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veuvage, heurter, meurtrir, jeunesse, beuglant, abreuvoir, pleurant, heureux, Europe, peuplade, peut-être.

C'est l'e caduc dans les cas où il se prononce :

je n(e) sais pas, ell(e) ne vous 1(e) demande pas.

Il peut se fermer par harmonisation vocalique :

beugle (bag), beuglement (baglama), mais beugler (bagle), abreuve (abræv), abreuvoir (abrævwár), mais abreuver (abrævé).

Les étrangers prononcent souvent, à la place de l'œ ouvert, une sorte d'a fermé sans tension musculaire. Pour l'e caduc ils ne savent jamais quand il faut et quand il ne faut pas le prononcer; cf. p. 103. made!

ethnocentricity!

L'œ FERMÉ

On dispose la mâchoire et la langue comme pour e fermé, on avance les lèvres et on les arrondit comme pour o fermé.

Il est long devant z final:

creuse, yeuse, chartreuse, berceuse, heureuse, et tous les mots

en -euse.

Il est bref, avec diverses nuances de durée, dans les autres cas:

jeûne, feutre, neutre, meute, peu, œufs, bœufs, vou, veut, deux, yeux, heureux, ceux, nœud, nœuds, gueux, queue, jeu, caïeu, aïeux, dieu, pieu, bleu, bleue, milieu, aveu, lieue, adieu, feu, pleut.

En syllabe inaccentuée l'e fermé n'apparait que dans des cas d'harmonisation vocalique, comme ceux que l'on a vus plus haut, p. 50, et auxquels il faut ajouter jeudi, et dans les mots à côté desquels il existe une forme plus courte avec é accentué :

deuxième, queuter, heureusement, ameuter, creuser.

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Le défaut le plus ordinaire des étrangers est qu'ils n'avancent pas et n'arrondissent pas les lèvres; ils font entendre une sorte d'é fermé non tendu.

Les Méridionaux prononcent la finale -euse avec un æ ouvert bref :

honteuse (ōtaez), creuse (kræz), etc.

LECTURES

Le sommeil de Régina.

Cette nuit j'ai dormi, mais sans fièvre;
Son nom, si j'ai parlé, seul entr'ouvrait ma lèvre.
Quel doux sommeil! Vraiment, non, je n'ai pas souffert :
Quand le soleil levant m'a réveillée, Othert,

Otbert! il m'a semblé que je me sentais naître.

Les passereaux joyeux chantaient sous ma fenêtre,

Les fleurs s'ouvraient, laissant leurs parfums fuir aux cieux.
Moi, j'avais l'âme en joie, et je cherchais des yeux
Tout ce qui m'envoyait une haleine si pure,
Et tout ce qui chantait dans l'immense nature;
Et je disais tout bas, l'œil inondé de pleurs :

O doux oiseaux, c'est moi! c'est bien moi, douces fleurs!
(V. HUGO, Les Burgraves.)

Épisode d'une sédition militaire à Moscou.

Leur fureur était si aveugle, que, voyant passer un jeune seigneur de la maison de Soltikoff, qu'ils aimaient, et qui n'était point sur la liste des proscrits, quelques-uns d'eux ayant pris ce jeune homme pour Jean Nariskin qu'ils cherchaient, ils le tuèrent sur-lechamp. Ce qui découvre bien les mœurs de ces temps-là, c'est qu'ayant reconnu leur erreur, ils portèrent le corps du jeune Soltikoff à son père pour l'enterrer; et le père malheureux, loin d'oser se plaindre, leur donna des récompenses pour lui avoir rapporté le corps sanglant de son fils. Sa femine, ses filles et l'épouse du mort, en pleurs, lui reprochèrent sa faiblesse. « Attendons le temps de la vengeance, » leur dit le vieillard. Quelques strélitz entendirent ces paroles ils rentrent furieux dans la chambre, traînent le père par les cheveux, et l'égorgent à la porte de sa maison.

(VOLTAIRE, Histoire de la Russie sous Pierre le Grand.)

LA VOYELLE Ü

L'ü est produit par la réunion des mouvements articulatoires de ó et de i, ou par ceux de u et de é : la langue opère comme pour i ou é, les lèvres comme pour ó ou u.

Il est long devant r, z, ž ou v final :

pur, dur, mûr, 'mur, sûr, azur, voiture, hure, jure, cure, buse, ruse, méduse, use, accuse, infuse, confuse, refuse, amuse, - déluge, juge, refuge, cuve, étuve, Vésuve.

