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Le dernier paragraphe se terminait de cette manière : « C'est à elle (à la vérité) à s'approcher '. En attendant, je suis heureux, parce que je compte pour peu tous les maux de la vie, et que le prix qui les rachète est en mon pouvoir.» Tel, en effet, devait être le couronnement du discours du bon vicaire. Il avait été provoqué par cette interrogation de son jeune ami : « Qui est-ce qui sait être heureux? C'est moi, répondit le prêtre. Vous... Et qu'avez-vous fait pour l'être? - Mon enfant, je vous le dirai volontiers. » En terminant par le bonheur que donne la sagesse, fondée sur la vertu et la foi en Dieu, Rousseau avait le double avantage de rattacher la fin du discours à son commencement, et d'exprimer la vraie conclusion de toute saine philosophie.

Ibid. « Le bon prêtre avait parlé avec véhémence; il était ému, je l'étais aussi 2. » Rousseau s'était arrêté là. Il me semble qu'on se passerait fort bien de cette espèce d'ornement mythologique ajouté après coup: « Je croyais entendre le divin Orphée chanter les premiers hymnes et apprendre aux hommes le culte des dieux. » On ne voit guère qu'une utilité à cette addition, c'est d'expliquer la gravure d'Eisen et de Longueil dont Rousseau ou son libraire a cru devoir embellir cet endroit du IIIe volume de l'Émile. Mais il fallait mettre cette interprétation au bas de la planche. Transportée dans le texte, elle en ôte le sérieux, et semble nous renvoyer

1. Plus haut, p. 488.

2. Ibid.

dans le pays des fables. Malheureusement il se mêle toujours quelque chose d'apprêté et de factice dans l'éloquence de Rousseau.

Malgré ces défauts, la Profession de foi du Vicaire savoyard est la production philosophique la plus saine et la plus grande du xvIIe siècle; c'est le chef-d'œuvre de Rousseau. Il méritait bien cette étude, que nous aurions pu rendre aisément plus étendue, et qui au moins donnera une idée des travaux modestes, mais utiles, dont les autres livres de l'Émile, les Confessions et la Nouvelle Héloïse pourraient devenir la matière, grâce aux manuscrits de la chambre des Représentants. Nous prenons la liberté de recommander de pareils travaux à quelque jeune professeur de l'Université, ou à quelque homme de lettres, patient et attentif, qui aurait un peu de passion pour l'art d'écrire, pour notre belle langue et notre grande littérature.

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