On crut que jusqu'au lendemain Et sur le nez sacré voudrait passer la nuit. Ils se sont acquittés tous deux de leur office, Et la cour d'admirer. Les courtisans, ravis, Coupables seulement, tant lui que l'animal, Que les hôtes des bois : était-ce un si grand mal? Ne touche aux animaux pour leur sang épancher. Qu'avec les animaux de forme nous changeons : Comme l'on conte en deux façons Fabuliste indien. Allusion à la prétention de Pythagore, qui, pour accréditer son système de la métempsycose, disait qu'il se souvenait d'avoir été Euphorbe au siége de Troie. (3) C'est, au contraire, Pythagore qui devait sa doctrine aux Indiens. A la chasse un milan (ce qui n'arrive guère), Comme de chose singulière : Ce cas n'arrive pas quelquefois en cent ans: Quand l'animal porte-sonnette (3), Prend le nez du chasseur, happe le pauvre sire. Monarque et courtisans. Qui n'eût ri? Quant à moi, Je n'ose l'assurer: mais je tiendrais un roi C'est le plaisir des dieux. Malgré son noir sourcil, Il en fit des éclats, à ce que dit l'histoire, Que nous eùt du chasseur l'aventure fatale (1) Le cas le plus rare. (2) Modèle. (3) Le faucon, ainsi nommé parce qu'on lui attache des grelots aux pieds. (4) Allusion au récit d'Homère. (Iliad. liv. Ier.) Aux traces de son sang un vieux hôte des bois, Blessé par des chasseurs et tombé dans la fange, Que nous avons mouche appelé. Il accusait les dieux, et trouvait fort étrange Quoi! se jeter sur moi, sur moi le plus habile Depuis quand les renards sont-ils un si bon mets? Que ne vis-tu sur le commun! Un hérisson du voisinage, Dans mes vers nouveau personnage, Voulut le délivrer de l'importunité Du peuple plein d'avidité. Je les vais de mes dards enfiler par centaines, Voisin renard, dit-il, et terminer tes peines. Garde-t'en bien, dit l'autre; ami, ne le fais pas : Laisse-les, je te prie, achever leur repas. Ces animaux sont souls; une troupe nouvelle Nous ne trouvons que trop de mangeurs ici-bas: Plus telles gens sont pleins(1),moins ils sont importuns. XIV Le Corbeau, la Gazelle, la Tortue A MADAME DE LA SABLIÈRE La gazelle, le rat, le corbeau, la tortue, Le choix d'une demeure aux humains inconnue Mais quoi, l'homme découvre enfin toutes retraites. Au fond des eaux, au haut des airs, Vous n'éviterez point ses embûches secrètes (2). La gazelle s'allait ébattre innocemment, Quand un chien, maudit instrument (1) Plus telles gens sont pleins. Cet hémistiche est une application remarquable de la règle qui dit que gens veut au féminin les adjectifs qui le précèdent, et au masculin ceux qui le suivent. (2) La Fontaine semble se souvenir ici d'un chœur de l'Antigone de Sophocle. Du plaisir barbare des hommes, Vint sur l'herbe éventer les traces de ses pas. Dit aux amis restants: D'où vient que nous ne sommes La gazelle déjà nous a-t-elle oubliés? Comme un corbeau d'ailes pourvue, Notre compagne au pied léger; Car, à l'égard du cœur, il en faut mieux juger (1). Prise au piége, et se tourmentant. Il retourne avertir les autres à l'instant. Car, de lui demander quand, pourquoi ni comment Et perdre en vains discours cet utile moment, Le corbeau donc vole et revole. Aux lieux où la gazelle est prise. Ces mots à peine dits, il s'en vont secourir La voilà comme eux en campagne, (1) C'est-à-dire, il ne faut pas le croire léger, ni attribuer son éloignement à son inconstance. (2) Allusion au maître d'école de la fable, liv. Ier. (3)« Qu'il est gracieux ce diminutif! Pourquoi? c'est qu'il est à la fois un sentiment et une image. » (Guillon.) |