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M. Hardy, jardinier en chef du Luxembourg, et également avantageusement connu dans l'horticulture des Roses par le grand nombre de belles variétés qu'il a produites, ne diffère pas sensiblement d'opinion avec M. Desprez sur les hybrides.

Parmi les faits donnés comme une preuve de l'hybridité, on cite la Rose Aimée-Vibert qui, dans tous les catalogues, se trouve classée parmi les Noisettes, et qui cependant à été trouvée, à ce que l'on m'a assuré, dans un semis fait avec les graines de la Rosa sempervirens.

M. Laffay m'a aussi assuré qu'un cultivateur de sa connaissance avait obtenu d'un semis de graines de la Rosa arvensis des variétés qui avaient beaucoup de rapport avec les Noisettes; et il explique ce fait, ainsi que le précédent, en disant que des Roses de ces dernières variétés se seraient trouvées placées dans le voisinage de la Rose des champs et de la R. sempervirens, et que les pistils de ces deux dernières auraient été fécondés par la poussière des étamines des Noisettes, transportée par les abeilles.

M. Jacques, jardinier en chef des jardins royaux de Neuilly, explique de la même manière l'apparition d'une variété à fleurs doubles qu'il obtint en 1826 ou 1827, dans un semis de graines fait avec celles de la Rosa sempervirens simple.

Enfin M. Laffay, qui est persuadé de la possibilité des Rosiers hybrides, explique aussi leur formation par le transport des poussières fécondantes que

font sans cesse les abeilles ou autres insectes, sur les pistils d'espèces différentes. D'après cela, sans avoir jamais fait directement l'expérience par lui-même, il a seulement le soin de la favoriser, autant qu'il lui est possible, en plantant dans ses cultures de Rosiers, les unes près des autres, les variétés qu'il croit avoir le plus de dispositions à former des fécondations croisées, et il laisse aux insectes le soin de mettre en pratique ces sortes de mariages adultérins.

Je ne ferai qu'une seule objection à MM. Desprez, Vibert, Jacques, Laffay et autres, qui professent cette théorie sur la facilité que les Rosiers hybrides auraient à se former, c'est que s'il pouvait en être réellement ainsi dans la nature, il aurait dû naître spontanément, dans les bois et dans les lieux incultes, une plus ou moins grande quantité de Rosiers sauvages hybrides; cependant cela n'est point arrivé, et, ce qu'il y a de certain, c'est que dans les herborisations multipliées que j'ai faites depuis l'âge de vingt ans jusqu'à celui de plus de quarante, dans plusieurs parties de la France, et principalement dans un rayon de vingt lieues autour de Paris, je n'en ai jamais rencontré de tels.

CHAPITRE IV.

Culture de la Rose par les modernes avant le
dix-neuvième siècle.

La Rose n'a pas cessé d'être cultivée depuis plus de trois mille ans; elle paraît avoir été une des plantes les plus recherchées par les anciens, et c'est bien certainement celle que leurs poètes ont le plus célébrée. Comment se fait-il donc que dans la suite des temps on ait fait si peu d'attention à une si belle fleur, et qu'à une certaine époque, si on n'a pas cessé tout à fait de la cultiver, on l'ait au moins presque abandonnée à la nature? Ce n'est que depuis un assez petit nombre d'années qu'on a réellement commencé à donner à cette charmante fleur les soins qu'elle eût dû mériter toujours. Avant ces derniers temps on préférait à la Rose les anémones, les jacinthes, les oreilles-d'ours, les renoncules et surtout les œillets et les tulipes.

Pour m'assurer d'une manière positive de quelle façon les Roses étaient traitées dans les jardins aux seizième, dix-septième et dix-huitième siècles, j'ai consulté les plus anciens ouvrages sur le jardinage que j'aie pu me procurer, et je me suis convaincu

combien à cette époque la culture des Roses était négligée. Ainsi, dans un petit traité imprimé à Lyon en 1536, et ayant pour titre: De re hortensi libellus, je n'ai trouvé que quatre espèces indiquées, et presque rien quant à la culture.

A la page 172 d'un autre ouvrage (1), qui date de 1563, les seules espèces qui y soient énumérées sont le Rosier de Provins, dont les fleurs servent à faire de la conserve, les Roses incarnates qu'on emploie pour l'eau de rose, plus le Rosier à cent-feuilles, le Rosier muscat à fleurs doubles, les Rosiers veloutés doubles, les Rosiers blancs doubles, les Roses jaunes doubles et les Rosiers de Batavies, qui se doivent planter pour orner et embellir le jardin de plaisir fait en forme de compartiments.» En tout huit espèces.

En consultant un autre vieux livre (2), à peu près de la même époque, mais postérieur cependant de huit années, je trouve que les Roses y sont encore plus mal définies, qu'il est plus difficile de les rapporter à leurs espèces, et elles me semblent même

(1) Theâtre des plans et jardinages, par Claude Mollet, in-4°. Deuxième édition.

(2)« Secrets de la vraye agriculture, et honestes plaisirs qu'on reçoit en la mesnagerie des champs, pratiquez et expérimentez tant par l'autheur qu'autres experts en la dicte science; divisez en xx journées, par dialogues; traduits en françois de l'italien de messer Augustin Gallo, gentilhomme brescian, par François de Belle-Forest, Comingeois. In-4°. Paris, 1571.

être moins nombreuses, puisqu'il n'y est pas fait mention de la Rose jaune.

Dans le Florilegium de Swert, imprimé à Francfort en 1612, en un volume in-folio, sont représentées dix figures très-grossières de Roses, mais sans aucune indication que les noms.

C'est dans le Paradisus terrestris de Parkinson, volume in-folio, imprimé à Londres en 1629, que se trouvent indiquées une plus grande quantité de Roses. Les espèces ou variétés y sont au nombre de vingt-quatre, dont quelques-unes y sont représentées par des figures en bois assez grossières, et qui permettent à peine de reconnaître les espèces.

Ferrari de Sienne a publié un ouvrage sur la culture des fleurs (1), qui, quoique postérieur de quatre ans à celui de Parkinson, renferme cependant moins d'espèces et de variétés puisqu'il n'en comprend que treize, mais il contient d'ailleurs plus de détails.

Cependant je trouve, dans les Mémoires concernant l'histoire d'Auxerre (2), que Dominique Séguier, frère du chancelier, et qui fut évêque de cette ville depuis 1631 jusqu'à 1637, avant de l'être de Meaux, aimait beaucoup les fleurs, et qu'il recherchait surtout les Roses, jusqu'à vouloir en avoir de dix-huit sortes dans ses jardins.

(1) Ferrarii Senensis Feora, seu de florum cultura, libri IV. In-4°. Romæ, 1633.

(2) Tom. I, in-4o, p. 649.

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