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pera de l'histoire et de l'archéologie; elle arrêtera surtout son attention sur les monnaies nationales, dont l'exploration est devenue depuis quelques années le sujet des plus sérieuses études, et sur les divers systèmes d'architecture qui se sont développés en France au moyen-âge. La philologie, la littérature, les beauxarts et la philosophie sont dévolus à la cinquième section, qui présentera ses vues sur la direction scientifique à imprimer à l'instruction publique. Enfin, la sixième section est réservée aux sciences physiques et mathématiques. Nous ne doutons pas que toutes les sociétés savantes ne s'empressent de répondre à l'appel qui leur est fait par le Congrès de Clermont, et n'émettent leurs vues sur quelques-unes des nombreuses questions développées dans son programme. C'est par cet échange que la science tend à se généraliser et à s'enrichir de toutes les découvertes qui peuvent être faites isolément.

TRIBULATIONS D'UN JEUNE POÈTE'.

ENCORE des vers, voire des vers de province; tort impardonnable qu'a eu le poète! car ses créations fussent-elles puisées à la source la plus pure et empreintes de la plus touchante élévation, les dédains littéraires de la capitale sauront bien les trouver vulgaires et de petite considération. Cette préoccupation, parmi toutes les terreurs dont l'auteur de ce volume a été assailli, est celle qui la première est venue l'émouvoir étrangement, lorsque, d'une main incertaine, il a livré les confidences de son porte-feuille au typographe qui s'est chargé du soin de les lancer à l'immortalité, ou dans le gouffre de l'oubli, en caractères cicéroniens. A dire le vrai, son anxiété était un peu bien légitime; car il venait de lire l'arrêt fulminé par un aristarque contre l'impertinence d'aucuns esprits qui s'avisent de rimer dans l'obscurité des départemens,

1 Notre collaborateur M. CHARLES CHANCEL, qui va faire paraître bientôt un volume de poésies, actuellement sous presse, nous communique la préface destinée à être placée en tête de son recueil : nous croyons faire plaisir à nos lecteurs en mettant sous leurs yeux ce morceau dans lequel l'auteur nous révèle les préOccupations intimes que son projet de publication a jetées dans son esprit. (N. du D.) 21

TOME III.

sans le bon plaisir de la métropole. Ce critique, frère d'un littérateur distingué, écrivait naguère : « Avant Malherbe, beaucoup » de poètes provinciaux, tout aussi intéressans et tout aussi >> glorieux dans leur province que ceux d'aujourd'hui, rimaient » à ravir dans leur patois. Quand Malherbe eut fait les premiers >> beaux vers français et créé du même coup la langue et la grammaire poétiques, il fut bien entendu qu'on ne parlait ni » n'écrivait le bon français que dans l'Ile-de-France, et que c'était aux maîtres de l'art à donner le ton au public et à fixer, de >> leur autorité propre, la règle et le goût.....

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>> Personne aujourd'hui ne prend au sérieux la littérature pa»toise, ni les paysans de génie, comme il s'en voit encore, qui » composent, à ce qu'il paraît, dans le dialecte de leurs monta» gnes des vers aussi beaux que les plus beaux vers français. La » Providence a été bien malavisée de faire naître ces hommes » merveilleux et inintelligibles dans le même pays où Racine est généralement compris. Ce sont là de si grands mystères pour » la critique, qu'elle renonce à les expliquer. Elle en croit sur parole ceux qui ont encore le bonheur de sentir les beautés primitives de leur idiome départemental. On peut être revenu » soi-même de ces goûts enfantins, mais encore sont-ils fort respectables dans les autres..... »

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Cette objurgation aristotélique s'adresse, sans doute, à M. Nodier, écrivain, comme chacun sait, de peu de goût, qui a la barbarie de préférer le langage naïf et doux de quelques-uns de nos dialectes nationaux au purisme ricaneur des pédans, et dont l'audace a trouvé dans les Papillotes du Perruquier d'Agen des richesses poétiques, des grâces de style, une sensibilité et une passion inconnues à la plupart des fiers génies qui se posent aujourd'hui sur la scène littéraire. Mais ce n'est qu'en passant que le dédain de notre critique veut bien écraser de toute sa hauteur ces pauvres patois, trésors inépuisables entre les mains de La Fontaine; il continue : « Reste donc pour la province une concurrence

