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faducéens perfifta toujours à croire qu'il n'y avait ni peines ni récompenfes après la mort, et que la

indubitable qu'elles ne fe trouvent en aucun endroit du Pentateuque; et c'eft ce que le grand Arnaud dit nettement, et avec force, dans fon apologic de Port-Royal.

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Les Juifs, en croyant depuis l'immortalité de l'ame, ne furent point éclairés sur fa fpiritualité; ils pensèrent, comme presque toutes les autres nations, que l'ame eft quelque chose de délié, d'aérien, une substance légère, qui retenait quelque apparence du corps qu'elle avait animé ; c'est ce qu'on appelait les ombres, les manes des corps. Cette opinion fut celle de plufieurs pères de l'Eglife. Tertullien, dans fon chap. XXII de l'amé s'exprime ainsi: Definimus animam Dei flatu natam, immortalem, corporalem, effigiatam, fubflantiá fimplicem ; » Nous définiffons l'ame née du fouffle de » DIEU, immortelle, corporelle, figurée, fimple dans fa fubftance.,, Saint Irénée dit, dans fon livre II, chap. XXXIV. Incorporales funt animæ quantum ad comparationem mortalium corporum. » Les ames font incorporelles en comparaifon des corps mortels. » Il ajoute que J ES U S• " CHRIST a enfeigné que les ames confervent les images du corps; " Caracterem corporum in quo adoptantur, &c. On ne voit pas què JESUSCHRIST ait jamais enfeigné cette doctrine, et il eft difficile de deviner le fens de faint Irénée.

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Saint Hilaire eft plus formel et plus pofitif dans fon commentaire fur faint Matthieu : il attribue nettement une substance corporelle à l'ame: Corpoream naturæ fuæ fubftantiam fortiuntur.

Saint Ambroise fur Abraham, liv. II, chap. VIII, prétend qu'il n'y a rien de dégagé de la matière, fi ce n'est la substance de la fainte Trinité.

On pourrait reprocher à ces hommes respectables d'avoir une mauvaise philofophie; mais il eft à croire qu'au fond leur théologie était fort faine, puifque, ne connaissant pas la nature incompréhensible de l'ame, ils l'affuraient immortelle, et la voulaient chrétienne.

Nous favons que l'ame eft fpirituelle, mais nous ne favons point du tout ce que c'est qu'efprit. Nous connaiffons très-imparfaitement la matière, et il nous eft impoffible d'avoir une idée distincte de ce qui n'est pas matière. Très-peu inftruits de ce qui touche nos fens, nous ne pouvons rien connaître par nous-mêmes de ce qui est au-delà des fens. Nous transportons quelques paroles de notre langue ordinaire dans les abymes de la métaphyfique et de la théologie, pour nous donner quelque légere idée des chofes que nous ne pouvons ni concevoir, ni exprimer ; nous cherchons à nous étayer de ces mots, pour foutenir, s'il se peut, notre faible entendement dans ces régions ignorees.

Ainfi nous nous fervons du mot efprit, qui répond à fouffle et went, Politique et Légifl. Tome II.

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faculté de fentir et de penfer périffait avec nous, comme la force active, le pouvoir de marcher et de digérer. Ils niaient l'exiftence des anges. Ils différaient beaucoup plus des autres juifs, que les proteftans ne différent des catholiques; ils n'en demeurèrent pas moins dans la communion de leurs frères on vit même des grands-prêtres de leur fecte.

Les pharifiens croyaient à la fatalité (n) et à la

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pour exprimer quelque chofe qui n'eft pas matière ; et ce mot fouffle vent, efprit, nous ramenant malgré nous à l'idée d'une fubftance deliée et légère, nous en retranchons encore ce que nous pouvons, pour parvenir à concevoir la fpiritualité pure; mais nous ne parvenons jamais à une notion distincte nous ne favons même ce que nous difons quand nous prononçons le mot fubflance; il veut dire, à la lettre, ce qui eft deffous; et par cela même il nous avertit qu'il eft incompréhenfible: car qu'eft-ce en effet que ce qui eft deffous? La connaiffance des fecrets de DIEU n'eft pas le partage de cette vie. Plongés ici dans les ténèbres profondes, nous nous battons les uns contre les autres, et nous frappons au hafard au milieu de cette nuit, fans savoir précisement pourquoi nous combattons.

