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joli de rire en ah! Quelquefois, c'est un mot seul qui séduit et frappe l'imagination. Jérusalem. Ce mot ravissait et transportait un enfant que j'ai connu. Jérusalem! se redisait-il en s'écoutant et se délectant. Le mot est beau, en effet, sonore, rapide, plein, harmonieux; le rayon céleste l'illumine. Bien qu'elles ne touchent pas la perception de tous, ces grâces sont sensibles, et elles se rapportent à ces vertus latentes quí attirent les mots les uns vers les autres, et qui constituent avec l'harmonie des sons et l'harmonie du sens, un accord complet, quelque chose de semblable peut-être à ce concert des astres que l'oreille ne savoure pas et qui n'est pas moins un chant véritable.

Ce concert, cet accord des mots entre eux et avec l'idée qu'ils expriment n'est-ce pas ce qu'on appelle la propriété du langage? grande et magnifique qualité, tout à fait délectable, qui ne se définit guère et qui est essentielle à la langue française. C'est le don particulier, le don propre de l'écrivain. Oh! que les livres d'aujourd'hui manquent de propriété dans leur langage! Ces livres, comme le disait M. Renan à M. Claretie, qui abaissent l'esprit du lecteur et pervertissent le goût litté

raire !

Les écrivains ont une part dans les révolutions de la langue : ils contribuent à la fixer et à la faire briller. Les grammairiens, qui généralement ont beaucoup de respect d'eux-mêmes, ne parlent pas toujours avec assez de respect des grands écrivains, et sont à leur endroit volontiers légers et rapides: cette légèreté pourrait être fâcheuse dans les livres destinés à la jeunesse. J'estime inexact de dire que "Mme de Sévigné orthographiait moins régulièrement que les plus illettrés de nos paysans." Je n'ai pas à examiner sur quoi le Cours supérieur prétend se fonder le propos est malsonnant, exorbitant et tout à fait rude à entendre. Toutes les lettres de la marquise, qui m'ont passé sous les yeux, m'ont paru aussi régulièrement orthographiées que délicatement écrites. Elles s'insurgeait, il est vrai, contre certaines règles de grammaire adoptées aujourd'hui et contestées de son temps. Elle n'admettait pas l'emploi neutre du pronom le.

Avec Corneille, avec Racine, avec Mme de Maintenon,-et j'emprunte ces grandes autorités au cours supérieur,-elle ne s'inclinait pas devant Vaugelas, et écrivait: Quand vous serez contente je la serai! Elle résistait à Ménage, son maître, qui la voulait reprendre, et prétendait qu'elle dirait le quand elle aurait de la barbe au menton. Il n'y avait pas que la règle du le neutre qu'elle méconnut. Je ne sais si elle observait nos règles un peu arbitraires des participes mieux que Molière, Racine ou Boileau,qui orthographiaient certainement plus régulièrement que les plus illettrés de nos paysans. Ces propos entre grammairiens sont de peu de poids; ils ne doivent pas être tenus devant la jeunesse. Ils pourraient avoir pour conséquence de faire mépriser la science de l'orthographe; ce serait fâcheux, en ce temps surtout ou l'arbitraire est prêt à s'affirmer en toute circonstance. Le respect des maîtres de la Îangue, même quand ils ne sont pas grammairiens parfaits, ne saurait être trop recommandé. MM. Brachet et Dussouchet le savent puisque tout leur livre est consacré à montrer, expliquer et faire goûter les traditions. Ils sont érudits: il ne faut pas que l'amour et l'admiration des traditions les plus reculées les pousse à dédaigner les errements et les gloires des derniers jours. La langue française doit beaucoup à nos pères

