Page images
PDF
EPUB

nisse en abondance de nouvelles feuilles fraîches. Comment donc parvenir à amener ces chenilles jusqu'au moment où elles doivent se changer en chrysalides, et enfin devenir des insectes parfaits?

DESTRUCTION

DES ROSES NAISSANTES

PAR LA LARVE

D'UN INSECTE TETRAPTÈRE

DE L'ANCIEN GENRE TENTHREDO (1),

PAR M. LE DOCTEUR MÉRAT.

La maladie des Rosiers que je vais faire connaitre n'est décrite nulle part; à peine en trouve-t-on quelques traces dans les auteurs, bien que connue, par ses ravages, des jardiniers instruits et de quelques amateurs de Roses. Ce que je vais en dire est le résultat des observations que j'ai faites depuis quatre ans dans mon propre jardin.

(1) J'ai publié en 1840, dans les Annales de la Société d'horticul ture, tome XXVII, p. 75, cahier d'août, une première Notice sur la maladie qui fait le sujet de celle-ci, qui peut être regardée comme la deuxième que j'annonçais à cette époque. Seulement, au lieu de traiter des divers dégâts causés sur les Rosiers par d'autres insectes analogues, comme je le promettais, je me borne dans ce qui va suivre à compléter et à rectifier mes idées d'alors sur les ravages de la mouche à scie dans les pousses des feuilles des Rosiers. Mon premier travail était intitulé: Notice sur les ravages que fait dans les rameaux les plus tendres des Rosiers une fausse chenille, etc.

28

Au mois d'avril, parfois dès les premiers jours, si la température s'élève à 12 ou 15 degrés Réaumur, des insectes, qu'on prendrait pour des mouches, voltigent en grand nombre autour des Rosiers qui donnent alors leurs premières pousses; ils se posent sur les feuilles naissantes, font une ouverture à l'aisselle de l'une d'elles, à l'aide d'une sorte de scie (ce qui les a fait appeler Mouches à scie), que les femelles font sortir de l'extrémité de leur abdomen, et y déposent un œuf ou plus probablement un petit ver vivant (ainsi que le fait la mouche carnivore). A peine cela est-il accompli qu'on voit cette larve, presque imperceptible d'abord, creuser un trou, s'y loger, pousser de haut en bas, dans le support de la Rose à naître, un petit canal, qu'elle augmente en le grossissant en longueur et en largeur, puis en ressortir à l'aide d'une autre ouverture qu'elle pratique à la partie inférieure de ce conduit.

L'apparition des mouches à scie n'a pas lieu chaque année à la même époque; elle coïncide toujours avec le premier développement des Rosiers; on comprend que s'il avait lieu avant cette apparition, ces mouches périraient faute de nourriture, sans pouvoir donner de postérité, ce qui est contre l'ordre naturel; si le développement était trop avancé, l'insecte, qui est très-faible, ne pourrait plus percer les pousses devenues trop consistantes, et sa reproduction ne pourrait encore avoir lieu.

Voici la date de cinq apparitions de ces insectes: En 1840, elle eut lieu le 5 mai; en 1844, le 25 avril; en 1842, le 15 avril; en 1843, le 3 avril. Il faut noter, pour cette dernière et précoce apparition, que depuis 15 jours il faisait un temps d'été, ce qui l'a avancée de 15 jours environ; en 1844, le 20 avril.

C'est à l'aisselle des petites feuilles et des bractées qui se voient sur la pousse qui va donner naissance à des Roses, qu'a lieu la piqûre de l'insecte. Ce support est plus succu

lent, plus considérable que celui qui ne portera que des feuilles, ce qui explique pourquoi il est attaqué de préférence par l'animal, quoique l'autre n'en soit pas exempt. Le produit de la ponte est niché dans l'angle ou creux que forment ces folioles avec ce qui deviendra le support des fleurs ou des feuilles, concavité qui y accumule la chaleur solaire; de là il creuse le canal qui va le contenir et dont la pulpe, tendre alors, qu'il en déplace, lui sert d'aliment, à la manière de beaucoup d'autres insectes.

Cette fausse chenille, comme l'appellent les naturalistes (qui ne regardent comme vraies que celles qui naissent des papillons, qui ont cinq ou six yeux de chaque côté de la tête, etc.), s'allonge en grossissant pendant environ 12 ou 15 jours. D'abord imperceptible, ce rodophage finit par acquérir 3 à 6 lignes de longueur sur une demie et plus d'épaisseur; primitivement de couleur étiolée, il devient ensuite vert comme les feuilles du Rosier, et forme une de ces harmonies de la nature si agréablement décrites par Bernardin de Saint-Pierre. Son corps est lisse, à peu près transparent, cylindrique; sa tête est globuleuse, brillante, marquée de chaque côté d'un œil noir, semblable à une petite tache, et d'une bouche transversale rougeâtre avec un point plus coloré à chaque commissure. Le dessous de son corps présente six pattes antérieures, puis neuf rides, garnies chacune de deux mamelons, qui paraissent des pattes adjonctives ou postérieures. Si l'on regarde ce petit animal à contre-jour, on voit dans la longueur de son corps une ligne colorée qui es le gros intestin, renfermant les fèces, dont il ne se débarrasse sans doute que le moins fréquemment possible, à cause de la difficulté qu'il éprouve pour leur expulsion, étant obligé, ainsi que je le dirai, à un manége particulier pour y parvenir. On trouve parfois deux vers dans le même canal, ce qui dépend de ce que deux mouches à scie l'ont