Si l'on veut bien réfléchir attentivement fur tout cela, il n'y a point d'homme raisonnable qui ne conclue que nous devons avoir de l'indulgence pour les opinions des autres, et en mériter.

Toutes ces remarques ne font point étrangères au fond de la queftion, qui confifte à favoir fi les hommes doivent se tolérer : car fi eles prouvent combien on s'eft trompé de part et d'autre dans tous les temps, elles prouvent auffi que les hommes ont dû dans tous les temps fe traiter avec indulgence.

(n) Le dogme de la fatalité est ancien et universel : vous le trouvez toujours dans Homère. Jupiter voudrait fauver la vie à fon fils Sarpedon; mais le deftin l'a condamné à la mort ; Jupiter ne peut qu'obéir. Le deflin était chez les philofophes ou l'enchaînement néceffaire des caufes et des effets néceffairement produits par la nature, ou ce même enchaînement ordonné par la Providence; ce qui eft bien plus raisonnable. Tout le fyftème de la fatalité eft contenu dans ce vers d'Anneus Senèque : Ducunt volentem fata, nolentem trahunt.

On est toujours convenu que DIEU gouvernait l'univers par des lois éternelles, universelles, immuables : cette vérité fut la fource de toutes ces difputes inintelligibles fur la liberté, parce qu'on n'a jamais défini la

métemplycofe. (0) Les efféniens penfaient que les ames des juftes allaient dans les îles fortunées, (p) et celles des méchans dans une espèce de Tartare. Ils ne fefaient point de facrifices; ils s'affemblaient entre eux dans une fynagogue particulière. En un mot, fi l'on veut examiner de près le judaïfme, on fera étonné de trouver la plus grande tolérance au milieu des horreurs les plus barbares. C'est une

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liberté, jusqu'à ce que le fage Locke soit venu: il a prouvé que la liberté eft le pouvoir d'agir. DIEU donne ce pouvoir; et l'homme agiffant librement felon les ordres éternels de DIEU eft une des roues de la grande machine du mon le. Toute l'antiquité difputa fur la liberté ; mais perfonne ne perfécuta fur ce sujet jusqu'à nos jours. Qu'elle horreur abfurde d'avoir emprisonné, exile pour cette difpute un Arnaud, un Sacy, un Nicole, et tant d'autres qui nt ete la lumière de la France!

(0) Le roman théologique de la inétempsycose vient de l'Inde, dont nous avons reçu beaucoup plus de fables qu'on ne croit communément. Ce dogme cft expliqué dans l'admirable quinzième livre des Métamorphofes d'Ovide. Il a été reçu prefque dans toute la terre ; ila été toujours combattu ; mais nous ne voyons point qu'aucun prêtre de l'antiquité ait jamais fait donner une lettre de cachet à un difciple de Pythagore.

(p) Ni les anciens Juifs, ni les Egyptiens, ni les Grecs leurs contemporains, ne croyaient que l'ame de l'homme allàt dans le ciel après fa mort. Les Juifs penfaient que la lune et le foleil étaient à quelques lieues au-deffus de nous dans le même cercle, et que le firmament était une voute épaiffe et folide, qui foutenait le poids des eaux, lefquelles s'échappaient par quelques ouvertures. Le palais des dieux, chez les anciens Grecs, était fur le mont Olympe. La demeure des héros après la mort était du temps d'Homère, dans une île au-delà de l'Océan, et c'était l'opinion des effeniens.