qui ont façonné et transformé les mots latins; elle doit aussi grandement aux merveilleux écrivains qui pour les employer à leurs chefsd'œuvre, leur ont donné une force et prêté des vertus incomparables. C'est un point à rappeler aux philologues. Guessard, un philologue de la plus grande autorité, leur demandait souvent non sans quelque ironie de s'en ramentevoir, leur faisant remarquer que depuis qu'elle est émancipée, c'est-à-dire à son diagnostic, depuis le seizième siècle, la langue française a fait un beau chemin dans le monde. Ce beau chemin ne fait pas oublier à un érudit les grâces des allures du treizième siècle. Mais en les goûtant et en les prisant, en admirant la régularité et la justesse de forme des mots fabriqués par le peuple durant les siècles précédents, Guessard recommandait de ne pas dédaigner les formes savantes plus rapprochées de la langue latine que le quinzième et le seizième siècles avaient surtout élaborées, quand la muse de Ronsard parlait grec et latin; et il affirmait, sans rien abaisser des gloires des primitifs, que c'était à ce moment de son émancipation que la langue française avait été dotée, et richement dotée.

Je m'arrête. Je pourrais en dire davantage. L'étude des mots qu'on veut inculquer à la jeunesse, est volontiers un délassement et un plaisir de vieillards. La tentative de MM. Brachet et Dussouchet est intéressante et curieuse; elle peut être utile; elle sera importante si à travers la décadence et la ruine de l'enseignement classique, elle fait pénétrer dans l'université avec la poursuite de la bonne prononciation, quelque étude sérieuse de la langue française.

On peut recommander le cours de grammaire à tous les professeurs : ils y trouveront des ressources pour apporter à leurs classes un intérêt et parfois un sourire, ce qui n'est pas à dédaigner et ne sera d'ailleurs pas sans profit immédiat. Les programmes de 1885 sont là. Je crois qu'il faut apporter de la réserve à mettre le livre aux mains des écoliers. Je puis ajouter aux raisons qui me font conseiller cette réserve l'emploi que les auteurs font pour les exemples de la littérature contemporaine. C'est une mode inaugurée par M. Duruy, quand il était ministre, et qu'il voulait, pour former les jeunes générations à l'amour de la dynastie impériale, qu'on enseignât l'histoire toute vive du second empire. Je laisse l'histoire; les professeurs de l'Université ont passé à la littérature. Avant d'être proposée à l'enfance, la littérature a besoin de mûrir. Les vers de M. Coppée ou de M. Theuriet peuvent être excellents et généreux: ils sont encore verts, et les présenter à la jeunesse, c'est pour lui agacer les dents.-Léon Aubineau.

Service de Renseignements et de Commission.

Q.-Peut-on permettre la lecture des ouvrages de M. Louis Figuier? R.-Pas d'une manière absolue. Sous prétexte de vulgarisation scientifique, M. Figuier fait trop souvent invasion dans les doctrines philosophiques et religieuses qui ne sont pas de son domaine, et il professe des théories contraires à l'enseignement catholique.

Q-Peut-on se servir du Nouveau Dictionnaire classique illustré de A. Gazier ? R.-Oui ; prendre garde toutefois cà et là à l'esprit janséniste

de l'auteur. (Cet ouvrage se vend, relié en toile, 3 fr. 30 et non 3 fr. 60, tel qu'annoncé à la page 317 du Chercheur, Vol. 1.)

Q.-L'ouvrage de MM, Pécaut et Baude intitulé: L'Art, simples entretiens à l'usage de la jeunesse, peut-il être mis sans inconvénient entre les mains des jeunes gens ? R.-Non. MM, Pécaut et Baude sont des partisans de l'art pour l'art ; en outre, certaines gravures contenues dans ce volume ne doivent pas être mises sous les yeux de tout le monde.

