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On tremblera déformais de déshonorer la nation par d'abfurdes accufations de parricides, et nous aurons du moins rendu à la patrie le fervice d'avoir coupé une tête de l'hydre du fanatisme.

J'ai l'honneur d'être avec les fentimens de l'eftime la plus refpectueufe, &c.

RELATION

DE LA MORT

DU CHEVALIER DE LA BARRE.

1766.

DES

EDITEURS

Sur les deux ouvrages fuivans.

Nous nous permettrons quelques réflexions

fur l'horrible événement d'Abbeville, qui, fans les courageuses réclamations de M. de Voltaire et de quelques hommes de lettres, eût couvert d'opprobre la nation française aux yeux de tous ceux des peuples de l'Europe qui ont fecoué le joug des fuperftitions monacales.

Il n'exifle point en France de loi qui prononce la peine de mort contre aucune des actions imputées au chevalier de la Barre.

L'édit de Louis XIV contre les blafphémateurs ne décerne la peine d'avoir la langue coupée qu'après un nombre de récidives qui eft prefque moralement impoffible: il ajoute que quant aux blafphêmes énormes qui, felon la théologie, appartiennent au genre de l'infidélité, les juges pourront punir même de mort.

1o. Cette permiffion de tuer un homme n'en donne pas le droit ; et un juge qui, autorifé par la loi à punir d'une moindre peine, prononce la peine de mort, eft un assassin et un barbare.

2o. C'est un principe de toutes les légíslations qu'un délit doit être conflaté : or il n'est point conftaté au procès qu'aucun des prétendus blafphêmes du chevalier de la Barre appartienne, fuivant la théologie, au genre de l'infidélité. Il fallait une décifion de la forbonne, puifqu'il est question dans l'édit de prononcer fuivant la théologie, comme il faut un procès-verbal de médecins dans les circonftances où il faut prononcer fuivant la médecine.

Quant au bris d'images, en fuppofant que le chevalier de la Barre en fût convaincu, il ne devait pas être puni de mort. Une feule loi prononce cette peine : c'est un édit de pacification donné par le chancelier de l'Hofpital fous Charles IX, et révoqué bientôt après. Enjugeant de l'efprit de cette loi par les circonstances où elle a été faite, par l'esprit qui l'a dictée, par les intentions bien connues du magistrat humain et éclairé qui l'a rédigée, on voit que fon unique but était de prévenir les querelles fanglantes que le zèle imprudent de quelque proteftant aurait pu allumer entre fon parti et celui des partisans de l'Eglife romaine. La durée de cette loi devait-elle s'étendre au-delà des troubles qui pouvaient en excufer la dureté et l'injuftice? C'est à peu-près comme fi on puniffait de mort un homme qui eft forti d'une ville fans

permiffion, parce que cette ville étant affiégée il y a deux cents ans, on a défendu d'en fortir, fous peine de mort, et que la loi n'a point été abrogée.

D'ailleurs la loi porte, et autres actes fcandaleux et féditieux, et non pas scandaleux ou féditieux donc pour qu'un homme soit dans le cas de la loi, il faut que le fcandale qu'il donne foit aggravé par un acte féditieux, qui est un véritable crime. Ce n'eft pas le fcandale que le vertueux l'Hofpital punit par cette loi, c'est un acte féditieux qui était alors une fuite néceffaire de ce scandale. Ainfi, lorfque l'on punit dans un temps de guerre une action très-légitime en elle-même, ce n'est pas cette action qu'on punit, mais la trahison qui dans ce moment eft inféparable de cette action.

Il est donc trop vrai que le chevalier de la Barre a péri fur un échafaud, parce que les juges n'ont pas entendu la différence d'une particule disjonctive à une particule conjonctive.

La maxime de Zoroaflre, dans le doute abftienstoi, doit être la loi de tous les juges; ils doivent, pour condamner, exiger que la loi qui prononce la peine, foit d'une évidence qui ne permette pas le doute; comme ils ne doivent prononcer fur le fait qu'après des preuves claires et concluantes.

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