La voyelle I. L'i français est fermé. Pour l'émettre on dispose la bouche à peu près comme pour é fermé ; mais les mâchoires sont plus rapprochées (1 millimètre entre les incisives, 3 entre les lèvres), on presse la langue plus fortement contre les incisives inférieures et les molaires supérieures, on la masse contre le palais dur en laissant un passage très étroit. On retire en arrière les commissures des lèvres; on tend les muscles fortement. Il est long devant r, z, ž ou v final : dire, haïr, élixir, cire, conduire, mourir, — grise, bise, vise, mise, cerise, cytise, sottise, improvise, payse, analyse, tige, corrige, gencive, archive, grive, enjolive, ivre, givre, livre, suivre, cuivre, vivre. Il est bref partout ailleurs : pipe, bile, vitre, bique, filtre, myrte, dicte, thyrse, Félix, asile, perfide, cycle, digne, litre, nitre, rythme, guide, huit, gîte, schisme, scythe, brique, public, crypte, énigme, racine, éclipse, disque, article, épître, disciple, riche, miche, caniche, cible, libre, lisse, natif, naïf, service, civil, tigre, figue, abîme, vif, lime, vis, maïs, avril, fille, bible, lis, lie, mie, bougie, ami, vie, prix, pépie, part-il, crucifix, riz, buis, fantaisie, scie, lit. L'i inaccentué est prononcé de la même manière, mais avec une tension musculaire moindre : ici, fini, illimité, militaire, quitter, réciter, viser, il part, griser, il y va, il le lui donne, irisé, menuisier, diligence, divin. La plupart des étrangers, particulièrement ceux de langue germanique ou slave, remplacent d'ordinaire l'i français par leur i ordinaire, qui est un i ouvert inconnu au français. Souvent l'i qu'ils émettent est entendu ü par une oreille française, parce qu'il est mal caractérisé, étant articulé avec les lèvres lâches et sans retrait des commissures; cf. p. 52. En outre, les Slaves ont coutume de faire entendre un petit yod devant l'i, suivant l'usage de leurs langues qui yodisent la consonne précédant i. LA SEMI-VOYELLE yod. On dispose la bouche comme pouri (car le yod n'est qu'un i consonne), mais en poussant davantage les bords latéraux de la langue contre les molaires supérieures de façon que le petit canal compris entre le dos de la langue et le palais dur soit rétréci à tel point que le souffle n'y puisse passer sans produire un bruit de frottement. C'est ce bruit ajouté à la vibration glottale qui constitue le yod. En général cette poussée en avant de la langue est accompagnée d'un léger avancement de la mâchoire inférieure (de 1 à 2 millimètres) : les yeux, hier, pied (pyé), biais, fièvre, pieux, diacre, 'diadème, idiot, miette, bien, viande, mièvre, diable, tiens, lieu, rien, asiatique, figuier, hygiène, chien, action, diamant, acacia, entier, faïence, aïeule, balonnette, païen, fille (fy), gentille, famille, feuille, rouille, caille, grenouille, soleil (solèy), œil, éveil, pareil, travail, bail, mouiller (muyé), piller, billet, veiller, billard, bataillon, payer (pèye), broyer (brwaye), grasseyer, foyer, moyen, doyen, loyer, loyauté, flamboyer, pays (pèyi ou pèï), abbaye (abèyi). Les étrangers ne font en général pas assez d'effort organique pour prononcer le yod, et souvent ils le remplacent par un simple i. L'I ET LE YOD 47 LECTURES Reproches de Clytemnestre. Vous ne démentez point une race funeste. Quel champ couvert de morts me condamne au silence? Mais vous, quelles fureurs vous rendent sa victime? L'amateur d'oiseaux. Diphile commence par un oiseau et finit par mille; sa maison n'en est pas égayée, mais empestée. La cour, la salle, l'escalier, le vestibule, les chambres, le cabinet, tout est volière; ce n'est plus un ramage, c'est un vacarme; les vents d'automne et les eaux dans leurs plus grandes crues ne font pas un bruit si perçant et si aigu; on ne s'entend non plus parler les uns les autres que dans ces chambres où il faut attendre, pour faire le compliment d'entrée, que les petits chiens aient aboyé. Ce n'est plus pour Diphile un agréable amusement; c'est une affaire laborieuse, et à laquelle à peine il peut suffire. Il passe les jours, ces jours qui échappent et qui ne reviennent plus, à verser du grain et à nettoyer des ordures. Il donne pension à un homme qui n'a point d'autre ministère que de siffler des serins au flageolet, et de faire couver des canaris. Il est vrai que ce qu'il dépense d'un côté, il l'épargne de l'autre, car ses enfants sont sans maîtres et sans éducation. Il se renferme le soir, fatigué de son propre plaisir, sans pouvoir jouir du moindre repos que ses oiseaux ne reposent, et que ce petit peuple, qu'il n'aime que parce qu'il chante, ne cesse de chanter. Il retrouve ses oiseaux dans son sommeil; lui-même il est oiseau, il est huppé, il gazouille, il perche; il rêve la nuit qu'il mue ou qu'il couve... (LA BRUYÈRE, De la mode.) Les voyelles composées. En dehors de la série des voyelles simples que l'on vient de passer en revue, le français possède trois voyelles que l'on peut appeler composées, parce que, bien qu'elles fassent une impression simple sur l'oreille, elles sont constituées en quelque sorte, au moins au point de vue de leur articulation, par la réunion de deux voyelles de la série des voyelles simples. Ces trois voyelles sont à, œ, ü. L'e OUVERT Pour articuler l'a ouvert on dispose la mâchoire et la langue comme pour e ouvert, mais les lèvres, au lieu de se rapprocher des dents, s'avancent et s'arrondissent comme pour o ouvert. Il est long devant ou v final : cœur, meurt, beurre, pleure, heure, ailleurs, plusieurs, pécheur, sœur, peur, fleur, lenteur, ardeur, hauteur, leurre, effleure, — neuve, peuvent, épreuve, veuve, fleuve, couleuvre, œuvre. Il est bref dans les autres cas: jeune, seul, gueule, tilleul, linceul, aïeul, œil, deuil, feuille, cueille, veuille, orgueil, aveugle, meurtre, heurte, veuf, neuf, œuf, bœuf, peuple. Inaccentué, il est moins tendu : |