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Mais, si l'on ne croit pas pouvoir trouver le moyen d'avoir de ces sortes de Roses en employant les pro cédés indiqués par les Arabes, n'y en aurait-il pas d'autres qui pourraient être tout aussi efficaces et même plus ? En réfléchissant sur le changement de couleur des fleurs de l'hortensia qui, du rose, passent facilement au bleu, lorsqu'on plante cet arbuste dans certaines natures de terre, cela ne pourraitil pas faire espérer qu'il serait également possible de se procurer des Roses bleues en en plantant des pieds à fleurs roses, de nuances particulières, dans la même sorte de terrain qui a la propriété de changer la couleur des fleurs de l'hortensia ?

On trouve de ces terres dans plusieurs parties de la France aux environs d'Angers, d'Abbeville, de Lambezellec dans le Finistère, dans la forêt de Montmorency, dans les bois à Louvecienne, près de Paris, et dans beaucoup d'autres localités sans doute.

Cette nature de terre se rencontre aussi dans bien des pays, il ne faut que la chercher : ainsi je tiens de M. l'abbé Berlèse que dans les îles Borromées en Italie, on ne voit que des hortensias à fleurs bleues; et M. Bréon, qui a habité pendant long-temps l'île Bourbon, m'a assuré que dans ce pays les mêmes ar

mencement d'octobre jusqu'à l'époque où la végétation prend de l'activité, les Roses fournies par ce pied fu ent d'un bleu foncé très-agréable: mais quant à cela, dit Haj, je le tiens pour une histoire faite à plaisir.»

bustes n'avaient jamais leurs fleurs roses, mais qu'elles étaient toujours bleues.

Si dans tous ces pays la nature du sol a la propriété de changer, comme il vient d'être dit, la couleur des fleurs des hortensias, pourquoi ne pourrait-elle pas aussi altérer celles des Rosiers de la même manière? Sans l'assurer positivement, on peut au moins s'en flatter. Je suis donc disposé à croire qu'il ne faut pas désespérer d'avoir des Roses à fleurs bleues, en cultivant des Rosiers de certaines nuances dans des terres dont on aura étudié les principes constituants. On peut aussi concevoir la même espérance en faisant des semis de leurs graines dans des terres telles que celles qui donnent aux fleurs d'hortensia cette couleur tant désirée pour les Roses. Peut-être aussi en faisant les expériences qui, sous ce rapport, sont encore toutes à essayer, devrait-on s'aider d'arrosements pratiqués avec des dissolutions dans l'eau de certaines substances chimiques. Je ne puis donc qu'inviter MM. les chimistes qui, dans ces derniers temps, ont opéré tant de choses merveilleuses, à éclairer les horticulteurs de leurs lumières sur ce point curieux de la science, qu'il serait digne d'eux de résoudre, et sur lequel j'engage aussi les amateurs à commencer au plus tôt des expériences.

Au reste, si l'on pouvait jamais parvenir à obtenir des Rosiers à fleurs bleues par l'un des procédés que j'indique, je crois que ces arbrisseaux ne pourraient point être plantés en pleine terre ordinaire,

il faudrait toujours, pour les entretenir dans leur nouvelle couleur, les placer dans le sol particulier qui seul serait propre à la leur conserver; car les hortensias à fleurs bleues sortis de la terre qui leur a fait prendre cette couleur, et replacés dans une terre ordinaire, reprennent la teinte rose qui est naturelle à leur espèce.

CHAPITRE III.

Des Rosiers en général, et de ceux qu'on appelle
Hybrides.

Les Rosiers sont des arbustes ou des arbrisseaux à rameaux cffilés, presque toujours chargés d'aiguillons, et garnis de feuilles éparses, très-rarement simples, le plus souvent ailées avec impair, et munies de stipules à leur base. Leurs fleurs, diversement disposées à l'extrémité des rameaux, sont toujours d'un aspect agréable. Elles ont un calice d'une seule pièce, tubulé et ventru dans sa partie inférieure, resserré à son orifice, et partagé à son limbe en cinq divisions lancéolées, entières ou pinnatifides; une corolle insérée à l'orifice du tube du calice, et composée, dans les fleurs simples, de cinq pétales en cœur, et, dans celles qui sont doubles ou pleines, d'un plus ou moins grand nombre de pétales produits par le changement des organes de la génération; des étamines très-nombreuses dans les fleurs simples et plus courtes que la corolle. Le fruit, qui succède aux fleurs, est formé par le tube du calice, qui devient une sorte de baie charnue, succulente, globuleuse ou ovoïde, colorée, à une seule loge, et contenant, en nombre variable,

des graines osseuses, irrégulièrement ovales ou globuleuses, entourées d'un duvet soyeux et attachées aux parois intérieures du calice.

Les Rosiers sont en général très-communs en France et en Europe; ils sont même répandus dans tout l'hémisphère septentrional, soit de l'ancien, soit du nouveau continent. On en trouve depuis les côtes de Barbarie jusqu'en Suède, en Laponie et en Sibérie, et depuis l'Espagne jusqu'aux Indes, à la Chine et au Kamtschatka. L'Amérique septentrionale en produit également aux environs de la baie d'Hudson et sur les montagnes du Mexique, où MM. de Humboldt et Bonpland en ont trouvé deux espèces à 1250 toises (2500 mètres) au-dessus du niveau de la mer. Mais jusqu'à présent on n'a encore découvert aucun Rosier dans tout l'hémisphère méridional.

La nature paraît avoir à peine mis des limites entre les diverses espèces de Roses (1), et, s'il est déjà très-difficile de bien circonscrire les espèces sauvages qui n'ont pas encore reçu toutes les modifications que peut leur donner la culture, à plus forte raison devient-il presque impossible de rapporter à leur véritable type ces nombreuses variétés, qu'une culture soignée et la nature libérale ont fait éclore dans des espèces déjà si rapprochées les unes des autres.

(1) Species Rosarum difficillimè limitibus circumscribuntur et fortè natura vix eos posuit. (Caroli Linnæi species plantarum, editio secunda, Holmiæ, 1762, vol. I, p. 705.)

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