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Avant de terminer ce qui a rapport à la multiplication des Rosiers, je dois faire remarquer que le premier moyen, celui du semis, est le seul par lequel il nous soit possible de produire réellement des individus nouveaux qui puissent revêtir des formes plus ou moins différentes des plants auxquels ils doivent la vie, et voilà pourquoi les semis ont tant enrichi nos jardins depuis quarante ans. Par tous les autres procédés de propagation, au contraire, comme les greffes, les drageons, les éclats des pieds ou des racines, les marcottes et les boutures, on ne fait que prolonger et étendre l'existence des premiers individus que le semis a créés et dont on les a séparés, mais sans y produire aucune altération bien sensible, car les nouveaux sujets qu'on a faits sont en tout semblables à leurs pères. Si ces derniers moyens sont d'une application moins importante, ils nous offrent cependant l'avantage de pouvoir conserver toutes les richesses que nous avons acquises par le premier.

CHAPITRE VIII.

Culture générale des Rosiers.

Depuis que le goût des Roses a pris de plus en plus faveur, on a presque généralement abandonné l'ancienne manière de planter, en touffe ou en buisson, les arbustes qui les portent, et, dans presque tous les jardins, on ne les voit plus que formant une tête plus ou moins arrondie et placée sur une seule tige haute de trois à quatre pieds. Tous les Rosiers, au contraire, sans en excepter un seul, se ramifient naturellement dès leur base et ne croissent qu'en buissons touffus. J'ai bien vu déjà, il y a cinquante et quelques années, un amateur qui, en retranchant à ses Rosiers toutes les tiges secondaires, les forçait ainsi à croître sur une seule, mais il lui était assez difficile de pouvoir les maintenir ainsi. C'est ce qui a sans doute engagé à greffer presque tous les Rosiers destinés à l'ornement des jardins sur des espèces sauvages du même genre, dont les tiges plus fortes et plus robustes se prêtaient mieux aux nouvelles formes qu'on désirait donner à ces arbustes.

Les botanistes distinguent plusieurs espèces daus

les Rosiers sauvages qui croissent naturellement dans les bois, dans les buissons et dans les lieux incultes des campagnes; ce sont le Rosier velu, le Rosier rouillé, le Rosier des haies, celui de montagne, celui de chien et celui des collines. Mais les horticulteurs ont l'habitude de confondre ensemble toutes ces espèces sous le nom général d'églantier. La première, la troisième et la cinquième sont les meilleures pour servir de sujet pour la greffe, la quatrième et la sixième sont moins estimées, et la deuxième est regardée comme la moins bonne de toutes.

La grande consommation que, depuis un certain nombre d'années, on fait des églantiers pour les jardins, a rendu ces arbrisseaux beaucoup moins communs dans les campagnes. Maintenant les besoins des seuls horticulteurs de Paris et des environs s'élèvent peut-être tous les ans à près de deux cent mille. Il y a des hommes qui font métier, pendant l'automne et l'hiver, d'aller les arracher partout où ils peuvent en trouver, et ils les apportent sur le marché, où le prix du cent de ces plants varie depuis 5 à 6 francs pour les plus petits et les plus faibles, jusqu'à 20 et 25 fr. pour les plus beaux; en général, plus les tiges sont droites et saines plus les sujets sont chers. Comme les églantiers sont devenus assez rares aux environs de Paris et même à une certaine distance, on m'a assuré que les gens qui vont ainsi les arracher pour les vendre sont obligés aujourd'hui d'aller à

leur recherche jusqu'à vingt et trente lieues de la capitale et même plus.

Quoique l'Eglantier ait été généralement adopté pour servir de sujet à greffer indifféremment presque toutes les espèces de Rosiers qui sont cultivées de nos jours, cet arbrisseau a pourtant sous ce rapport plusieurs inconvénients plus ou moins graves. M. Vibert, dans la quatrième livraison de son Essai sur les Roses, a traité fort longuement des inconvénients de la greffe sur Eglantier; mais ne pouvant comme lui entrer dans toutes les considérations auxquelles il s'est livré, je renverrai à son livre, en prévenant seulement que je crois qu'il s'est un peu trop exagéré les dangers de cette greffe.

Cet horticulteur distingué propose d'ailleurs d'employer pour sujets, à la place de l'Églantier, le Rosier blanc et plusieurs de ses variétés, le Rosier de Provins et quelques-unes de ses variétés, le Rosier des Alpes, la Rose Boursault, etc. Si l'on adoptait ces propositions elles fourniraient sans doute matière à de nouvelles observations et à des expériences qui pourraient être curieuses, mais ce qui les rendrait difficiles à entreprendre, ce serait de trouver d'abord des pépinières où l'on pût se fournir de ces espèces, tandis que celles d'Églantiers sont partout.

Ce n'est pas que l'Églantier ne soit point assez vigoureux, au contraire il l'est en général beaucoup plus que la plupart des autres Rosiers dont on lui fait porter les greffes. Mais on peut croire que, dans

beaucoup de cas la mort dont il est frappé, ou celle des greffes dont il est chargé, est causée parce qu'il n'y a pas d'analogie assez complété entre lui et les variétés qu'on lui donne à nourrir. Peut-être au lieu de le prendre indistinctement comme sujet pour toutes les espèces de Rosiers, faudrait-il étudier si, parmi celles qu'il renferme, il n'y en aurait pas qui conviendraient plus particulièrement à tel ou tél de nos Rosiers cultivés. Au reste voici deux faits qui prouvent combien par lui-même l'Eglantier est robuste et vivace.

Son tronc grossit très-lentement, mais il est susceptible de vivre fort long-temps. Je me souviens d'en avoir vu, il y a déjà plus de trente ans, un pied dans le jardin de Dupont, sur lequel il me dit avoir compté cent vingt couches concentriques, ce qui annonçait par conséquent, pour ce pied, un nombre égal d'années d'existence. Cependant le tronc de cet Églantier avait tout au plus trois pouces de dia

mètre.

Il existait encore il y a peu d'années (1), dans le cimetière de la cathédrale de Hildesheim, dans la Basse-Saxe, un pied d'Églantier, dont le tronc se partageait en deux branches très-fortes de trentequatre pieds d'élévation, qui s'étendaient sur une largeur de trente. A la hauteur de sept pieds, l'une de ces branches avait cinq pouces trois quarts de

(1) Bulletin des sciences agricoles de Férussac, fome XVII, page 149 (1831).

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