C'est par-là seulement que, dans tous les esprits, Et qu'après cet éclat qu'un noble cœur abhorre Cél. Moi, renoncer au monde avant que de vieillir! Alc. Et, s'il faut qu'à mes feux votre flamme réponde, Cél. La solitude effraie une âme de vingt ans. Alc. Non, mon cœur à présent vous déteste, SCENE VIII. Eliante, Alceste, Philinte. Alc., (à Eliante.) Madame, cent vertus ornent votre beauté, Et je n'ai vu qu'en vous de la sincérité ; De vous, depuis long-temps, je fais un cas extrême : Je m'en sens trop indigne, et commence à connaître Eli. Vous pouvez suivre cette pensée; Ma main de se donner n'est pas embarrassée ; Et voilà votre ami, sans trop m'inquiéter, Qui, si je l'en priais, la pourrait accepter. Phil. Ah! cet honneur, madame, est toute mon envie, Et j'y sacrifierais et mon sang et ma vie. Alc. Puissiez-vous, pour goûter de vrais contentements, L'un pour l'autre à jamais garder ces sentiments! Trahi de toutes parts, accablé d'injustices, Où d'être homme d'honneur on ait la liberté. Phil. Allons, madame, allons employer toute chose Pour rompre le dessein que son cœur se propose. MÉROPE, TRAGÉDIE EN CINQ ACTES, PAR VOLTAIRE. [MARIE FRANÇOIS AROUET DE VOLTAIRE, né à Châtenay près Paris en 1694, est un des plus beaux génies qu'ait produits la France. Son style est toujours clair, vigoureux et précis. Dans ses poésies légères, où il n'a pas d'égal en France, et dans ses contes philosophiques, il a montré tout re que l'esprit a de plus fin, de plus flexible et de plus piquant; mais dans les sujets graves qu'il a traités, son style a la richesse, la majesté, et l'éclat qui leur conviennent. Ses principaux ouvrages sont: La Henriade, Edipe, Zaïre, Mérope, Alzire, Mahomet, l'Histoire de Charles XII., le Siècle de Louis XIV., l'Essai sur les Mœurs, le Dictionnaire Philosophique. Voltaire se montre généralement un des plus enthousiastes adorateurs de l'Éternel, et un des plus sincères admirateurs de ses œuvres; et dans sa défense de Calas et de Sirven, il montre également qu'il fut l'ardent défenseur de l'humanité e◄ de la tolérance. Il mourut à Paris en 1778.] roi de Messène. PERSONNAGES. MEROPE, veuve de Cresphonte, POLYPHONTE, tyran de Messène. ÉGISTHE, fils de Mérope. NARBAS, vieillard. EURYCLES, favori de Mérope. La scène est à Messène, dans le palais de Mérope. ACTE PREMIER. SCENE PREMIÈRE. Mérope, Isménie. Ism. Grande reine, écartez ces horribles images; Goûtez des jours sereins, nés du sein des orages. Les dieux nous ont donné la victoire et la paix : Ainsi que leur courroux ressentez leurs bienfaits; Messène, après quinze ans de guerres intestines, Lève un front moins timide, et sort de ses ruines. Mér. Quoi! Narbas ne vient point! Reverrai-je mon fils? Vos esclaves en foule ont couru dans l'Élide; Mér. Me rendrez-vous mon fils; dieux témoins de mes larmes ? Égisthe est-il vivant? Avez-vous conservé Cet enfant malheureux, le seul que j'ai sauvé? C'est votre fils, hélas! c'est le pur sang d'Alcide. Du plus juste des rois, et du plus grand des dieux, Ism. Mais quoi! cet intérêt et si juste et si tendre Mér. Je suis mère; et tu peux encor t'en étonner? Ism. Du sang dont vous sortez l'auguste caractère Sera-t-il effacé par cet amour de mère? Son enfance était chère à vos yeux éplorés ; Mais vous avez peu vu ce fils que vous pleurez. Mér. Mon cœur a vu toujours ce fils que je regrette: Porter un nouveau trouble à mon âme éperdue: En butte à tous les maux, sa vertu les surmonte: Ism. De Polyphonte au moins prévenez les desseins; Périsse la marâtre, Périsse le cœur dur, de soi-même idolâtre, SCÈNE II. Mérope, Isménie, Euryclès. Mér. Eh bien! Narbas? mon fils? Eur. Vous m'en voyez confus; Tant de pas, tant de soins ont été superflus. On a couru, madame, au rives du Pénée, Dans les champs d'Olympie, aux murs de Salmonée; |