Depuis Homère, on affigna des planètes aux dieux; mais il n'y avait pas plus de raifon aux hommes de placer un dieu dans la lune, qu'aux habitans de la lune de mettre un dieu dans la planète de la terre. Junon et Iris n'eurent d'autre palais que les nuées; il n'y avait pas là où repofer fon pied. Chez les fabéens chaque dieu eut fon étoile; mais une étoile étant un foleil ; il n'y a pas moyen d'habiter là, à moins d'être de la nature du feu. C'est donc une question fort inutile de demander ce que les anciens penfaient du ciel ; la meilleure réponse eft qu'ils n'y pensaient pas.

contradiction, il eft vrai; prefque tous les peuples fe font gouvernés par des contradictions. Heureuse celle qui amène des mœurs douces, quand on a des lois de fang!

Si l'intolérance a été enfeignée par JESUS-CHRIST.

VOYONS maintenant fi JESUS-CHRIST a établi des lois fanguinaires, s'il a ordonné l'intolérance, s'il fit bâtir les cachots de l'inquifition, s'il inftitua les bourreaux des auto-da-fé.

Il n'y a, fi je ne me trompe, que peu de paffages dans les évangiles, dont l'efprit perfécuteur ait pu inférer que l'intolérance, la contrainte, font légitimes; l'un eft la parabole dans laquelle le royaume des cieux eft comparé à un roi qui invite des convives aux noces de fon fils; ce monarque leur fait dire par fes ferviteurs (q) J'ai tué mes bœufs et mes volailles, tout est prêt, venez aux noces. Les uns, fans fe foucier de l'invitation, vont à leurs maifons de campagne, les autres à leur négoce, d'autres outragent les domeftiques du roi, et les tuent. Le roi fait marcher fes armées contre ces meurtriers, et détruit leur ville: il envoie fur les grands chemins convier au feftin tous ceux qu'on trouve; un d'eux s'étant mis à table fans avoir mis la robe nuptiale, eft chargé de fers, et jeté dans les ténèbres extérieures.

Il eft clair que cette allégorie ne regardant que le royaume des cieux, nul homme affurément ne doit en prendre le droit de garrotter, ou de mettre au

(g) St Matthieu, chap. XXII.

cachot fon voifin qui ferait venu fouper chez lui fans avoir un habit de noces convenable; et je ne connais dans l'hiftoire aucun prince qui ait fait pendre un courtisan pour un pareil fujet : il n'est pas non plus à craindre que, quand l'empereur ayant tué fes volailles enverra des pages à des princes de l'Empire pour les prier à fouper, ces princes tuent ces pages. L'invitation au feftin fignifie la prédication du falut; le meurtre des envoyés du prince figure la perfécution contre ceux qui prêchent la fageffe et la vertu.

L'autre (r) parabole eft celle d'un particulier qui invite fes amis à un grand fouper; et lorfqu'il est près de fe mettre à table, il envoie fon domeftique les avertir. L'un s'excufe fur ce qu'il a acheté une terre, et qu'il va la vifiter; cette excufe ne paraît pas valable, ce n'eft pas pendant la nuit qu'on va voir fa terre. Un autre dit qu'il a acheté cinq paires de bœufs, et qu'il les doit éprouver; il a le même tort que l'autre; on n'effaye pas des bœufs à l'heure du fouper. Un troifième répond qu'il vient de fe marier, et afsurément fon excufe eft très-recevable, Le père de famille, en colère, fait venir à fon festin les aveugles et les boiteux; et en voyant qu'il refte encore des places vides, il dit à fon valet: Allez dans les grands chemins et le long des haies, et contraignez les gens d'entrer.

Il eft vrai qu'il n'eft pas dit expreffément que cette parabole foit une figure du royaume des cieux. On n'a que trop abufé de ces paroles: Contrains-les d'entrer; mais il eft vifible qu'un feul valet ne peut (r) St Luc, chap. XIV.

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