de tons par degrès, comme arbitraire et manifestement faux en théorie comme en pratique.

Dans l'ouvrage : Lecture des notes daus toutes les clefs, méthode basée sur la mémoire des yeux, les sept notes de noms différents et les lignes de la portée sont indiquées par sept couleurs différentes ; selon Mlle Parent, ces couleurs s'impriment dans la mémoire et l'élève en reconnaît la place, quand elles sont supprimées, comme on reconnaît les points marqués sur une carte muette.

Les Bases du mécanisme contiennent des exercices élémentaires bien disposés ; la Méthode dans le travail donne des conseils techniques appliquables à l'étude de tout morceau de piano; Mlle Parent insiste avec raison sur la nécessité de se rendre maître du mécanisme d'un morceau avant de s'occuper du style, de travailler isolément chaque passage qui offre quelques difficulté et d'en faire au besoin un véritable exercice de doigté, qu'on répète le nombre de fois nécessaires.

Revues.

J. WEBER.

La Revue des Religions, paraissant tous les 3 mois par livraison d'une centaine de pages in-8. Prix d'abonnement: Union postale, 9 fr. Pour les membres du clergé 6 fr. Les demandes d'abonnement doivent être adressées à l'abbé Z. Peisson, 37 Rue du Bac, Paris.

L'histoire des religions a pris, depuis quelques années surtout, une importance de premier ordre. Pour nous en convaincre il suffira de rappeler les faits.

En 1887, la Hollande établissait quatre chaires d'histoire des religions dans ses quatre facultés. L'Angleterre fondait en 1878 ses Hibbert-Lectures ou Conférences sur les sciences religieuses. En 1879, MM. Paul Bert et Jules Ferry obtenaient des Chambres la création d'une chaire des religions au Collège de France. En 1886, l'école des Hautes Etudes ajoutait à ses quatre sections celle 'des sciences religieuses. Dès 1884, Bruxelles avait imité Paris. En 1886, le gouvernement italien fonda à son tour, à Rome même, une chaire d'histoire des religions. En 1817, la Hongrie et la Grèce sont entrées dans la même voie. Enfin l'année 1888 verra se terminer à Paris le musée Guimet, qui va donner, nous n'en doutons pas, une nouvelle impulsion à la science nouvelle.

Or,qu'on ne s'y trompe pas,le courant qui a créé ces chaires d'histoire des religions est le même que celui qui a supprimé les facultés de théologie et interdit le catéchisme dans les écoles primaires. La religion doit être enseignée désormais scientifiquement, en dehors de tout dogme

et de toute confession. On a déjà élaboré des programmes dans ce sens pour les trois degrés de l'enseignement : primaire, secondaire et supérieur.

Cette impulsion donnée aux sciences religieuses a été accueillie avec enthousiasme par le protestantisme et le rationalisme. Presque partout, ce sont des pasteurs d'Eglises réformées qui se sont mis à la tête du mouvement; une plus grande place a été faite à ces études dans les séminaires protestants. Le clergé catholique ne restera certainement pas en arrière. Il voudra se faire lui aussi une spécialité de cette science, qui entre si bien dans le cadre des connaissances qui lui conviennent. Sur ce domaine, d'ailleurs, comme sur les autres, sa victoire, est certaine et ordinairement facile.

Il n'y a pas cependant à se faire illusion : c'est sur ce terrain qu'est portée actuellement la lutte faite à l'Eglise. Si nous voulons nous en convaincre, nous n'avons qu'à écouter les enseignements donnés du haut des chaires que nous avons nommées.

En Hollande, le professeur le plus autorisé de l'histoire des religions, M. Tiele, enseigne que le judaïsme n'est en partie qu'un emprunt fait au zoroastrisme. Il prétend appliquer à la religion le système de l'évolution si en honneur de nos jours, malgré les contradictions que lui donnent les faits, sur ce terrain surtout.

Pour juger des renseignements donnés aux Hibbert-Lectures de Londres, il suffit de rappeler les noms de quelques-uns de ses conférenciers. Tout le monde sait que MM. Renan, Kuenen, Pfleiderer, etc., n'ont aucune prétention à l'orthodoxie.

Nous pourrons apprécier l'esprit qui règne au collège de France, en nous rappelant que sa chaire des religions a pour parrains MM. Paul Bert et Jules Ferry. Son titulaire, Réville, appartient au plus pur rationalisme.

Quant à la section des sciences religieuses à l'école des HautesEtudes, qu'il suffise de dire que M. Havet y traite des origines du christianisme.

A Bruxelles, M. Goblet d'Aviella a eu le courage de soutenir que le brahmanisme est supérieur au christianisme. Pour lui, comme pour bien d'autres, la religion de l'avenir sera la synthèse de toutes les religions du passé.

M. Labanca, titulaire de la chaire de Rome, nie la divinité de Jésus-Christ et se fait l'écho du rationalisme français.

Les mêmes principes règnent à Presbourg et à Athènes.

Il va sans dire que les enseignements donnés du haut de ces chaires officielles sont reproduits dans différentes revues destinées à les répandre. Or le nombre de ces publications est déjà considérable.

Nous avons donc cru que le moment était venu de fonder à notre une revue des religions, inspirée par des sentiments vraiment chrétiens et guidée par une saine philosophie. C'est cette revue que nous venons aujourd'hui offrir au public. Elle a d'avance,nous le savons, l'assentiment de nombreux et éminents professeurs de nos séminaires, qui sentent depuis longtemps le besoin d'une publication de ce genre.

L'abbé Z. PEISSON.

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Séance annuelle du 14 novembre 1888-Discours de Mgr d'Hulst.

