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parle souvent de ces couronnes de Roses. Celle envoyée par ce poète à son ami Sabinus était toute formée de ces fleurs, et il souhaitait qu'elles fussent regardées comme une production de ses jardins (1).

Nous apprenons, par un passage d'Ovide, que les amants qui avaient passé la nuit entière à soupirer sous la fenêtre de leur maîtresse laissaient leur couronne sur le seuil de la porte, afin qu'on pût l'y trouver de bon matin (2).

L'usage d'associer le myrte aux roses dans les couronnes a pris naissance dans un événement miraculeux arrivé à Hérostrate, commerçant de Neucra

་་

Lassenturque Rosis tempora sutilibus. »

(Lib. V, epigr. 65.)

« Perfundus glaciem triente rubro
Frontem sutilibus ruber coronis. etc.>>

(Lib. IX, epigr, 91.)

>> Sutilis aptetur decies Rosa crinibus.»

(L. c., epigr. 94.)

(1)« Seu tu Pæstanis genita es, seu Tiburis auris,
Seu rubuit tellus Tuɛcula flore tuo,

Seu præenestino te villica legit in horto,
Seu modò Campani gloria ruris eras,
Pulchrior ut nostro videare corona Sabino
De nomentano te putet esse meo.»

(Lib. IX, epigr. 62.) (2) << Clausa tibi fuerit promissa janua nocte:

Postibus et dure supplex blandire puellæ;
Et capiti demptas in fore pone Rosas.»

(Ovid. De arte amandi, lib. II, vers
524 et 528.)

tie. Voici comme Athénée le raconte : Hérostrate ayant relâché pendant le cours de ses navigations à Paphos, y acheta une petite statue de Vénus et se remit en mer. Comme il s'approchait de l'Egypte, il s'éleva une tempête si furieuse que les matelots et les passagers effrayés allèrent, en poussant de grands cris, se jeter aux pieds de la Déesse, dont ils réclamèrent le secours. Elle reçut leurs présents, et, par un prodige inconcevable, on vit aussitôt tout l'espace autour de la statue se couvrir de myrtes; le vaisseau fut parfumé d'une odeur délicieuse, les nuages s'éclaircirent, les flots se calmèrent, et le soleil ayant reparu, un vent favorable porta le navire sur le rivage. Hérostrate, de retour dans sa patrie, y consacra la statue dans le temple de Vénus; des sacrifices pompeux signalèrent sa reconnaissance; ses amis, invités à un festin qu'il donna en même temps, recurent des couronnes de myrte (1).

(1) Athénée, liv. XV, chap. 6.

CHAPITRE VI.

Luxe des Roses chez les anciens.

Les anciens poussèrent très-loin le luxe des Roses, et les Romains finirent par couvrir d'une couche de ces fleurs les lits où se plaçaient les convives, et surtout les tables qui servaient aux festins (1); quelques empereurs allèrent même jusqu'à en joncher les salles de leurs palais. A Rome, les Roses étaient d'abord tirées de l'Égypte, dans les saisons où l'Italie ne pouvait les produire, mais par la suite, pour rendre ces jouissances plus faciles aux maîtres du monde, pendant l'hiver, leurs jardiniers trouvèrent le moyen de produire, dans des serres échauffées par des tuyaux remplis d'eau chaude, une température artificielle qui permettait aux Lis et aux Roses d'éclore au mois de décembre. Sénèque (2) déclame

(1)

« Tempora subtiliùs pinguntur tecta coronis,
Et latent injectâ splendida mensa Rosâ. »

(Ovid. Fast. lib. V.)

« Annuit et motis flores cecidêre capillis

Decidere in mensas, ut Rosa missa solet. »>

(Ovid. 1. c.)

(2) « Non vivunt contra naturam, qui hieme concupiscunt Rosam? Fomentoque aquarum calentium, et calorum apta imitatione, bruma lilium florem vernum, exprimunt? » Senec. Epist. 122, 8.

avec une ridicule affectation contre ces inventions. Mais, sans s'arrêter aux conclusions rigides du philosophe, les Romains perfectionnèrent tellement leurs serres chaudes que, lorsque, sous Domitien, les Égyptiens crurent offrir à l'empereur un magnifique hommage pour sa fête (1) en lui envoyant des Roses au milieu de l'hiver, ce présent n'excita que le rire et le dédain, tant les Roses d'hiver que l'art avait fait éclore étaient abondantes à Rome. « Dans toutes les rues, dit Martial (2), on respire

(1) Domitien était né le 9 des kalendes de novembre.

(2) Je crois devoir reproduire ici dans son entier l'épigramme de Martial sur ce fait curieux et important dans l'histoire de la Rose, et j'en donne en même temps la traduction, à cause des réflexions qu'elle me fournira plus tard.

AD CESAREM DE ROSIS HIBERNIS.

« Ut nova dona tibi, Cæsar, Nilotica tellus
Miserat hibernas ambitiosa Rosas :
Navita derisit Pharios Memphiticus hortos,
Urbis ut intravit limina prima tuæ.
Tantus veris honos, et odore gratia floræ,
Tantaque Pæstani gloria ruris erat.
Sic quacumque vagus, gressum oculosque ferebat,
Textilibus sertis omne rubebant iter.

At tu Romanæ jussus jam cedere brumæ,
Mitte tuas messes, accipe, Nile, Rosas.»

(Mart, liv. VI, epigr. 80.)

A CÉSAR SUR LES ROSES D'hiver.

« L'ambitieux habitant de la terre qu'arrose le Nil t'avait envoyé, ô César, des Roses d'hiver, comme un présent digne de toi par sa nouveauté. Mais le nautonier de Memphis dut rire des

les odeurs du printemps, on voit briller l'éclat des fleurs fraîchement tressées en guirlandes; envoyeznous du blé, Égyptiens, nous vous enverrons des Roses. >>

Je reviendrai sur ce passage pour faire voir que l'horticulture des Roses était plus avancée chez les anciens que nous ne le croyons ordinairement.

Dans une autre épigramme, Martial (1) parle encore des Roses qu'on ne voyait autrefois qu'au printemps, et qui de son temps étaient devenues communes à Rome pendant l'hiver.

Au reste, les Romains cultivaient comme nous le faisons aujourd'hui des fleurs dans des vases qu'ils plaçaient sur leurs fenêtres. C'est ce que Martial nous apprend encore en disant à un protecteur avare qui lui avait fait présent d'un très-petit domaine : J'ai une plus belle campagne sur ma fenêtre (2).

jardins de son pays, dès qu'il eut fait un pas dans la capitale de ton empire, tant le printemps y étalait tous ses charmes, tant les fleurs y offraient un gracieux coup d'œil, et répandaient un doux parfum, tant les Roses de tes jardins égala:ent celles de Pæstum. Ainsi, partout où il portait ses pas ou ses regards, tous les chemins sur son passage brillaient de Roses vermeilles tressées en guirlandes, et il vit bien que les rives du Nil devaient céder aux brumes d Rome. Envoyez-nous vos moissons, Egyptiens, et recevez des Roses en échange.»>

(1) « Dat festinatas, Cæsar, tibi bruma coronas,

(2)

Quondam veris erant; nunc tua facta Rosa est. >>

(Lib. XII, epigr. 127.)

« Rus est mihi majus in fenestrâ.>>

(Lib. XI, epigr. 19.)

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