Page images
PDF
EPUB

« O mort! tu peux attendre; éloigne, éloigne-toi;
Va consoler les cœurs que la honte, l'effroi,
Le pâle désespoir dévore.

Pour moi Palès encore a des asiles verts,
Les Amours des baisers, les Muses des concerts:
Je ne veux point mourir encore. »

Ainsi, triste et captif, ma lyre toutefois
S'éveillait, écoutant ces plaintes, celte voix,
Ces vœux d'une jeune captive;

Et secouant le faix de mes jours languissants,
Aux douces lois des vers je pliai les accents
De sa bouche aimable et naïve.

Ces chants, de ma prison témoins harmonieux,
Feront à quelque amant des loisirs studieux
Chercher quelle fut cette belle :

La grâce décorait son front et ses discours,
Et, comme elle, craindront de voir finir leurs jours
Ceux qui les passeront près d'elle.

(ANDRÉ CHENIER.)

Les deux Tartarins.

Avec sa rage d'aventure, son besoin d'émotions fortes, sa folie de voyages, de courses, de diable au vert, comment diantre se trouvaitil que Tartarin de Tarascon n'eût jamais quitté Tarascon?

Car c'est un fait. Jusqu'à l'âge de quarante-cinq ans, l'intrépide Tarasconnais n'avait pas une fois couché hors de sa ville. Il n'avait pas même fait ce fameux voyage à Marseille, que tout bon Provençal se paye à sa majorité. C'est au plus][s'il connaissait Beaucaire, et cependant Beaucaire n'est pas bien loin de Tarascon, puisqu'il n'y a que le pont à traverser. Malheureusement ce diable de pont a été si souvent emporté par les coups de vent, il est si long, si frêle, et le Rhône a tant de largeur à cet endroit, que, ma foi! vous comprenez... Tartarin de Tarascon préférait la terre ferme.

C'est qu'il faut bien vous l'avouer : il y avait dans notre héros deux natures bien distinctes. « Je sens deux hommes en moi,» a dit je ne sais quel Père de l'Eglise. Il l'eût dit vrai de Tartarin, qui portait en lui l'âme de don Quichotte, les mêmes élans chevaleresques, le même idéal héroïque, la même folie du romanesque et du grandiose; mais malheureusement il n'avait pas le corps du célèbre hidalgo, ce corps osseux et maigre, ce prétexte de corps, sur lequel la vie matérielle manquait de prise, capable de passer vingt nuits sans déboucler sa cuirasse et quarante-huit heures avec une poignée de riz... Le

NASALES ET LIQUIDES

71

corps de Tartarin, au contraire, était un brave homme de corps, très lourd, très sensuel, très douillet, très geignard, plein d'appétits bourgeois et d'exigences domestiques, le corps ventru et court sur pattes de l'immortel Sancho Pança.

Don Quichotte et Sancho Pança dans le même homme ! Vous comprenez quel mauvais ménage ils y devaient faire! quels combats! quels déchirements !... O le beau dialogue à écrire pour Lucien ou pour Saint-Evremond,'un dialogue entre les deux Tartarins, le Tartarin-Quichotte et le Tartarin-Sancho! Tartarin-Quichotte s'exaltant aux récits de Gustave Aimard et criant : « Je pars! » Tartarin-Sancho ne pensant qu'aux rhumatismes et disant : « Je reste. >>

Tartarin-Quichotte, très exalté.

Couvre-toi de gloire, Tartarin. Tartarin-Sancho, très calme. - Tartarin, couvre-toi de flanelle. Tartarin-Quichotte, de plus en plus exalté. O les bons rifles à deux coups! ô les dagues, les lazos, les mocassins! Tartarin-Sancho, de plus en plus calme. — O les bons gilets tricotés, les bonnes genouillères bien chaudes! ô les braves casquettes à oreillettes!

Tartarin-Quichotte, hors de lui.

une hache!

Une hache! qu'on me donne

Tartarin-Sancho, sonnant la bonne.

Jeannette, mon chocolat. Là-dessus Jeannette apparaît avec un excellent chocolat, chaud, moiré, parfumé, et de succulentes grillades à l'anis, qui font rire Tarlarin-Sancho en étouffant les cris de Tartarin-Quichotte.

Et voilà comme il se trouvait que Tartarin de Tarascon n'eût jamais quitté Tarascon.

(A. DAUDET, Tartarin de Tarascon.)

Les spirantes.

LES SIFFLANTES

S

La mâchoire inférieure s'élève de façon à ne laisser entre les dents qu'une fente très étroite, au maximum un millimètre d'intervalle. Les commissures des lèvres sont assez fortement retirées en arrière, à peu près dans la même position que pour i. La pointe de la langue · s'appuie contre les incisives inférieures, tandis que ses bords latéraux pressent contre les dents molaires d'en haut. Il se forme ainsi entre le palais dur et la partie dorsale de la langue un petit canal assez étroit par où passe l'air sourd pour arriver à sortir entre les quatre incisives. La partie antérieure de la langue ne doit toucher ni au palais ni même aux incisives supérieures. Le voile du palais est relevé.

L's français est fort et bref; les organes doivent être en place avant que l'émission du souffle commence :

si, ses, son, ça, ceux, su, sot, sou, seigle, cire, scène, sceptique, assez, laissé, richissime, ici, pousser, passant, massacre, façade, leçon, reçu, minutie, confidentiel, prétentieux, satiété, balbutier, initier, suprématie, béotien, tertiaire, nuptial, patient, soixante, Bruxelles, Auxerre, transept, transi, chanson,

as, laisse, six, dix, russe, rosse, douce, grasse, masse.

Dans ces exemples les graphies s, c, ç, sc, ss, t, x, sont équivalentes.

En contact avec d'autres consonnes :

steppe, style, stuc, strophe, caste, est, Christ, buste, poste, astre, lustre, ministre, scribe, scrofule, basque, casque, fresque, musc, muscle, sphère, spasme, jaspe, asthme, isthme, cynisme, psaume, accident, accessoire, action, index, silex, Félix, fixe, axe, taxer, sexe, boxe, luxueux, exclamation, explication, excuse, expatrier, texte, dextre, nuptial, égyptien, laps, reps, valse, farce, mars, herse, perse, force, torse, bourse, ours.

Dans ces exemples les graphies cc, ct, x, sont équivalentes et valent ks; le groupe sthm vaut sm.

L's reste sourd, bien qu'intervocalique, dans les mots composés dont il ouvre le second élément :

vraisemblable, monosyllabe, soubresaut, parasol, désuétude, présupposé, antisocial,

mais il est sonore (z) dans présomption, qui a un second terme dont l'individualité est mal sentie.

L'a ne vaut que k (et non ks) devant un c valant s :

excentrique, excepté, exciler, excès.}

Les étrangers en général ne pressent pas assez fortement les bords latéraux de la langue contre les molaires supérieures et commencent l'émission du souffle avant que les organes soient en place; il en résulte un s trop long et trop peu sifflant.

Même disposition des organes que pour s; mais avant et pendant leur mise en place les cordes vocales vibrent fortement. La langue doit toucher les dents sans effort, sans les presser, parce que les vibrations du larynx ne seraient plus assez fortes. Le z est sonore, long et doux :

zèle, zèbre, zénith, zéphyr, zéro, zeste, zigzag, zinc, zizanie, zone, hasard, aisé, usure, roseau, dizaine, horizon, deuxième, sixième, dixième, transaction, transiger, transition, baiser, misère, ruse, posi

« PreviousContinue »