Il est bref partout ailleurs :

but, chute, flûte, brute, busc, busle, muscle, rustre, juste, russe, astuce, rébus, blocus, Vénus, puce, suce, insulte, culte, bulbe, sépulcre, brûle, nul, duc, suc, nuque, luxe, truc, perruque, sucre, lucre, turc, absurde, urne, usurpe, enclume, fume, brume, écume, une, lune, tribune, répugne, jupe, dupe, tube, tuf, mufle, truffe, cruche, bûche, conjugue, rude, étude, salut, joufflu, tribut, rue, massue revue, laitue, nu, nue, tordu, vu, affût, camus, rendu, charrue, jus, plus, pus, ciguë.

L'ü inaccentué est le même, articulé avec une tension musculaire moindre; il est toujours bref :

user, usurier, murmurer, usurper, hurlement, curieux, député, amusement, frustrer, inculquer, cultiver, goulûment, éternuement, assidûment.

Beaucoup d'étrangers prononcent mal l'ü français, soit parce qu'ils avancent et arrondissent insuffisamment les lèvres (Allemands, Slaves, etc.), soit parce qu'ils font successivement les mouvements de la langue et ceux des lèvres, au lieu de les faire simultanément (Anglais, Géorgiens, etc.). Dans le premier cas on entend i, un i mal tendu et mal timbré; dans le second on entend iu: iun « une ».

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Des Allemands et des Slaves de diverses régions disent üyè, üyé, pour üè, üé : crüyèl « cruel », tüyé

<<< tuer ».

LA SEMI-VOYELLE w (wé)

Le mode d'articulation est analogue à celui du w, cf. p. 17. On dispose les lèvres et la langue comme pour dire ", on fait vibrer la glotte et on passe immédiatement à la prononciation de la voyelle qui suit:

huit, huile, huitre, buis, puissant, tuile, suivre, puits, fuite, muid, conduire, nuire, luire, aiguille, juin, appuyer, ennuyer, ennuyeux,

essuyer.

Les personnes de langue germanique donnent généralement trop d'importance au w, dont elles font une voyelle, et négligent trop la vraie voyelle, dont elles ne font guère qu'un second élément de diphtongue.

Les Anglais disposent généralement la langue comme pour u, et disent: pui « puis », kuir « cuire ».

Les Slaves en général et les Polonais en particulier négligent le plus souvent de mettre les lèvres dans la position de avant de passer à la prononciation de la voyelle, et font entendre à peu près:

ni « nuit », óžurdi « aujourd'hui ».

Quand il y a -wiy- dans l'intérieur d'un mot, beaucoup d'étrangers disent üi ou üy:

ânüié ou anüyé « ennuyer ».

Beaucoup d'étrangers, dont quelques Anglais et surtout des Orientaux, n'ayant pas d'ü dans leur langue, entendent u lorsqu'on prononce ❞ ou w; on n'arrive à obtenir d'eux une prononciation correcte qu'après leur avoir fait une éducation spéciale de l'oreille.

LECTURES

Fureurs d'Hermione.

Quel plaisir de venger moi-même mon injure,
De retirer mon bras teint du sang du parjure,
Et, pour rendre sa peine et mes plaisirs plus grands,
De cacher ma rivale à ses regards mourants!
Ah! si du moins Oreste, en punissant son crime,
Lui laissoit le regret de mourir ma victime!
Va le trouver: dis-lui qu'il apprenne à l'ingrat
Qu'on l'immole à ma haine, et non pas à l'Etat.
Chère Cléone, cours: ma vengeance est perdue,
S'il ignore en mourant que c'est moi qui le tue.
(RACINE, Andromaque.)

L'Araignée.

La 'spécialité trop forte du mélier, nous le voyons chez les hommes, atrophie tel membre, exagère tel autre, exclut l'harmonie; le forgeron souvent est bossu. De même l'araignée est ventrue. En elle la nature a tout sacrifié au métier, au besoin, à l'appareil industriel qui satisfera le besoin. C'est un ouvrier, un cordier, un fileur et un tisseur. Ne regardez pas sa figure, mais le produit de son art. Elle n'est pas seulement un fileur, elle est une filature. Concentrée et circulaire, avec huit pattes autour du corps, huit yeux vigilants sur la tête, elle étonne par la proéminence excentrique d'un ventre énorme. Trait ignoble, où l'observateur inattentif et léger ne verrait que gourmandise. Hélas! c'est tout le contraire; ce ventre, c'est son atelier, son magasin, c'est la poche où le cordier tient devant lui la matière du fil qu'il dévide; mais, comme elle n'emplit cette poche de rien que de sa substance, elle ne la grossit qu'aux dépens d'elle-même, à force de sobriété. Et vous la verrez souvent, étique pour tout le reste, conserver toujours gonflé ce trésor où est l'élément indispensable du travail, l'espérance de son industrie, et sa seule chance d'avenir. (MICHELET, L'insecte.)

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