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guérir la rage. Les Dieux mêmes, suivant Pline (1), avaient révélé en songe cette merveilleuse vertu à une mère dont le fils avait été mordu par un chien atteint de cette terrible maladie.

Les excroissances nommées bédeguars qui se développent sur les tiges des Rosiers, surtout de ceux qui sont sauvages, et qui ressemblent par leur forme à une petite pelote de mousse, participent également des propriétés astringentes de ces arbrisseaux. Ces excroissances sont causées par la piqûre d'un petit insecte connu sous le nom de Cynips de la Rose.

(1) Liv. VIII, chap. 41.

CHAPITRE XI.

Considérations diverses sur les Roses.

Le galant roi François Ier disait souvent qu'une cour sans femmes était comme un printemps sans Roses; et cette manière de penser a été aussi celle du poète Malherbe, puisque, selon lui, il n'y avait deux belles choses au monde : les femmes et les Roses.

que

Dans une lettre écrite à Élisabeth, reine d'Angleterre, par notre Henri IV, qui n'avait pas moins l'amour de la gloire que celui des belles, on trouve cette phrase: « C'est dans les travaux et périls de la guerre que se cueille la gloire, vraie pâture de toute âme vraiment royale, comme la Rose dedans les épines. >>>

Frédéric-le-Grand se promenant un jour dans son jardin de Potsdam avec Voltaire, celui-ci cueillit une Rose, que le roi paraissait désirer, et il lui dit en la lui présentant :

<< Phénix des beaux esprits, modèle des guerriers,
Cette Rose naquit au pied de vos lauriers. »>

Dans un joli conte de madame Le Prince de Beaumont, ayant pour titre la Belle et la Bête, c'est une

Rose qui en fait le nœud. Ce conte a été pour Marmontel le sujet d'un charmant opéra-comique, pour lequel Grétry a composé une musique délicieuse.

L'anecdote suivante pourrait bien n'être aussi qu'un conte: « Il y avait à Amadan (en Perse), une académie dont les statuts étaient conçus en ces termes « Les académiciens penseront beaucoup, >> écriront peu et parleront le moins possible. » Le docteur Zeb, fameux dans tout l'Orient, apprit qu'il vaquait une place à cette académie ; il aurait pu l'obtenir, malheureusement il arriva trop tard. L'académie fut désolée : elle venait d'accorder à la puissance ce qui appartenait au mérite (ceci arrive dans d'autres pays que l'Orient). Le président, ne sachant comment exprimer un tel refus qui faisait rougir l'assemblée, se fit apporter une coupe qu'il remplit d'eau si exactement, qu'une goutte de plus l'eût fait déborder. Le savant solliciteur comprit, par cet emblème, qu'il n'y avait plus de place pour lui: il se retirait tristement, lorsqu'il aperçut une feuille de Rose à ses pieds. A cette vue il reprend courage, s'empare de la feuille charmante, et la pose si délicatement sur l'eau que renfermait la coupe, qu'il ne s'en échappa pas une seule goutte. A ce trait ingénieux toute l'assemblée battit des mains, et le docteur fut reçu au nombre des académiciens (1). »

(1) Extrait du langage des fleurs, par madame de Latour, p. 66.

Madame de Genlis (1) rapporte à peu près le même fait, mais qu'elle attribue à Abdulkadri, personnage célèbre chez les Turcs, et qui voulait aller s'établir à Babylone, où l'on ne voulait pas le recevoir. L'usage où est le pape de bénir, chaque année, une Rose d'or, le quatrième dimanche de Carême, appelé pour cette raison Dies dominica in Rosa, afin de l'offrir à quelque église, à quelque prince ou princesse, ne s'est introduit que dans le XI° siècle, du moins il n'en est pas parlé plus tôt dans l'histoire de l'Église. Urbain II, en 1096, donna une Rose d'or au comte d'Anjou. Alexandre III l'envoya à Louis-le-Jeune, roi de France, en signe de reconnaissance pour les attentions de ce prince lors du séjour de ce pape en France, ainsi qu'il le dit dans la lettre qu'il adressait au roi : « Imitant la coutume de nos ancêtres, de porter dans leurs mains une Rose d'or le dimanche de Lætare, nous avons cru ne pouvoir la présenter à personne qui la méritât mieux que vous, à cause de votre dévotion à l'Église et pour nous-mêmes. »

Jean XXIII, en 1415, envoya la Rose d'or à l'empereur Sigismond. Martin V, en 1418, adressa cette Rose au même prince. En 1446 elle fut envoyée à Henri VI, roi d'Angleterre. Pie II, en 1461, l'envoya à Thomas Paléologue, empereur de Constantinople. Henri VIII, roi d'Angleterre, avant

(1) Botanique historique, p. 164.

sá séparation d'avec l'église de Rome, reçut deux fois la Rose d'or la première fois, de Jules II, et la seconde, de Léon X. Enfin, en 1842, le nonce du pape monseigneur Capaccini la présenta à la reine de Portugal Dona Maria.

Les cérémonies de la bénédiction de cette Rose, à cette occasion, ne furent instituées qu'en 1366 par Urbain V; ce pontife voulant donner une marque particulière de son estime à Jeanne, reine de Sicile, bénit solennellement une Rose d'or qu'il lui envoya, et il fit en même temps un décret par lequel il ordonnait que tous les ans on en consacrerait une semblable.

La bénédiction de cette Rose se fait, dans la chambre des parements (sacristie), avec de l'encens, de l'eau bénite, du baume, du musc; le pape sort ensuite pour se rendre à sa chapelle, et, tenant dans sa main gauche la Rose d'or qu'un cardinal-diacre lui à présentée, il donne de la main droite aux fidèles les bénédictions accoutumées. Arrivé à la chapelle, il rend la Rose au cardinal-diacre; et ce dernier à un clerc, qui la pose sur l'autel. Un cardinal-prêtre célèbre ensuite le saint sacrifice, auquel assistent les évêques du sacré collège en chasuble couleur de rose. Après la messe le pape fait présent de la Rose d'or à celle des églises ou des princes et princesses qu'il affectionne particulièrement. Cette marque d'estime et d'honneur est déposée entre les mains d'un cardinal ou d'un officier de la cour pon

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