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On se préoccupe trop de l'absence d'un code, et l'on s'arrêterait moins à cette idée, si l'on savait davantage que la codification elle-même est l'objet de graves objections.

De bons esprits ont, en effet, pensé qu'il valait mieux laisser à la législation une libre carrière que de l'encadrer dans un code. Le droit grandit avec l'état moral des peuples; quand il est libre, il est plus facile au législateur de surveiller le progrès et d'intervenir pour constater, par des lois partielles et successives, les doctrines nouvelles, à mesure qu'elles sont reçues, les besoins nouveaux, à mesure qu'ils sont reconnus. Un code fixe trop bien l'état de la science, il unit, il resserre trop étroitement tous les élémens qui la composent; et alors on craint ou l'on dédaigne de toucher à quelques détails seulement. Quoi qu'il en soit de cette controverse sérieuse, elle suffit pour démontrer que l'enseignement et l'étude du droit administratif ne devaient pas être différés, faute de codification.

Je ne crains pas d'ajouter que le droit administratif est destiné à marcher avec le temps, qu'il est essentiellement exposé à des variations et à des transformations successives; des travaux privés seront nécessaires, et il en est déjà qui ont rendu un grand service à la science; mais la codifier législativement ce serait arrêter son essor, ou bien faire une œuvre inutile, parce qu'il faudrait bientôt la recommencer.

Il me reste à détruire une objection qui est dans quelques esprits l'enseignement du droit public et administratif adressé à la jeunesse leur paraît dangereux.

Encore une fois, il ne s'agit pas d'exposer des théories arbitraires et spéculatives, de nature à recevoir des couleurs plus ou moins séduisantes et à égarer des imaginations faciles.

Il s'agit d'enseigner une science qui est, et telle qu'elle est,

Nos mœurs, nos habitudes, nos lois actuelles portent les citoyens à s'intéresser aux faits, aux événemens qui s'accomplissent la vie d'un grand nombre peut être politique, une éducation politique doit lui être offerte.

Le mouvement des esprits ne saurait désormais être arrêté ; il faut donc le régulariser. Quant au pouvoir proprement dit, aujourd'hui, Messieurs, il est, par son essence même, au-dessus de vains scrupules dont le temps est passé.

Et si, par la nature de son enseignement, le professeur est amené sur le terrain de la politique, il lui sera facile de ne pas se montrer animé de passions exclusives; sa parole sera digne et calme, comme il convient dans le sanctuaire de la science.

Pour lui, la patrie peut offrir à toutes les époques des traditions qu'il adopte, des souvenirs auxquels son cœur et sa pensée se rallient.

Clovis, composant la monarchie française avec deux nobles élémens, le christianisme et la victoire; Charlemagne, lui donnant la double illustration de la force et du génie; Saint Louis, l'honorant par la justice, dont il fut le restaurateur, par sa piété, à laquelle il sut ne pas sacrifier les prérogatives de la couronne, par sa valeur dans les combats, et mourant sur la terre étrangère en léguant à la France tous les germes de la civilisation éclos sous son règne; Philippe-le-Bel, hâtant l'œuvre de la nationalité civile par son énergique résistance aux prétentions ultramontaines de Boniface VIII; Louis XII, bien digne du surnom de père du peuple; François Ier, protégeant les lettres et les arts, et résumant dans un mot célèbre tout l'instinct français; Henri IV, dépouillé par le fanatisme et faisant le premier pas vers la tolérance religieuse; Louis XIV, grand par lui-même et par le cortège immortel d'hommes illustres qui recevaient de lui la gloire et qui la lui rendaient; la République, avec ses dévouemens et son héroïsme; l'Empire, avec ses destinées fabuleuses, qui s'apprennent, mais ne se définissent pas ; la Restauration, essentiellement civilisatrice et portant la victoire sur le sol africain, quand elle-même allait disparaître au souffle populaire, comme si, en France, tout ce qui tombe et passe devait s'ensevelir dans un souvenir de gloire quel ensemble majestueux et par combien de titres la patrie aura conquis l'affection du professeur

qui expose son droit public et administratif! Si, au contraire, nous songeons aux princes qui l'ont opprimée, aux maux qu'elle a soufferts et aux naufrages dans lesquels elle aurait pu périr, combien elle doit lui être plus chère encore, et combien il doit chercher à faire bénir les gages présens qui ont coûté tant d'efforts'!

Messieurs, je touche au terme de la carrière où votre attention a bien voulu me suivre. En résumé, le droit, que je n'ai considéré aujourd'hui, je le répète, que sous ses rapports essentiellement scientifiques, est en progrès; il s'harmonise avec nos institutions et nos mœurs nouvelles; il dépouille l'esprit étroit et exclusif qui en arrêtait l'élan; il s'épure, il grandit; par l'étude des lois étrangères, qu'un savant magistrat, M. Foucher, avocat-général à Rennes, fait passer dans notre langue et publie dans notre pays, il marche à la conquête des idées utiles appliquées chez les autres peuples; enfin, il devient critique, philosophique, rationnel; il est plein d'avenir.

