Page images
PDF
EPUB

de ce qui se passait dans sa maison. Son apathie était telle qu'il laissait aller ses enfans à l'abandon, la bride sur le cou. Les garçons, qui déjà n'étaient pas venus en France, trop bien morigénés, profitèrent largement de cet état de liberté illimitée. Ils ne tardèrent pas à arriver à la hauteur de la malice et de la perversité des gamins juifs de la rue Beaubourg, voisine du domicile de leur père (1). On sait que dans la capitale les gamins ont le transport libre d'un quartier à l'autre. Pour cela, ils n'ont qu'à se donner la peine de sauter derrière le sapin qui se rencontre sur leur chemin, saufà rentrer avec quelques raies livides dans la face, si le cocher en sabots a été par hazard de mauvaise humeur. La communauté juive murmurait de ce qu'on voyait souvent juchés derriére les fiacres MM. les fils de M. le grand-rabbin. « Les ministres protestans qui ne sont que des infidèles, disaient nos juifs, ne déshonorent pas ainsi leur église : ils tiennent mieux leurs enfans. »

En vérité, MM. les Israélites se scandalisent de bien peu, car je puis affirmer que c'était là le moindre défaut de la gentille nichée du grand-rabbin. Cependant les voisins chrétiens, et les passans, outrés des tours pendables de ces polissons, ne s'en tinrent pas à des plaintes stériles : et un beau jour, le seigneur Emmanuel Deutz fut éveillé de sa torpeur par une citation du tribunal de police.

Force fut à M. le grand-rabbin du consistoire central des Israélites de France de comparoir au milieu des marchands de toute espèce, des charretiers et des charabias. Lavoix stridente de l'huissier l'ayant fait avancer à son tour, il se vit accusé d'avoir laissé des personnes de sa maison saucer un passant sur la voie publique. Il voulut baragouiner quelques mots d'excuse dans son jargon germanico-français. Les marchandes, les charetiers, et jusqu'aux charabias, se laissèrent aller à cette hilarité bruyante qu'on appellele gros rire du peuple. La gravité des juges meñaçait à chaque instant de perdre l'équilibre, lorsque le président se composant le mieux qu'il lui fut possible, rompit le fil de cette étrange éloquence, en disant : La cause est entendue; nous condamnons, etc. M. le grand-rabbin s'entendit condamner à une amende et aux frais, pour n'avoir pas mieux élevé ses enfans. Cette humiliante leçon lui coûta une soixantaine de francs.

Si notre Simon était un homme sincère, j'invoquerais son témoignage, car plus d'une fois, il nous a fait rire, nous autres ses amis, en contrefaisant le plaidoyer de son père qu'il avait accompagné au tribunal.

Mais laissons les jeunes Deutz polissonner tout à leur aise, et suivons les progrès de Simon dans son éducation continuée à Paris.

Celui-ci, né avec un esprit inquiet et turbu

de ce qui se passait dans sa maison. Son apathie était telle qu'il laissait aller ses enfans à l'abandon, la bride sur le cou. Les garçons, qui déjà n'étaient pas venus en France, trop bien morigénés, profitèrent largement de cet état de liberté illimitée. Ils ne tardèrent pas à arriver à la hauteur de la malice et de la perversité des gamins juifs de la rue Beaubourg, voisine du domicile de leur père (1). On sait que dans la capitale les gamins ont le transport libre d'un quartier à l'autre. Pour cela, ils n'ont qu'à se donner la peine de sauter derrière le sapin qui se rencontre sur leur chemin, saufà rentrer avec quelques raies livides dans la face, si le cocher en sabots a été par hazard de mauvaise humeur. La communauté juive murmurait de ce qu'on voyait souvent juchés derriére les fiacres MM. les fils de M. le grand-rabbin. « Les ministres protestans qui ne sont que des infidèles, disaient nos juifs, ne déshonorent pas ainsi leur église : ils tiennent mieux leurs enfans. »

En vérité, MM. les Israélites se scandalisent de bien peu, car je puis affirmer que c'était là le moindre défaut de la gentille nichée du grand-rab. bin. Cependant les voisins chrétiens, et les passans, outrés des tours pendables de ces polissons, ne s'en tinrent pas à des plaintes stériles : et un beau jour, le seigneur Emmanuel Deutz fut éveillé de sa torpeur par une citation du tribunal de police.

Force fut à M. le grand-rabbin du consistoire central des Israélites de France de comparoir au milieu des marchands de toute espèce, des charretiers et des charabias. La voix stridente de l'huissier l'ayant fait avancer à son tour, il se vit accusé d'avoir laissé des personnes de sa maison saucer un passant sur la voie publique. Il voulut baragouiner quelques mots d'excuse dans son jargon germanico-français. Les marchandes, les charetiers, et jusqu'aux charabias, se laissèrent aller à cette hilarité bruyante qu'on appellele gros rire du peuple. La gravité des juges menaçait à chaque instant de perdre l'équilibre, lorsque le président se composant le mieux qu'il lui fut possible, rómpit le fil de cette étrange éloquence, en disant : La cause est entendue; nous condamnons, etc. M. le grand-rabbin s'entendit condamner à une amende et aux frais, pour n'avoir pas mieux élevé ses enfans. Cette humiliante leçon lui coûta une soixantaine de francs.

Si notre Simon était un homme sincère, j'invoquerais son témoignage, car plus d'une fois, il nous a fait rire, nous autres ses amis, en contrefaisant le plaidoyer de son père qu'il avait accompagné au tribunal.

Mais laissons les jeunes Deutz polissonner tout à leur aise, et suivons les progrès de Simon dans son éducation continuée à Paris.

Celui-ci, né avec un esprit inquiet et turbu

lent, et avec des passions violentes qu'on ne lui a jamais appris à modérer, laissa loin derrière lui en fait de corruption, les jeunes vauriens ses compagnons qui, seuls, paraissaient avoir été chargés de continuer son éducation. Et les bons maîtres en ce genre, c'est-à-dire les gamins du plus sale libertinage, ne manquent pas dans notre bonne Lutèce. Que l'on se figure, si cela se peut sans effroi, ce que devait devenir au milieu de pareils Mentors un garçon des dispositions de Simon, dans le terrible moment des premiers bouillonnemens de la nature, sans surveillance, et surtout sans la moindre occupation qui pût donner une issue salutaire à cette fougue juvénile qui se débordait! Nous autres camarades de Deutz, qui, je l'avoue à ma confusion, ne valions pas grand'chose non plus, nous nous étonnions souvent du degré de dépravation où il était arrivé, et quelquefois de l'extravagance de ses projets de séduction. Il ne voulait jamais regarder comme un obstacle sérieux la vertu connue des jeunes personnes sur qui il avait jeté les yeux, la haute position sociale qui semblait lui rendre impossible tout accès auprès d'elles.

ni

Deutz a fait l'aveu que sa jeunesse a été orageuse et sans religion; je certifie que ces orages ont commencé de bien bonne heure chez lui.(15) Hélas! ils durent encore dans toute leur violence. Peu de temps après son baptême, l'incontinence,

« PreviousContinue »