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CHAPITRE XII.

Noms de la Rose dans différentes langues ; dénominations qui dérivent de ce nom; imitations auxquelles cette fleur a donné lieu, etc.

Je n'imiterai pas ici le docteur Scheuchzer, qui donne pour l'étymologie du mot Rose celui de Jardah si l'on change le D en S. Non content de présenter une étymologie aussi malheureuse, cet auteur veut trouver dans le mot hébreu Saron, Rosa : on pourrait lui objecter, avec plus de raison, que le mot Ouasrath des Arabes se rapproche plus de rhodon que Jardah; cependant je me contenterai d'indiquer le mot originaire qui a servi à presque tous les peuples, ainsi que l'atteste la combinaison philologique : rhodon en grec; rhòs en celte; rosa en latin, en italien, en espagnol, en portugais, en hongrois et en polonais; rose en français, en saxon et en anglais; rosen en allemand; roose en hollandais; rhoshà en croatien et en esclavon; ros en irlandais et en breton; ruoze en bohémien; ouasrath en arabe; nisrin en turc, et gul en persan.

On a donné le nom de rosaire au chapelet en usage dans l'église romaine, lequel est composé de quinze dizaines d'Ave - Maria, dont chacune com

mence par un Pater, au lieu que le chapelet ordinaire n'en a que cinq. Ce nombre de prières devant être dites en l'honneur de la Vierge, le rosaire semble lui composer une couronne ou chapeau de Roses d'où est venu le nom donné à ce genre de prières.

Le rosaire était en usage dès l'an 667, mais ce n'est que vers 1096, sous Urbain II, que Pierre l'Hermite, pour exciter les peuples à la croisade, leur enseigna le Psautier laïc composé de cent cinquante Ave-Maria. Saint Dominique, en 1208, institua la confrérie du Rosaire, et la fête de la Rose le fut en 1571 par le pape Pie V en actions de grâces de la victoire de Lépante remportée par les chrétiens sur les infidèles. Grégoire XIII, Clément XI et Clément XII donnèrent à cette solennité plus d'éclat et la firent adopter en Espagne (1).

On donnait anciennement le nom de rosaire à un vaisseau dont on se servait alors pour la distillation de l'eau de Rose.

La charmante fleur dont j'esquisse l'histoire a créé, pour ainsi dire, de nouvelles beautés dans les arts, et je crois devoir en dire quelques mots.

La Rose est un ornement de sculpture qu'on place au milieu de chaque face du tailloir du chapiteau

(1) On peut consulter, pour plus de détails, dom Mabillon, Luc d'Achery, Fleury, Hardouin et Echard, Script. ordin. prædicalorum, tom. Ier, p. 352, et tom. II, p. 271, ed. in-fo.

corinthien. Les rosaces sont aussi en architecture de grandes Roses à compartiments en caissons, dont on décore l'intérieur des voûtes des églises et des palais, ou les superficies des plafonds. La Rose de serrurerie offre souvent aux portes des somptueux édifices de vagues et savantes combinaisons artistiques. Celle de pavé, espèce de mosaïque, n'est pas sans beauté, surtout si l'on veut se rappeler le pavé de l'église des Invalides qu'on vient de détruire dernièrement.

Mais, de toutes ces Roses dont on retrouve la trace dans les arts, rien n'égale la Rose moderne, nom donné dès le moyen âge à des peintures sur verre dont l'effet est admirable et reproduit à nos yeux dans l'intérieur d'une église, pendant une belle soirée d'été, toute la fraîcheur et la beauté de la Rose végétale; les églises de Saint-Quen à Rouen, de Brou en Bresse, de Reims, de Saint-Denis, de Chartres, de Cantorbéry, de Cologne, de Milan, etc., sont célèbres dans ce genre de peinture.

La nef de l'église cathédrale de Paris, outre les vingt-quatre grands vitraux dont elle est éclairée, reçoit encore le jour par trois grandes et magnifiques Roses qui ont chacune quarante pieds de diamètre. Les peintures sur verre qui décorent ces Roses datent originairement du XIIIe siècle, et charment encore par le vif éclat et la bonne entente des couleurs; celle du grand portail représente les signes du zodiaque, les travaux agricoles de chaque

mois, et autres allégories : cette Rose a été réparée en 1731, et entretenue depuis à l'occasion de diverses solennités publiques. Celle du côté de l'ancien archevêché a été reconstruite à neuf, en 1726, par Claude Pinet et Boisfranc, architectes du roi. La troisième est moins curieuse (1).

On retrouve aussi la Rose dans l'art héraldique, elle forme une pièce de l'écu; épanouie avec un bouton au centre, quatre pétales et cinq autres plus éloignées, avec cinq pointes qui imitent les épines, la Rose est l'emblème de la beauté, et d'une noblesse acquise avec labeur cette pièce de l'écu se trouve presque toujours sur l'émail le plus précieux, le gueules (rouge) (?).

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(1) On peut consulter sur ce sujet : Langlois, Essai sur la peinture sur verre. Rouen, 1822, in-8°, p. 151; et Gilbert, His toire de Notre-Dame de Paris, p. 80.

CHAPITRE XIII.

Considérations générales.

Dans la multitude de fleurs qui font l'ornement de nos jardins, il en est plusieurs qui nous plaisent davantage les unes attirent nos regards par leurs formes agréables, les autres par l'éclat de leurs couleurs; celles-là nous charment par la douceur de leur parfum, et bien souvent nous éprouverions un grand embarras s'il nous fallait faire un choix entre elles. Mais, quel que soit le sentiment qui nous porte à admirer toutes ces belles fleurs, un penchant irrésistible nous entraîne toujours vers la Rose et nous fait lui donner la préférence sur toutes ses rivales; aussi cette fleur est-elle la seule dont on ne se lasse pas, la seule pour laquelle il n'y ait point de mode, car après trois mille ans, elle est toujours la première et la plus belle.

Chef-d'œuvre du règne végétal, fleur chérie des poètes, emblème de la beauté, de la jeunesse, de la pudeur et de l'innocence; ornement des autels, des festins, des tombeaux; objet favori de l'imitation de tous les arts, la Rose se rattache dans les siècles les plus reculés à mille souvenirs agréables, religieux, mélancoliques; elle se retrouve dans tous

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