Toutefois, les progrès que je signale sont lents; la France n'est pas essentiellement scientifique, parce qu'elle est éminemment politique c'est là un tort, c'est un malheur.

Mais au moins, Messieurs, quand la divinité du jour absorbe et use tant d'absurdes adorateurs, que la science accoure aux asiles qui lui sont ouverts, et qu'elle cherche à multiplier ses adeptes : étudions, Messieurs, soyons travailleurs sans relâche; nous passons ici-bas, et c'est par l'étude que l'homme répond le mieux à la grandeur de ses destinées.

FRÉDÉRIC TAULIER, avocat,

Professeur suppléant à la Faculté de droit de Grenoble.

1 Une ordonnance royale du 1er février a nommé M. Jules Mallein, avocat à Grenoble, professeur de droit administratif à la faculté de cette ville. C'est par un tel choix que se justifiera le mieux, dans nos contrées, la haute utilité de cet enseignement.

VALENCE.

(3o ARTICLE'. :)

CHAPITRE III.

Invasion des Burgondes dans les Gaules.

Limites de leur occu

pation territoriale. Valence fait partie de cette occupation. - État des villes de la Gaule méridionale à l'époque de l'invasion des Burgondes. Système municipal. Système de la curie.

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Invasion de Gundicaire, roi des Burgondes.

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Expédition

des Ostrogoths et des Wisigoths contre l'Arvernie. - Leurs ravages dans le Valentinois. Saint Apollinaire et ses actes. Guerre des Franks contre Gundobald, roi des Burgondes. -Leurs ravages dans la Burgondie et le Valentinois. Seconde invasion des Franks en Burgondie, en 507.— Troisième invasion des Franks contre Sighismond, roi des Burgondes. -Destruction de la monarchie burgondienne, en 534.- Concile tenu à Valence en 529. - Valence tombe sous la domination franke.

Il n'entre pas dans le cercle des recherches consacrées aux annales spéciales de Valence de faire l'exposé des envahissemens successifs de la Gaule méridionale par les Alains, les Vandales, les Suèves, les Wisigoths, les Franks et les autres nations de race germanique, dont les irruptions s'arrêtent au démembrement de

1 Voyez le 1er article, tome II, page 101, et le 2o, tome III, page 1.

l'empire frank, sous les derniers descendans de Charlemagne. De tous ces peuples conquérans, ceux qui, au Ve siècle, exercèrent l'action la plus immédiate sur Valence, furent les Burgondes ou Bourguignons. Issus d'origine germanique, ils habitaient les plages qui s'étendent sur les deux rives de la Vistule; mais, plus tard, refoulés par les Goths, ils furent contraints de s'établir sur une vaste étendue de terres situées en-deçà de l'Elbe1. Après avoir fait, à la sollicitation de l'empereur Valentinien, des incursions contre les Allemanes, vers l'année 370, ils franchirent le Rhin en 406, et se répandirent dans les Gaules, sur les instances, à ce qu'il paraît, de Stilicon, qui soulevait les nations germaniques contre l'empire. Peu d'années après cette invasion, leurs conquêtes les rendirent maîtres des pays situés entre le haut Rhin, le Rhône et la Saône, et d'une partie de ceux que les Gallo-Romains occupaient en-deçà de ces deux fleuves. Ce fut principalement dans les contrées méridionales de ces pays envahis que se forma, vers l'année 414, le royaume auquel ils donnèrent leur nom. Déterminer d'une manière précise les limites territoriales de la Burgondie serait presque un paradoxe historique, parce que, dans le cours d'une période de conquêtes, la mobilité des envahissemens est un fait incessant et soumis aux alternatives de luttes entre le vainqueur et le vaincu*. Il suffira d'énoncer, pour l'intelligence des recherches qui tendent à établir la position de Valence au milieu du Ve siècle,

1 PLINII, Historia naturalis, lib. IV, cap. XIV. CORNELII TACITI, De moribus Germanorum. — PTOLEMRI, Géog., lib. III, cap. V. - PROCOPII, De bello Gothico. PARISIS, 1662, in-fǝl., lib. I, cap. XII, pag. 341.

2 PROSPERI TYRONIS, Chronicon, dans le Recueil des Historiens des Gaules, t. I, page 635. - MARII, Chronicon, même Recueil, tome II, page 13. —JORNANDIS, Historia de Gothorum origine, même Recueil, tome II, page 22.

3 Histoire générale de Bourgogne, par DOM PLANCHER. Dijon, Fay, 1739, in-fol., tome I, page 24.

4 DOM PLANCHER a savamment disserté sur l'étendue du premier royaume de Bourgogne à l'époque de sa formation. (Voyez loco supra, tome I, chap. I. j

TOME III.

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