Nous reproduisons aujourd'hui la seconde partie du discours prononcé par l'éminent recteur de l'Institut catholique de Paris à l'ouverture générale des Cours pour l'année scolaire 1888-89:

.....Dans tout cet ensemble d'efforts et de sacrifices que représente une université catholique, vous venez de voir à l'œuvre, Messieurs, l'une des formes, et non certes la moins élevée de l'action civilisatrice de l'Eglise. Or entre tant d'autres caractères qui distinguent cette action, qui ne permettent qu'aux esprits superficiels de la comparer aux influences purement humaines, il en est un sur lequel je voudrais appeler un moment votre attention.

Ce caractère s'accuse par un contraste l'action de l'Eglise, du moins son action immédiate, s'exerce d'ordinaire sur le petit nombre, et pourtant elle est organisée en vue du grand nombre. Ainsi, à l'origine, le Christ réunit douze apôtres dont un le trahit. Sur le point de quitter la terre, il dit aux onze qui lui lui restent fidèles: "Allez, enseignez, baptisez, gouvernez toutes les nations jusqu'à la fin du monde." Vit-on jamais programme plus vaste et début plus modeste? Mais peutêtre était-ce là seulement pour l'Evangile la loi du début ?

Non, Messieurs, cette loi se vérifie dans tout le développement historique du christianisme. A aucune époque la civilisation chrétienne n'a été maîtresse de l'univers ; à aucune époque aussi elle n'a renoncé aux visées universelles qui furent celles de son divin instituteur. Au moyen âge, sans doute, les nations de l'Europe ont pleinement accepté le code de croyances et de moralité que promulguait l'Eglise de Jésus-Christ. C'est alors que se forma cette fédération des peuples soumis à l'Evangile, à laquelle l'histoire a conservé le beau nom de chrétienté. Mais alors aussi l'Orient échappait à l'Eglise par le schisme, l'Afrique par l'islam, le Nord même de l'Europe par la barbarie.

Le seizième siècle marque la fin de cette fraternité. La révolte religieuse, connue sous le nom de Réforme protestante, prépara par l'anarchie d'abord, puis par l'absolutisme des princes, la sécularisation de la société et rompit du même coup le lien moral qui unissait les peuples sous la discipline chrétienne. Au moment où l'Eglise perdait ainsi l'heureuse hégémonie qu'elle avait exercée longtemps au centre du monde, son action s'étendait plus loin que jamais, portée par les navigateurs jusqu'aux extrémités de l'univers. Et ces deux mouvements inverses se sont continués jusqu'à nos jours.

Tandis que partiellement l'Europe lui échappe, le christianisme a conquis les deux Amériques, il a établi ses tentes dans toutes les parties de l'immense Asie, il a suivi les colons dans l'occupation de l'Australie, il est aujourd'hui, au cœur même du continent noir, le hardi pionnier de la civilisation, le glorieux adversaire de l'esclavage, le porteétendard de la liberté. Une particularité du gouvernement ecclésiastique rend très sensible ce contraste. On distingue dans l'Eglise les pays de hiérarchie et les pays de missions : les premiers relèvent du Saint-Siège par les évêques et possèdent une organisation religieuse fixe et définitive; les seconds sont administrés par des envoyés du Pape ou vicaires apostoliques, dont l'action se plie aux circonstances.

A mesure que l'établissement chrétien s'affermit dans une contrée, la tendance du Saint-Siège est de substituer des évêques proprement dits aux vicaires apostoliques; mais la hiérarchie, restaurée dans ses éléments principaux, demeure souvent incomplète, et de vastes régions restent ainsi placées sous un régime intermédiaire, continuant de ressortir, pour toutes les affaires ecclésiastiques, à la congrégation de la Propagande. Or, prenez une mappemonde, faites le partage des attributions et vous verrez que les pays catholiques de la vieille Europe appartiennent seuls au régime de la hiérarchie complète : tout le reste de l'Europe et les quatre autres parties du monde, c'est-à-dire la presque totalité du globe, forment la clientèle de la Propagande.

Qu'est-ce à dire, Messieurs? C'est que l'Eglise catholique a moins que jamais renoncé à pénétrer l'univers de son influence puisqu'elle organise si puissamment les moyens de l'exercer en tous lieux.

Mais cela prouve en même temps que nulle part cette action n'est incontestée, puisque l'apostasie a décimé la chrétienté d'autrefois et que l'apostolat n'a pu constituer qu'imparfaitement les chrétientés nouvelles.

Le vicaire du Christ continue l'œuvre du Christ lui-même ; comme Lui il embrasse du regard l'humanité tout entière, il lui offre dans son enseignement la vérité totale, dans ses institutions l'intégrité du bien moral; mais le grand nombre ferme l'oreille; le petit nombre écoute et la parole qu'il reçoit contient les ressources du salut pour l'universalité des hommes.

Voyez Léon XIII. Il sait que la société moderne est en dissolution parce qu'elle méconnait les principes de la constitution chrétienne des Etats. Va-t-il renoncer à les lui rappeler parce qu'elle est indocile à ses leçons? Non dans l'Encyclique Immortale Der il esquisse d'une main sûre le type idéal de la civilisation chrétienne et il semble ajouter avec le divin Maître: "Que celui-là entende qui a des oreilles pour entendre." Il sait que l'affaiblissement des convictions a faussé dans beaucoup d'esprits la notion de la liberté ; qu'on veut aujourd'hui en faire une fin suprême alors qu'elle n'est qu'un moyen ; qu'on lui subordonne la vérité et la justice tandis qu'elle doit les servir.

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N'importe dans l'Encyclique Libertas il rappelle aux hommes l'incomparable prérogative dont Dieu a enrichi leur nature: Libertas præstantissimun naturæ humanæ donum. Il montre dans la liberté civile le rayonnement social de la liberté morale et par là il soumet invincible

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