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aller visiter le Saint-Sacrement à Notre-Dame où il devait être baptisé le lendemain. Il dit donc à l'importun piqueur d'assiette qu'il avait à faire une visite avant le repas. Deutz ne lâche pas prise facilement, quand il a jeté un dévolu sur le dîner d'une maison, c'est une chenille dont on ne saurait se débarrasser. Il s'offrit donc pour être de la course, et pour ne pas manquer son couvert, il entra avec M. Drach dans la cathédrale, sans témoigner le moindre étonnement de voir ce dernier dont il ignorait encore la conversion, diriger ses pas vers cet endroit. Ce soir-là, il paya donc sa pitance par la complaisance qu'il eut, non-seulement d'entendre le plus sagement du monde le Stabat, mais aussi de se laisser donner la bénédiction avec le Saint-Ciboire, bien que ce soit un crime pour les Juifs d'entrer dans une église, et à plus forte raison, d'assister à une cérémonie chrétienne...

Nous laissons notre pauvre Deutz prendre son repas qu'il a si bien gagné, et bon prou lui fasse. La journée de demain le rendra le plus ardent persécuteur de son amphytrion d'aujourd'hui,

cuteur.

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Deutz persécute à outrance M. Drach. Il lui fait des menaces de mort. M. Drach bienfaiteur de son perséEnlèvement et reprise des enfans mineurs de M. Drach. M. Drach, spolié, pillé et plumé par Sara Deutz. La conduite exemplaire de M. Drach à toutes les époques de sa vie, citée honorablement par les autorités israélites.

Bienheureux, vous qu'en haine de moi, l'on maudit, l'on persécute et accuse mensongèrement de toute sorte de

mal.

ST. MATTH. V. 11.

SI.

Je voulais d'abord renvoyer à la fin de ce volume le récit de la peréscution dont M. Drach a été l'objet; mais les évènemens qui se rattachent à sa conversion ont une telle connexité avec l'histoire de Deutz, qu'il aurait fallu pour cela intervertir l'ordre du sujet que je traite.

Il faut pour repousser les infàmes calomnies de Simon, raconter comment M. Drach a eu le malheur de s'allier à la famille de l'homme qui a pris rang parmi les traîtres historiques. Je prends l'af faire ab avo.

1

En 1813, M. Drach, âgé de 22 ans, était secrétaire du consistoire central dont le père de Simon était un des grands-rabbins. En outre, il était précepteur des enfans d'un riche israélite, feu M. Baruch-Weil, homme qui jouissait à juste titre d'une grande considération (21). Les rapides progrès et la solide instruction des jeunes Weil firent une si bonne réputation à leur instituteur que les meilleures familles le demandaient pour donner à leurs enfans au moins quelques heures de leçon par semaine. Il fut même demandé par des familles catholiques (22). Jeune homme d'un bel extérieur, ayant par son savoir et ses talens de l'avenir devant lui, M. Drach ne manquait pas de propositions de mariage: car les Juifs, surtout ceux de Paris, ont hâte de placer mesdemoiselles leurs filles. Un jour, pendant qu'il faisait la classe à ses élèves, voici arriver un garçon d'environ onze ans, misérablement vêtu: c'était Simon Deutz. Il vint dire à M. Drach: Papa vous prie de passer chez nous quand vous pourrez. » La leçon finie, M. Drach s'empressa de se rendre chez le rabbin. Celui-ci, sans préambule, lui propose Sara, la seule fille qu'il eût alors. M. Drach, venu chez son supérieur dans la pensée qu'il avait été mandé pour affaires du consistoire, fut pris au dépourvu par cette brusque proposition. En jeune homme, et craignant peut-être de déplaire au grand-rabbin, il répond sur le champ oui;

sans demander du temps pour réfléchir. C'était accepter mademoiselle Deutz de confiance, car il ne la connaissait point. Quelques jours après on célébra les fiancailles.

Simon dit libelle page 63.) : « Un seul mem«bre de ma famille a été l'objet de ses bontés (de « MADAME), et cet homme est mon ennemi per« sonnel, et il ne s'est allié à nous que pour affli« ger la vieillesse de mon père, faire le malheur « de ma sœur, me vouer à l'infamie et me dési«gner aux poignards du carlisme. Dans une lettre « adressée à la Quotidienne, le 29 novembre 1832, « Drach (23)a eu la làcheté de donner mon signa« lement. Drach épousa en 1817 Sara ma soeur « aînée, ma sœur de prédilection. >>

Nous allons réduire à leur juste valeur ces diverses allégations dont la seule, vraie, est que M. Drach a été l'objet des bontés de S. A. R. MADAME. Il en a professé publiquement sa gratitude (24), et ses sentimens envers son auguste bienfaitrice ne se démentiront jamais.

1o A la page 4 de son pamphlet, Deutz avait dit, qu'il croyait n'avoir que des ennemis politiques; ici, page 63, il lui convient de faire de M. Drach son ennemi personnel. « Il faut qu'un menteur ait bonne mémoire » dit Tite-Live: Mendacem memorem esse oportet; autrement, il se trahit par ses continuelles contradictions. La vérité seule est toujours d'accord avec elle-même. Nous

verrons tout à l'heure que c'est par calcul que Deutz transforme un homme sans fiel en son ennemi personnel. Il sait mieux que qui que ce soit que M. Drach l'a comblé de bienfaits toutes les fois qu'il lui en a fourni l'occasion, même après l'avoir persécuté. Deutz le confessa luimême dans des lettres écrites de Rome : nous les citerons plus bas, textuellement. D'ailleurs n'a-t-il pas entretenu avec cet ennemi personnel une correspondance amicale jusqu'au moment où il a trahi la princesse? (Voir pièces dép., no 27.) 2o Loin d'avoir recherché l'alliance des Deutz, M. Drach s'est trouvé pris avant d'avoir eu le temps de se reconnaître. On lui a jeté Sara à la tête.

pauvre

3° M. Drach a toujours montré une grande déférence pour son beau-père. Plusieurs de ses écrits en témoignent, tant ceux qu'il a publiés avant sa conversion, dont l'un est dédié à M. Emmanuel Deutz, que ceux qu'il a publiés après son baptême, et même après sa longue et terrible persécution (25). C'est au contraire ce rustre de rabbin qui l'a sans cesse abreuvé d'amertume dès les premiers momens du lien fatal qui eut pour effet d'empoisonner toute la vie de mon estimable ami.

Il est assez singulier que Deutz adresse aux autres des reproches dont on peut si justement l'accabler lui-même. Nous en verrons une foule

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