Page images
PDF
EPUB

pro

je

J'étais furieux, et le mot de faquin bien noncé fut entendu d'un homme qui sortait avec moi. «C'est bien le nom qui convient à ce docteur freluquet, me dit-il: je venais le chercher pour ma femme, qui s'en est engouée comme tant d'autres folles, tandis que nous avons à notre porte M. Moncel, homme d'un vrai mérite, dont elle ne veut pas entendre parler, parce qu'il soigne gratis les pauvres de notre quartier. » Je n'avais pas de tems à perdre demandai l'adresse de ce médecin, et je me fis conduire à l'extrémité d'une petite rue du faubourg Saint-Germain, dans une maisonnette entre cour et jardin, dont l'aspect me prévint en faveur de celui qui l'habitait. Le cabinet où je fus introduit avait quelque chose de scientifique qui donnait l'idée d'un homme studieux et modeste; on n'y voyait pas, comme chez son confrère Norville, les figures d'Esculape et d'Hygie sculptées ou peintes sur tous les panneaux; trois ou quatre cents volumes, la plupart reliés en parchemin jauní par le tems, et rangés sur des tablettes de noyer; quelques pièces d'anatomie, un herbier, des cadres d'in sectes, et les portraits de Linné, d'Haller et

s'il

de Boerhaave, décoraient seuls ce petit sanctuaire de la science. M. Moncel, au moment où j'entrai, s'occupait d'une démonstration anatomique en présence de deux ou trois élèves qu'il faisait opérer sous ses yeux. J'exposai en peu de mots l'objet de ma visite, et je le priai de me donner une consultation par écrit, n'avait pas le loisir de m'accompagner à l'instant même. « Je vous suis, me dit-il; les consultations sont des billevesées; je ne connais de médecine que la clinique, et je n'ai d'avis qu'au chevet du lit des malades. » Tout en parlant, il prenait sa canne et son chapeau, indiquait à ses élèves ce qu'ils devaient faire pendant son absence, leur donnait rendez-vous pour le lendemain à six heures du matin, à P'Hôtel-Dieu, et montait en voiture avec moi.

Je m'aperçois, à regret, que j'ai donné trop de place à la critique, et qu'il ne m'en reste plus pour l'éloge. Je dirai donc en peu de mots que le docteur Moncel visita ma pauvre Ottaly; qu'il lui donna les soins les plus assidus, et qu'en peu de jours elle recouvra la santé. En retournant dans ma retraite, j'ai cru devoir exprimer au docteur ma reconnaissance en quelques li

gnes; encore n'ai-je eu que la peine de les

transcrire :

[ocr errors]

>>

« Vous ne m'avez point réconcilié avec la médecine; mais vous me forcez de convenir qu'il n'y a rien de plus estimable au monde

qu'un médecin qui, ayant dans sa jeunesse » étudié la nature, connu les ressorts du » corps humain, les maux qui le tourmen» tent, les remèdes qui peuvent le soulager, » exerce son art en s'en défiant, soigne égale» ment les pauvres et les riches, ne reçoit » d'honoraires qu'à regret, et les emploie à >> secourir l'indigent.*>>

[merged small][graphic]

No XIII. 7 novembre 1815.

LE LANGAGE ET LA CONVERSATION.

- Qui aut tempus quid postulet non videt, act plura loquitur, aut se ostentat, aut eorum quibuscum est rationem non habet, is ineptus esse dicitur. CICERO.

Celui-là est un sot et un impertinent qui parle sans égard aux circonstances et aux personnes avec qui il se trouve ; qui s'empare de la conversation, et qui se fait le sujet de son propre discours.

MON ami l'Encyclopédiste est un excellent grammairien (dans la meilleure acception du mot), et l'un des hommes de France qui connaît le mieux ce qu'on peut appeler l'art de la conversation. Un paradoxe qui lui est très-familier et qu'il soutient avec autant d'esprit que de logique, c'est que la langue française est, sans aucune comparaison, la plus belle des

langues modernes; peu s'en faut même qu'il ne lui donne la préférence sur le latin qui manque, à son avis, d'euphonie et de clarté ; la langue française est, selon lui, celle qui se rapproche le plus du grec, c'est-à-dire, de la langue la plus parfaite qu'aient jamais parlée les hommes : je ne m'engagerai pas dans l'examen des raisonnemens et des preuves qu'il apporte à l'appui de son opinion; dans la discussion des moyens dont il se sert pour repousser les objections qu'on ne manque pas de reproduire sur cette quantité d'auxiliaires, d'articles, de prépositions, de pronoms amphibologiques qui embarrassent notre langue et garrottent la pensée, si l'on peut parler ainsi, dans les liens de la phrase, quelquefois si difficile à construire. Une question de cette nature n'est pas de celles que l'on peut traiter sans ennui dans un article de journal; je me contente d'exposer sa proposition: « La langue la plus parfaite est celle qui réunit au plus haut degré la clarté, la douceur, la variété et l'élégance : la langue française est la plus claire; il n'y a qu'un avis sur ce point; elle est incontestablement la plus douce, car aucune autre n'offre un plus heureux mélange de consonnes

« PreviousContinue »