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D'un désert inhabité :
Tout père frappe à côté (1).
Qu'arriva-t-il? Notre engeance
Prit pied sur cette indulgence.
Tout l'Olympe s'en plaignit.
Et l'assembleur de nuages (2)
Jura le Styx (3) et promit
De former d'autres orages:
Ils seraient sûrs. On sourit.
On lui dit qu'il était père,
Et qu'il laissât, pour le mieux,
A quelqu'un des autres dieux
D'autres tonnerres à faire.
Vulcain entreprit l'affaire.
Ce dieu remplit ses fourneaux
De deux sortes de carreaux (4) :
L'un jamais ne se fourvoie;
Et c'est celui que toujours
L'Olympe en corps nous envoie.
L'autre s'écarte en son cours;
Ce n'est qu'aux monts qu'il en coûte;
Bien souvent mème il se perd;

Et ce dernier en sa route

Nous vient du seul Jupiter.

(1) Vers ingénieux qui exprime bien l'indulgence paternelle.

(2) Epithète de Jupiter dans Homère.

(3) C'etait un serment terrible parmi les dieux.

Grosse flèche à pointe triangulaire; les poëtes ont fait ce mot synonyme de foudre.

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Une traîtresse voix bien souvent vous appelle:
Ne vous pressez donc nullement:

Ce n'était pas un sot, non, non, et croyez-m'en,
Que le chien de Jean de Nivelle (1).

Un citoyen du Mans (2), chapon de son métier,
Etait sommé de comparaître

Par-devant les lares du maître,

Au pied d'un tribunal que nous nommons foyer.

(1) Qui s'enfuit quand on l'appelle, dit le proverbe. Voici l'origine de ce mot, selon un commentateur: « Jean II, duc de Montmorency, voyant que la guerre allait se rallumer entre Louis XI et le duc de Bourgogne, fit sommer à son de trompe ses deux fils, Jean de Nivelle et Louis de Fosseuse, de quitter la Flandre, où ils avaient des biens considérables, et de venir servir leur roi : aucun des deux ne voulut se rendre à cette sommation. Leur père, irrité, les traita de chiens, et les déshérita. » (Walckenaer.)

(2) Le Mans est renommé pour ses excellents chapons.

Tous les gens lui criaient, pour déguiser la chose :
Petit, petit, petit! mais, loin de s'y fier,
Le Normand et demi (1) laissait les gens crier.
Serviteur, disait-il, votre appât est grossier:
On ne m'y tient pas, et pour cause.

Cependant un faucon (2) sur sa perche voyait
Notre Manceau qui s'enfuyait.

Les chapons ont en nous fort peu de confiance,
Soit instinct, soit expérience.

Celui-ci, qui ne fut qu'avec peine attrapé,
Devait, le lendemain, être d'un grand soupé,
Fort à l'aise en un plat, honneur dont la volaille
Se serait passée aisément.

L'oiseau chasseur lui dit: Ton peu d'entendement
Me rend tout étonné. Vous n'ètès que racaille,
Gens grossiers, sans esprit, à qui l'on n'apprend rien.
Pour moi, je sais chasser et revenir au maître.
Le vois-tu pas à la fenêtre?

Il t'attend: es-tu sourd?-Je n'entends que trop bien,
Repartit le chapon: mais que me veut-il dire?
Et ce beau cuisinier armé d'un grand couteau?
Reviendrais-tu pour cet appeau (3)?
Laisse-moi fuir; cesse de rire

De l'indocilité qui me fait envoler,

Lorsque d'un ton si doux on s'en vient m'appeler.
Si tu voyais mettre à la broche
Tous les jours autant de faucons
Que j'y vois mettre de chapons,
Tu ne me ferais pas un semblable reproche.

(1) C'est-à-dire que le Manceau est encore plus rusé que le Normand.

(2) Oiseau de proie qu'on exerce à chasser dans les airs et à rapporter le gibier.

(3) Piége.

XXI

Le Chat et le Rat.

Quatre animaux divers, le chat grippe-fromage, Triste oiseau le hibou, ronge-maille le rat, Dame belette au long corsage,

Toutes gens d'esprit scélérat,

Hantaient le tronc pourri d'un pin vieux et sauvage.
Tant y furent, qu'un soir à l'entour de ce pin
L'homme tendit ses rets. Le chat, de grand matin,
Sort pour aller chercher sa proie.

Les derniers traits de l'ombre empêchent qu'il ne voie
Le filet (1) il y tombe, en danger de mourir;
Et mon chat de crier, et le rat d'accourir :
L'un plein de désespoir, et l'autre plein de joie;
Il voyait dans les lacs son mortel ennemi.
Le pauvre chat dit: Cher ami,

Les marques de ta bienveillance
Sont communes en mon endroit (2);
Viens m'aider à sortir du piége où l'ignorance
M'a fait tomber. C'est à bon droit

Que seul entre les tiens, par amour singulière,
Je t'ai toujours choyé, t'aimant comme mes yeux.
Je n'en ai point regret, et j'en rends grâce aux dieux.
J'allais leur faire ma prière,

Comme tout dévot chat en use les matins.
Ce réseau me retient: ma vie est en tes mains;
Viens dissoudre ces nœuds. - Et quelle récompense
En aurai-je? reprit le rat.

Je jure éternelle alliance

Avec toi, repartit le chat.

Dispose de ma griffe, et sois en assurance:

(1) Le filet. « Cette suspension est pleine de goût. Le chat est pris. (Chamfort.)

(2) A mon égard.

Envers et contre tous je te protégerai;
Et la belette mangerai

Avec l'époux de la chouette (1):

Ils t'en veulent tous deux (2). Le rat dit: Idiot!
Moi ton libérateur! Je ne suis pas si sot.
Puis il s'en va vers sa retraite.

La belette était près du trou.

Le rat grimpe plus haut; il y voit le hibou. Dangers de toutes parts: le plus pressant l'emporte. Ronge-maille retourne au chat, et fait en sorte Qu'il détache un chaînon, puis un autre, et puis tant Qu'il dégage enfin l'hypocrite.

L'homme paraît en cet instant;

Les nouveaux alliés prennent tous deux la fuite.
A quelque temps de là notre chat vit de loin
Son rat, qui se tenait alerte et sur ses gardes :
Ah! mon frère, dit-il, viens m'embrasser; ton soin
Me fait injure tu regardes
Comme ennemi ton allié.

Penses-tu que j'aie oublié

Qu'après Dieu je te dois la vie?

Et moi, reprit le rat, penses-tu que j'oublie
Ton naturel? Aucun traité

Peut-il forcer un chat à la reconnaissance?

S'assure-t-on sur l'alliance
Qu'a faite la nécessité?

XXII

Le Torrent et la Rivière.

Avec grand bruit et grand fracas

Un torrent tombait des montagnes : Tout fuyait devant lui; l'horreur suivait ses pas;

(1) Le hibou.

(2) Toute cette prière du chat est d'un ton excellent; elle peint au naturel l'hypocrisie.

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