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disais souvent que notre réligion ne m'offrait aucune consolation, parceque mon cœur éprouvait le besoin d'un culte d'amour. S'il est, te disais-je, des hommes de Dieu, séparés du monde, je me trouverais au comble de mes voeux d'être de leur nombre. Maintenant je puis arriver à ce que j'ai désiré si vivement: je vais étudier la théologie pour embrasser l'état ecclésiastique... En écrivant cette lettre, je ne puis retenir mes larmes. Tu es si vertueux, si estimable par tes qualités, et cependant depuis long-temps bien malheureux! mais je suis certain que Dieu te réserve une grande récompense (82) et qu'il te rendra selon tes oeuvres... Sois persuadé que je ne t'ai jamais respecté autant que je fais maintenant et que dorénavent rien ne me.coûtera pour le prouver que je suis ton fidèle et soumis fils, etc. »

Quelques semaines après, il s'en fallut peu que le néophite ne joignit le baptême du sang au baptême d'eau. Il en rendit compte à son père en ces termes : (Voy. p. dép. n. 9).

Rome, ce 2 mars, 1828,

Paix et toutes sortes de félicités à tout jamais. Mon cher père à de longs jours heureux, jeudi soir, quand je revins d'une promenade, ma propriétaire me dit que je devais aller sur le champ chez un haut personnage de ma connaissance qui avait à me communiquer une affaire pressée. Je

me rends à l'instant chez lui, et voici ce qu'il avait à me dire: Depuis ce matin un juiffrançais a été cinq fois dans votre maison. Il disait qu'il s'en retournait le lendemain à Paris, et qu'il avait absolument besoin de vous parler aujourd'hui. Ceci ne serait rien, ajouta le respectable personnage, mais deux hommes de mauvaise mine l'accompagnaient toutes les cinq fois qu'il est venu chez vous. Mais ils ne montaient pas avec lui dans votre chambre; il l'attendaient à la porte de la maison. Ce juif est allé jusque dans votre chambre, a ouvert vos livres, et les a refermés en proférant des imprécations. En se retirant les deux individus qui l'attendaient dans la rue, ont dit: Il faut absolument que nous le trouvions, car cela nous sera bien payé. » Ainsi, mon cher M. Deutz, ne vous effrayez pas; ce juif est probablement déjà arrété avec sa compagnie, et dans quelques jours cette affaire sera éclaircie.

Tu peux t'imaginer, mon cher père, que je fus d'abord très effrayé. Mais je me tranquillisai bientôt. Mes pensées se portèrent de suite sur Salomon Nayman, parce que je savais qu'il faisait souvent pour Rothchild le voyage de Naples. Je compris aussi sur le champ le danger qu'il courait : je tremblais ! A quoi ne s'était-il pas exposé par ce coup téméraire!... Le lendemain matin je me rendis à son hôtel, car c'était Nayman, je ne

m'étais pas trompé. Il avait d'ailleurs laissé son adresse chez moi. Le maître de la maison me dit qu'il était déjà parti. Tu ne saurais t'imaginer combien je fus content. Simon Deutz.

N.B. (83) Je me porte dieu merci, très-bien et suis content. J'espère qu'il en sera de même de toi et de toute notre famille.

Il écrivit en même temps à M. Drach une lettre dont je copie les deux passages suivans ( voy. p. dép. n° 10 )

«N. T. S. P. qui depuis que je suis à Rome n'a cessé de me combler de ses bontés, m'a fait inviter de rester quelque temps ici, afin de m'instruire plus profondément dans la connaissance de notre sainte religion, invitation que je me sens maintenant très disposé à accepter surtout me disposant à vivre en bon catholique, la situation politique actuelle de la France (84) n'a rien d'attrayant pour moi.

« Je me porte très-bien, je remplis mes devoirs religieux strictement et avec joie, et je prie notre Sauveur de me permettre que par la suite je puisse faire quelque bien à mes anciens co-religionnaires. Votre frère et ami en N. S.

N. B. (85) Depuis quelques jours j'ai commencé à traduire avec l'assistance du R. P. Ventura un ouvrage du célèbre orientaliste chevalier de Rossi de Parme, quand il sera terminé j'aurai l'honneur de le présenter au Saint-Père, ensuite je vous l'en

verrai à Paris, et s'il obtient l'assentiment de Morr seigneur de Paris, nous aviserons aux moyens de le faire imprimer, car je pense que c'est un ou vrage qui pourra faire beaucoup de bien à nos anciens co-religionnaires, il a pour titre : Della vana aspettazione degli Ebrei del loro Re Messia. » Le 13 du même mois en faisant part à M. Drach de sa présentation au Pape, il dit : ( voy. pièces dép. n° 11.)

་་

Après le jour de mon baptême, c'est le plus beau jour que j'aie passé dans ma vie. »

Le 23 mai suivant, il écrivit au même (pièces dép. n° 14.)

« Je vous conjure au nom de la très sainte religion que nous avons le bonheur de professer tous deux maintenant de me répondre courier par courier au reçu de la présente, car je suis très inquiet.

« Je me trouve fort content à Rome, je me mène une vie de religieux, et je m'en trouve bien. Grand Dieu, comme la religion change l'homme ! Moi dans un couvent et m'en trouver heureux et satisfait! c'est plus qu'un miracle!!! que N. S. ensoit loué. Votre frère en N. S. J. C. Hyacinthe Deutz. »

Dans la lettre du même au même en date du premier juin 1828 (voy. p. déposées no 15, ) je trouve le passage suivant :

« Rome etc. Mon cher frère, je recommande bien particulièrement à votre sollicitude, M. Fer

dinand Carr qui se trouve en ce moment à Paris, juif de naissance comme nous il a eu le bonheur de connaître la vérité et de l'embrasser avec une foi sincère. Votre frère et ami en J. C. Hyac. Deutz. »

SII.

Il y avait alors QUATRE MOIS que Deutz, animé d'une foi ardente, ainsi qu'on a pu juger par les passages de ses lettres que je viens de transcrire, menait une vie chrétienne, une vie de religieux. Mais, hélas! comme le premier judas, il n'est point demeuré dans la vérité (86).

Il avait une pension mensuelle de 25 piastres (Fr. 136. 25.) sur le fond des aumônes de la propagande. En outre, il avait le logement libre; et, écornifleur déterminé comme il est, (87) il ne faisait pas de grandes dépenses dans les restaurans. Cette vie commode, jointe à un désœuvrement complet, excita les violentes passions de notre jeune homme, passions comprimées depuis sa conversion plutôt que combattues, et elles se firent jour avec une grande impétuosité: Qua data porta ruunt. Son cœur fut changé : le démon qui avait quitté la place, y rentra avec ses sept compagnons (S. Matth. 12.) Dès ce moment la catholicité de Deutz devint plus qu'équivoque aux yeux de bien des personnes. Il s'était lié avec de jeunes artistes français dont il y a toujours un certain

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