Q-Quelle est la valeur du Précis de l'histoire de la littérature française par Désiré Nisard? R-Lorsque cet ouvrage a paru, en 1878, l'Univers l'appréciait comme suit: " M. Nisard, qui est de l'Académie, est aussi de l'Université. Ce sont là des titres qui gênent un homme, quand l'homme veut écrire l'histoire littéraire du très chrétien pays de France. Mais il faut s'entendre. On peut être gêné sans le savoir, et c'est le cas de M. Nisard, qui porte avec désinvolture le poids et le prix de ses partialités. Il eut suffi d'énoncer un des titres de M. Nisard pour savoir par quelle porte il pouvait nous introduire dans l'histoire des lettres françaises. Dès les premières pages du Précis, on est renseigné sur le fil que l'auteur compte faire tenir au lecteur à travers le labyrinthe de ses dissertations. On ne s'égarera pas ; M. Nisard est un guide qui a des connaissances; mais on est prévenu qu'on ne verra pas tout et que le voyage sera à recommencer sur beaucoup de points où toute la bonne volonté de M. Nisard ne réussit pas à faire suffisamment de ténèbres. Entre autres choses, signalons la" suffisance" comique avec laquelle l'académicien lettré parle des plus grands génies qui aient illustré la doctrine et les lettres catholiques. Dans la vieille querelle des "mendiants et de l'Université ", M. Nisard montre une vive tendresse pour le fameux Guillaume de Saint-Amour et ses méchants pamphlets, tandis qu'il fait parade d'un dédain amusant pour saint Bonaventure et saint Thomas d'Aquin. C'est là tout l'homme, et nous le retrouverons quand, à la fin de son volume, voulant consacrer quelques pages à la littérature du XIXe siècle, il écarte, sous prétexte d'avoir la politique en horreur, tout ce qui sent le catholicisme. Chateaubriand, grâce à son christianisme coloré" d'empois antique " et de rhétorique universitaire, est à peu près le seul qui fasse figure dans ce dernier tableau où Cousin, Carrel, Alexandre Dumas, Mignet et d'autres prennent des pages. Le comte de Maistre est exécuté en trois lignes avec un aplomb majestueux. RoyerCollard a son tableau. Montalembert, qui fut pourtant orateur et écrivain de quelque talent, n'obtient pas une mention. Nous pourrions citer bien des omissions choquantes. A quoi bon ? M. Nisard n'a que faire des "lettres chrétiennes ", mal vues dans les endroits que hantaient les livres académiques, et puis M. Nisard n'a point ce qu'il faut pour pouvoir en parler. Son livre, qui est un petit monument d'école et de parti, ira où il veut aller et ce n'est ni bien haut ni bien loin."

Q.-Pourriez-vous m'indiquer une histoire de l'Eglise qui tienne le milieu entre les Manuels et les grands ouvrages de Darras et de Rohrbacher ? R.-La maison Vivès vient de publier une nouvelle édition de la petite Histoire de l'Eglise, par l'abbé Darras, 4 vol. in-8, 24 fr. Nous recommanderons tout spécialement l'Histoire de l'Eglise, par le Cardinal Hergenrother, 6 vol. in-8, 45 fr, chez Palmé. Les deux derniers volumes doivent paraître très prochainement, s'ils ne sont déjà en vente. Il y a aussi l'His

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toire universelle de l'Eglise par le docteur Alzog, traduite de l'allemand par l'abbé Goschler. 4 vol. in-12, 16 fr, chez Bricon, à Paris. Il y a encore Leçons d'histoire ecclésiastique, par l'abbé Doublet, 4 forts vol. in-12, 14 fr. chez Berche & Tralin ; Cours d'histoire ecclésiastique, par l'abbé Rivière, 3 vol. in-8, 18 fr., chez Vivès; enfin Analyse de l'histoire de l'Eglise de Darras, par Ch. de Castelmour, 2 vol. in-8, 12 fr. Ce dernier ouvrage vient de paraître chez Vivès.

Q.-M. Frédéric Godefroy, auteur de l'Histoire de la littérature française, n'a-t-il pas publié un cours de grammaire française ? Si oui, chez quels éditeurs et à quel prix ?-La grammaire de MM. Brachet et Dussouchet peut-elle être mise sans danger aux mains des écoliers ? R.—La grammaire française de M. Godefroy se trouve chez Gaume, à Paris, aux prix suivants: cours élémentaire : 60 centimes; cours moyen: 1 fr. 25; cours supérieur: 1 fr. 80. Quant au cours de grammaire française de Brachet et Dussouchet, voyez l'article de M. Léon Aubineau à la page 370 du Chercheur, vol. 11. En terminant, M. Aubineau s'exprime ainsi : "Je crois qu'il faut apporter de la réserve à mettre le livre aux mains "des écoliers. Je puis ajouter aux raisons qui me font conseiller cette "réserve l'emploi que les auteurs font pour leurs exemples de la littérature contemporaine.

