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tamment dirigé vers le même but; que, du sein dés factions les plus opposées, un même cri s'est constamment fait entendre la constitution. C'est cette constitution qu'il m'importait de connaître; en ma nouvelle qualité de citoyen français, je voulais étudier, méditer, apprendre par cœur ce pacte social, si laborieusement enfanté, si impatiemment attendu, et sur lequel reposent irrévocablement les destinées de la France.

J'avais hâte de me procurer ce bréviaire du citoyen, et j'entrai à cet effet chez un libraire du Palais-Royal à qui je demandai la constitution. « Laquelle Monsieur veut-il avoir? Comment, laquelle? Est-ce qu'il y a pluNous en avons eu

sieurs constitutions ?

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quatre dans cette année seulement :

La Charte royale,

L'Acte additionnel,

Le Projet de la Chambre des Représentans, Et finalement, la Charte avec des modifications.

Je veux avoir la Constitution française, le recueil des lois fondamentales du royaume; en un mot, la Constitution qui me garantit mes droits de citoyen, et qui me prescrit mes devoirs de sujet.

— Voici la Charte royale.

-

- Toute réflexion faite, je serai bien aise de comparer cette Constitution avec celles qui l'ont précédée; donnez-moi les autres.

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1o Le recueil des cahiers des Trois Ordres en 1789;

2o La Constitution de l'Assemblée Constituante, en 1791;

3o La même, révisée au commencement de 1792;

4° La Constitution Républicaine de 1793;

5o Les Décrets de la Convention, portant création d'un Gouvernement Révolutionnaire légalement constitué;

6o La Constitution de l'an 3, avec un Directoire ;

7° La Constitution de l'an 8, avec des Consuls; 8° La Constitution Impériale;

9o Le Gouvernement despotique institué par des sénatus-consultes ;

10° La petite Constitution du Sénat, en vingtneuf articles, en avril 1814;

11o La Charte royale, en juin 1814;

12° L'Acte additionnel aux Constitutions de l'Empire, en mai 1815;

13o Le Projet de Constitution de la Chambre des Représentans, en juin 1815;

14° La Charte royale avec des modifications, en juillet 1815.

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Muni de ce ballot de constitutions, je courus m'enfermer dans ma retraite pour y réflé→ chir à mon aise sur le sujet le plus important qui puisse être offert à la méditation des hommes.

Avant de connaître sous quel régime je vivais, je voulus savoir sous lequel il m'eût été le plus doux de vivre, et chacune de ces constitutions fut tour-à-tour l'objet de mon examen.

Le luxe typographique qui distinguait au premier coup d'œil celle de l'assemblée constituante, annonçait l'importance qu'on y avait sans doute attachée. Les hommes les plus éclai→ rés de la fin du 18e siècle avaient concouru à la rédaction de ce pacte social, dont chaque article avait été l'objet d'une discussion lumineuse; trois années entières avaient été employées à perfectionner ce travail, qui n'avait cependant pas échappé à cet esprit démagogi

:

que dont l'influence commençait à se faire sentir. La constitution de 1791 renfermait deux vices essentiels la concentration du pouvoir législatif dans une seule chambre, et l'état de nullité où se trouvait réduite l'autorité royale, sans défense contre l'usurpation graduelle d'une assemblée unique et permanente, ou sans force contre les entreprises de l'anarchie, dont la première attaque a suffi pour renverser le trône et détruire la monarchie.

La constitution républicaine de 1793 est une de ces jongleries politiques dont la nation, sans avoir jamais été la dupe, a souvent été la victime. Cette constitution dérisoire, où sont consacrés les principes de la liberté la plus absolue, du républicanisme le plus pur, après avoir servi de préface au décret portant création de l'horrible gouvernement révolutionnaire, fut précieusement enfermée le même jour dans une espèce d'arche dont on n'a jamais songé à la tirer..

Les constitutions de l'an 3 et de l'an 8 n'avaient fait qu'indiquer cette séparation, cette pondération des trois pouvoirs qui maintient leur équilibre et assure leur indépendance. Il était

aisé de s'apercevoir que le conseil des cinqcents et celui des anciens, tous deux amovibles, tous deux émanés de la même source, et composés des mêmes élémens, ne présentaient que deux divisions d'une même chambre, dont l'une ne pouvait conséquemment servir à l'autre de contre-poids. Dans ces constitutions, le pouvoir exécutif manquait de cette unité qui fait sa force, de cette hérédité, qui peut seule perpétuer et régulariser son action.

La constitution impériale, en créant un trône héréditaire et un sénat inamovible, remédiait à ces graves inconvéniens; mais un corps législatif muet, un conseil-d'état transformé en fabrique de lois; des sénatus-consultes qui n'étaient autre chose que l'expression șervile de la volonté du prince, avaient fini par anéantir toutes ces constitutions de l'empire, qui n'étaient plus qu'un vain mot. Pendant dix ans, le despotisme le plus intolérable pesa sur la France; la gloire y tenait lieu de liberté. *

En relisant la Charte royale avec toute l'attention que l'on apporte à la lecture d'un con

Mais la gloire du trône accablait les sujets.

CORNEILLE.

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