attaqué à des points différents et se sont rencontrées dans la galerie; alors ils sont chétifs et ne tardent pas à périr; mais cette circonstance est rare. D'autres fois, quoiqu'il n'y ait qu'une seule larve, on la trouve morte, parce qu'elle n'a pu percer le canal pour sortir, ayant trouvé son tissu trop dur par suite de la nature compacte du Rosier ou de la consistance qu'il a prise depuis que l'animal y a pénétré; peut-être cela tient-il aussi à ce que celui-ci y est devenu malade, etc. La durée ordinaire du séjour de cette larve, de l'entrée à la sortie, est de 12 à 15 jours, pendant lesquels elle vit à l'abri des rayons solaires ou du froid, fort douillettement dans un asile flexible, dont la pulpe tendre la nourrit.

Le canal creusé par le ver dans l'épaisseur du support est long de 48 lignes à 2 pouces; il a ses parois lisses en dedans et est moulé en quelque sorte sur la fausse chenille, de sorte qu'elle ne peut s'y retourner. On sent, en pressant ces pédoncules entre les doigts, qu'ils sont fistuleux, et leur volume est réellement plus fort que celui des supports qui ne servent pas de repaire à ces animaux destructeurs.

Le résidu excrémentitiel de cette larve est porté par elle à l'orifice du trou d'ouverture où elle remonte à reculons de bas en haut, puisqu'elle ne peut se retourner dans sa galerie; il consiste en petits cylindres un peu courbes. Elle l'amoncèle là en un petit tas roussâtre, puis presque noirâtre, qu'on aperçoit à l'œil nu, et qui décèle, à l'observateur un peu attentionné, cet ennemi de la plus belle de nos fleurs'; à mesure qu'elle prend plus de développement, les dernières déjections repoussent au dehors les plus anciennes, et le petit tas roussâtre devient plus visible à l'œil.

Le trou par lequel les vers sortent est proportionné à leur grosseur; il est ordinairement placé à la partie inférieure du conduit, mais parfois on le voit au-dessus de son

plancher inférieur, quelquefois même au milieu du canal, probablement parce qu'à la base l'animal a trouvé la paroi plus épaisse, plus dure, et plus résistante sans doute, qu'au lieu qu'il a choisi pour son évasion. Quand on voit ce trou on peut assurer qu'il est délogé, à moins qu'il n'y en ait deux dedans, comme il arrive quelquefois. Dans quelques occasions j'ai vu le canal très-court, parce que la larve n'avait pu le creuser davantage, aussi était-elle chétive.

Cette larve sort, comme je viens de le dire, du canal où elle s'est nourrie et accrue, mais il m'a été impossible, sauf une seule fois, de la saisir sur le fait de sa sortie, parce que sans doute elle ne se fait que la nuit. Lorsque j'eus l'occasion d'en être témoin, elle se laissait couler à terre à l'aide d'un fil qu'elle sécrétait; malheureusement je la pris et la mis sous un verre avec des feuilles de Rosier, ce qui fut un autre tort, car, arrivée à cette époque de croissance complète, elle ne mange plus, et dans aucune occasion elle ne se nourrit de feuilles de Rosier. Il eût fallu la laisser couler complétement à terre, où probablement elle se serait enfoncée en s'entourant d'un réseau soyeux ou coque, comme elle le fit sous le verre, et s'y serait transformée en nymphe ou chrysalide pour ressortir insecte parfait au printemps suivant. J'aurais pu encore la recueillir et la placer dans du sable fin ou de la sciure de bois tenue dans un lieu frais jusqu'à sa métamorphose. C'est une expérience que je recommande aux amateurs d'horticulture, et qui exige beaucoup d'attention. C'est le seul moyen qu'on ait de s'assurer de l'insecte véritable qui produit la larve destructrice des

Roses.

Dans mon premier travail, j'avais attribué cette larve à un insecte tétraptère du genre Tenthredo, et je l'avais appelé Tenthredo excavator, que je croyais nouveau. Depuis j'ai reconnu : 1o que non-seulement cette espèce n'était pas nou

« PreviousContinue »