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Q.-Connaissez-vous quelqu'ouvrage spécial qui pourrait guider un jeune homme instruit dans le choix de ses lectures ? R.-La lecture et le choix des livres, par l'abbé Verniolles, 1 vol. in-18, 2 fr. 50, chez RetauxBray, à Paris. Le frère Azarias a aussi publié dernièrement à New-York une brochure intitulée: Books and reading. Nous ne connaissons pas acctuellement le nom de l'éditeur ni le prix de l'ouvrage. Nous vous en informerons plus tard.

Q.-Quels sont les journaux ou revues publiés par la Société de St. Augustin? Depuis quand paraissent-ils et quel est le prix de l'abonnement pour le Canada ? R.—Le Musée des Enfants, mensuel, 6 fr. paraît depuis 1887. L'Ecole catholique, revue pédagogique, bi-mensuelle, 6 fr. paraît depuis 1882. La Revue de l'Art chrétien, publication trimestrielle, 25 fr. paraît depuis 1857. Le Musée des jeunes Filles, revue mensuelle, 12 fr. paraît depuis quelques mois seulement.

Q.- Où pourrais-je trouver un recueil de jolies chansons françaises, irréprochables au point de vue de la morale ? R -La chanson chrétienne, chez Mme. Domin, libraire, rue de la Monnaie, à Caen (Calvados), France. Nous indiquerons le prix dans un prochain numéro.

Q.-Je lisais dernièrement un extrait d'une revue intitulée : La Franc-maçonnerie démasquée, où cette revue est-elle publiée ? R.—Chez Barratier & Dardelet, à Grenoble. C'est une revue mensuelle fondée pour combattre la franc-maçonnerie. L'abonnement est de 5 fr. pour la France.

Q.-Quel est le prix d'abonnement au Cosmos ? R.-Pour le Canada 32 fr. C'est le meilleur journal scientifique que nous connaissions. Il Π paraît toutes les semaines. Chaque numéro contient 32 pages gr. in-8, avec gravures dans le texte. Les bureaux sont au No 8, rue François 1er,

à Paris.

PAGES

TABLE DES MATIERES.-Vol. II.

Discours et Conférences

1-Du Beau et de la Pensée dans l'Histoire........
14-L'enseignement supérieur des Lettres......
41-Le génie au XVIIe et au XVIIIe siècles...
65-A l'Institut catholique de Paris-Discours de...
70-L'enfance chrétienne....

83-Souvenirs de collége-Discours de..........
101-Discours de réception à l'Académie française.
129-Réponse au discours de M. Jules Claretie...
161-L'Education intellectuelle de la femme.....
193-Le patriotisme.......

257-Le souvenir...

321-Aux orphelines-Discours de........

Etudes littéraires

38-Le roman contemporain-Une préface de...

46-Les carnets de Victor Hugo......

73-La défense des Humanités..

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De la transition.........

329-L'art d'écrire-Education de la sensibilité..

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.Ch. Charaux

.Frs. Plessis
..E. Legouvé
Mgr. d'Hulst
.L'abbé Laroche
..Ludovic Halévy
.....Jules Claretie

..E. Renan

..L'abbé Dadolle
.R. P. Félix
..L'abbé Pelgé

...Ludovic Halévy

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....H. Le Franc

333-Littérature et morale-Curiosités malsaines..............A. de Pontmartin
353-Le rôle de la mère dans le roman contemporain..
355-La littérature scientifique.....

Sciences

15-Le phosphore et la pensée....

.E. Vial

281-De l'exercice......

25-L'hygiène et l'industrie......

27-A propos de la tuberculose.....

284-Le coryza ou rhume de cerveau..

186-Nouveau traitement des fractures.....

250-Pansement des brûlures et des contusions.

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.P. R.

351-Hygiène de la table.......

241-Le café-ses avantages et ses inconvénients............
155-La viande et le pain au point de vue alimentaire..
188-Le pain au lait...

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153-Nouvelle application du téléphone aux chemins de fer.

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