"Mais les ans dans leur cours ne ramèneront pas "Une vertu si rare unie à tant d'appas. 66 Espoir de vos parens, ornement de votre âge, "Vous eûtes la beauté, vous eûtes le courage, "Vous vîtes sans effroi le sanglant tribunal, "Vos fronts n'ont point pâli sous le couteau fatal; 66 Adieu, touchans objets, adieu. Puissent vos ombres "Revenir quelquefois dans ces asiles sombres! "Pour vous le rossignol prendra les plus doux sons; "Zéphir suivra vos pas, Echo dira vos noms. "Adieu: quand le printemps reprendra ses guirlandes, "Nous reviendrons encor vous porter nos offrandes; 66 Aujourd'hui recevez ces dons consolateurs, "Nos hymnes, nos regrets, nos larmes et nos fleurs! FIN DU CHANT TROISIÈME. LE MALHEUR ET LA PITIÉ. CHANT IV. A combien de fléaux le ciel livra le monde! Ici des champs entiers sont submergés sous l'onde; D'un injuste oppresseur les lois usurpatrices Gouvernent par la peur, règnent par les supplices. La France que le monde avec effroi contemple, Où sont-ils les beaux jours qu'ils nous avoient promis? Ses biens de tous les maux renferment la semence, Et les maux de l'exil et de l'oppression Souvent en l'insultant, ses vainqueurs tyranniques "Comment chanterions-nous aux rives étrangères?" Répondoient-ils en pleurs. "O berceau de mes pères ! "O ma chère Sion! si tu n'es pas toujours "Et nos premiers regrets, et nos derniers amours, "Que nous restions sans voix, que nos langues séchées "A nos palais brûlans demeurent attachées ! "Sion, unique objet de joie et de douleurs, 66 66 Jusqu'au dernier soupir, Sion, chère à nos cœurs! Quoi! ne verrons-nous plus les tombes paternelles, "Tes temples, tes banquets, tes fêtes solennelles? "Ne pourrons-nous un jour, unis dans le saint lieu, "Du retour de tes fils remercier ton Dieu ?" Ainsi pleuroit l'Hébreu: mais du moins par ses frères Il n'étoit point banni du séjour de ses pères. Ah! combien du François le sort est plus cruel! Chassé par des François loin du sol paternel, Il fuit sous d'autres cieux: et pour comble de peine, De sa patrie ingrate il emporte la haine. O Ciel! à ce départ, que de pleurs, de regrets! Chacun quitte ses biens, ses travaux, ses projets. L'un, cent fois s'éloignant et revenant encore, Pleure, en fuyant, ses blés qui commençoient d'éclore; L'autre de ses jardins les bosquets enchantés, L'autre, ses jeunes ceps nouvellement plantés, |