» plus sérieuse et plus difficile à soutenir contre le monopole pa>> risien : c'est dans la littérature pure et sans mélange d'idiotismes » et de jargon local, dans la poésie, dans les choses d'imagination » et de fantaisie, dans la critique. Y a-t-il dans tout cela quelque » chose de neuf, d'original et de vrai à faire après Paris, et qui >> ne soit ni une imitation décolorée de la manière parisienne, ni une invention précieuse et faussement naïve de l'esprit local?

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» Du reste, qu'a produit jusqu'à présent de si original et de si remarquable la décentralisation provinciale, et comment a-t-elle jeté son premier feu? Dans les choses d'imagination, ce sont » de petits vers, comme ceux dont on a la tête et le cœur pleins » à vingt ans, quand on a fait une absence de deux semaines au » moins hors du pays natal, et qu'on y revient avec un commen» cement de vague mélancolie et de tristesse sérieuse. Celle-là est » dans le sang du jeune homme; qu'il patiente un peu et son pouls >> battra moins vite! Celle-ci est déjà de la raison; que ne s'y » fie-t-il, dès vingt ans, comme à un instinct divinateur de la vie » et des difficultés qui l'attendent au sortir des rêves de l'enfance, » et tout de suite après la première barbe tombée? Cette tristesse » que nous avons tous connue et qui est un avant-goût salutaire >> des choses médiocres ou fâcheuses de l'âge viril, empêcherait le » jeune homme de la province de dissiper les forces d'un esprit déjà raisonnable pour l'avenir, déjà maître de résister à ses » illusions et de compter avec les désenchantemens. Mais on fait » à Paris des vers à quinze ans; il en a vingt et n'est pas encore » poète ! Il en fait donc, et sur des choses qu'il a toutes fraîches en » tête et aussi vives que des sensations: sur le doux foyer domes»tique, sur les causeries en famille, sur ses gentillesses d'enfant » gâté, sur son berceau, sur sa nourrice, sur les belles eaux et » sur les frais ombrages de son pays natal, sur le clair de la lune >> que Dieu fait paraître plus belle dans son pays natal que partout » ailleurs, sur le printemps de son pays natal, sur les premiers » battemens de son cœur, et autres petits sujets du genre pastoral

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ou prive.....Le jeune homme de la province n'invente rien; il » se souvient de ses lectures les plus récentes; et cette impétueuse >> vocation poétique qui l'a pris un jour, au grand effroi de ses » parens et par une belle matinée du printemps de son pays natal, » n'est pas autre chose qu'une certaine conformité de son ame » vide et rêveuse avec la poésie de même nature qui a déjà ses » imitateurs, passés maîtres, à Paris, et qu'il trouve tout ajustée » à son génie de vingt ans. Mais il y a toujours entre les petits » vers de Paris et ceux de la province cette différence notable et » mortelle à la décentralisation, que les premiers sont meilleurs » et plus spirituellement tournés que les seconds, de l'avis même » de ceux qui n'aiment ni les uns ni les autres. D'où vient celà? » d'où vient qu'il ne peut y avoir deux capitales d'un même >> royaume? >>

Ah! qu'en termes galans ces choses-là sont mises!

Que cela est bien dit et sensément raisonné! Ainsi l'inspiration poétique, ce feu du génie qui éclate soudainement, ne répandra ses clartés qu'au sein de la capitale, et son foyer sera circonscrit dans la banlieue de Paris. Brise ton luth, Reboul? toi qui, empruntant aux anges leur mélodieux langage, as chanté si harmonieusement la mort d'un ange; lorsque Lamartine, admirant ton génie, te disait:

« Le souffle inspirateur qui fait de l'ame humaine
» Un instrument mélodieux

» Dédaigne des palais la pompe souveraine »>,

il se trompait, et de par M. Auguste Nisard, frère de M. Nisard le critique, tu n'as rien inventé, car tu es de la Province, et tes

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