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gneur. Cependant, à cette même époque, dans plusieurs provinces il n'était pas permis à tout le monde de cultiver ces fleurs (1).

Quoi qu'il en soit, il ne parait pas douteux que du quatorzième au seizième siècle, d'après certaines coutumes de ce temps, les Roses fussent plus communes qu'elles ne le furent depuis, au dix-septième et au dix-huitième siècle, et ce qui le prouve, c'est l'emploi qu'on en faisait dans certaines cérémonies, et l'usage bien plus fréquent de l'eau de Rose, ainsi que je le dirai plus loin. Par exemple, on trouve dans des lettres patentes du roi Charles VI, données en février 1415: « ART. 170.-Le crieur juré à son entrée dans la confrairie, donnera les chappeaux de Roses aux maistres qui yront quérir leur confrairie à la Saint-Martin le bouillant (4 juillet), et de même tous iceulz crieurs accompaigneront cellui qui portera le baston de leur dicte confrairie les jours et veille de la feste du dit SaintMartin: et cellui qui déffauldra, paiera demi liure de cire au profit de leur confrairie, s'il n'a excusacion légitime (2). »

J'ai déjà parlé des guerres civiles de la Rose rouge et de la Rose blanche qui ensanglantèrent l'Angleterre pendant si long-temps; voici encore un exemple dans lequel la fleur symbole de l'innocence

(1) Botanique historique de madame de Genlis, pag. 158. (2) Collection des ordonnances des rois de France, tom. X, pag. 279.

et des gracieuses pensées, servit, sous le règne de Charles VI, de signe de ralliement à la faction des Bourguignons contre celle des Armagnacs. Les Parisiens poussés par les agents du duc de Bourgogne imaginèrent, le 9 juin 1418, pour diriger plus facilement leurs partisans, de les réunir en confrérie : l'église Saint-Eustache fut choisie pour être le siége de cette confrérie, dite de Saint-André. Chaque confrère devait orner sa tête d'une couronne de Roses rouges on en fabriqua soixante douzaines dans l'espace de douze heures, et quoiqu'elles manquassent au zèle des associés, ces fleurs furent assez abondantes pour parfumer toute l'église Saint Eustache (1).

Selon une ancienne coutume, les ducs et pairs, soit qu'ils fussent princes ou même fils de France, étaient jadis obligés de donner des Roses au parlement de Paris, en avril, mai et juin. Le pair qui était appelé à faire les honneurs de cette cérémonie, faisait joncher de Roses, de fleurs et d'herbes odoriférantes toutes les chambres du parlement, et réunissait avant l'audience dans un déjeuner splendide les présidents, les conseillers, et même les greffiers et huissiers de la cour. Il allait ensuite dans chaque chambre, faisant porter devant lui un grand bassin d'argent, lequel contenait autant de bouquets de Roses et d'au

(1) Voyez l'Histoire manuscrite de Paris, sur Saint-Eustache; Corrozet, Antiquités de Paris, et M. de Barante, Histoire des ducs de Bourgogne.

tres fleurs naturelles ou artificielles, qu'il y avait d'officiers, avec un pareil nombre de couronnes composées des mêmes fleurs, et rehaussées de ses armes. Le parlement avait son faiseur de Roses, appelé le Rosier de la cour, chez lequel les pairs devaient se fournir de celles dont se composaient leurs présents.

Sous le règne de François I", le 17 juin 1541, il y eut une contestation entre le duc de Montpensier et le duc de Nevers sur la baillée des Roses du parlement. Celui-ci ordonna que le duc de Montpensier, à cause de sa qualité de prince du sang, les baillerait le premier. Parmi les princes de la famille royale qui se soumirent à cette cérémonie, on compte dans les derniers temps les ducs de Vendôme, de Beaumont, d'Angoulême et plusieurs autres. Henri IV, n'étant encore que roi de Navarre, justifia au procureur-général que ni lui, ni ses prédécesseurs n'avaient jamais manqué de satisfaire à cette redevance (1).

Le parlement de Paris n'était pas le seul, à ce qu'il paraît, chez lequel cette coutume fût en usage, puisque le 28 avril 1589, sur la réquisition du procureur-général, le parlement de Toulouse ordonna qu'au mois de mai suivant, Madame sœur

(1) De Saint-Victor, Tableau historique de Paris, tom. I, pag. 154; Sauval, Histoire des antiquités de la ville de Paris; tom. II, liv. VIII, pag. 446; Nouvel abrégé chronologique, par Hénault, in-4°, 1768, tom. I, pag. 392.

du roi, le cardinal de Joyeuse, les archevêques de Toulouse, de Narbonne, d'Auch et le duc d'Uzès, bailleraient les Roses à leur tour. La reine Marguerite de Valois, femme de Henri IV, satisfit à ce droit en 1599, comme comtesse de Lauraguais (1). Cet usage est tombé en désuétude vers les commencements du dix-septième siècle, sans qu'on en sache précisément le motif; peut-être la cause en estelle dans la difficulté qu'éprouvaient ceux qui devaient ce tribut, à rassembler une quantité assez considérable de Roses dans les temps où elles pouvaient manquer.

(1) D'Orbessan, Essai sur les Roses, pag. 326,

CHAPITRE IX.

Des parfums tirés de la Rose, de son eau et de son huile essentielle.

Plusieurs auteurs ont cru que l'invention de l'essence de Rose était fort ancienne, et ils l'ont fait remonter jusqu'au siége de Troie, en s'appuyant d'un passage de l'Iliade, dans lequel Homère (1) dit que Vénus conserva le corps d'Hector, après sa mort, en répandant dessus une huile divine de Rose. Mais cette opinion ne peut être admise, puisque, comme on le verra plus loin, près de trois mille ans se seraient écoulés depuis, et que, pendant cette longue suite de siècles, on ne retrouve plus dans aucun aúteur rien qu'on puisse rapporter au parfum délicieux de l'huile essentielle de Rose; car ce n'est que beaucoup plus tard que la découverte de cette substance précieuse a été véritablement constatée. Tout ce que l'on peut conclure du passage d'Homère, c'est que de son temps on composait déjà un parfum de Roses en faisant infuser ces fleurs dans de l'huile; mais cette préparation était simple et n'avait rien de semblable à celle par laquelle on s'est depuis pro

(1) Liv. XXIII, vers. 186.

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