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Et vous, vous que mon cœur adore, Faudra-t-il donc vous perdre sans retour? Non: Si d'un jour plus beau cette vie est l'aurore, Nous nous retrouverons dans un autre séjour.

O, mes amis, nous nous verrons encore !
Qu'en nous reconnoissant nous serons attendris!
Du haut des célestes lambris,

Sur ce séjour de douleur et d'alarmes
Nous jetterons un regard de pitié;

Et nos yeux n'auront plus à répandre de larmes,
Que les pleurs de la joie, et ceux de l'amitié.

Cependant, exilés dans ce séjour profane,
Cultivez les arts enchanteurs,

Ils calmeront les maux où le ciel vous condamne,
Ils mêleront quelque charme à vos pleurs.

Mais ne profanez point le feu qui vous anime,
Laissez-là des plaisirs les chants voluptueux

Et leur lyre pusillanime.
Célébrez l'homme magnanime,

Célébrez l'homme vertueux;

Et que vos sons majestueux

Soient sur la terre un prélude sublime Des hymnes chantés dans les cieux!

FIN.

LE MALHEUR

ET

LA PITIÉ.

CHANT I.

TROP long-temps ont grondé les foudres de la guerre, Trop long-temps des plaisirs, corrupteurs de la terre, La Mollesse écouta les sons voluptueux:

Maintenant, des bons cœurs instinct affectueux,

Accours, douce Pitié, sers mon tendre délire,
Viens mouiller de tes pleurs les cordes de ma lyre;
Viens prêter à mes vers tes sons les plus touchans,
C'est pour toi que je chante, inspire donc mes chants!
Puissent-ils, consolant cette terre où nous sommes,
Etre approuvés des Dieux, être bénis des hommes,
Apprivoiser le peuple, intéresser les rois,

Rendre à l'heureux des pleurs, au malheureux ses droits!

Glorieux attribut de l'homme, roi du monde,

La Pitié de ses biens est la source féconde:

La force n'en fit point le roi des animaux,
Non, c'est cette Pitié qui gémit sur les maux.
Vers la terre courbés par un instinct servile,
Ses sujets n'ont du ciel reçu qu'une âme vile;
Conduits par le besoin, et non par l'amitié,

Ils sentent la douleur, et jamais la pitié.

L'homme pleure, et voilà son plus beau privilége;
Au cœur de ses égaux la Pitié le protége.
Nous pleurons, quand, ravie au bonheur, aux amours,
La jeune vierge expire au printemps de ses jours;
Nous pleurons, lorsqu'en proie au ravisseur avide,
Tombe dans le malheur un orphelin timide;
Et lorsqu'aux tribunaux sa modeste pudeur
De son front ingénu fait parler la candeur,

La Pitié, dans notre âme embrassant sa défense,
Du côté de ses pleurs fait pencher la balance.
Un instinct de pitié nous apprend à gémir,

D'un péril étranger nous force de frémir.
Que dis-je? Du malheur la touchante peinture

Exerce son pouvoir sur l'âme la plus dure.

Nous pleurons, quand Poussin de son adroit pinceau

Peint les jours menacés de Moïse au berceau;

Nous pleurons, quand Danloux dans la fosse fatale
Plonge, vivante encor, sa charmante Vestale:

Vers sa tombe avec elle il conduit la Pitié;
On ne voit que ses maux, son crime est oublié.
La Pitié, doux portrait de la bonté divine,
Rappelle les mortels à leur noble origine.
Malheur aux nations qui, violant nos droits,
De la Pitié touchante ont étouffé la voix !
L'autel de la Pitié fut sacré dans Athènes,
L'intérêt, mieux instruit, bénit ses douces chaînes.
Elle inspire les arts, elle adoucit les mœurs,
Et le cœur le plus dur s'amollit à ses pleurs.
C'est peu: du genre humain douce consolatrice,
De la société tu fondas l'édifice!

Oui, ce fut sur la foi de ce doux sentiment,

Plus puissant que les lois, plus fort que le serment,
Que les hommes, fuyant leurs sauvages asiles,
Joignirent leurs foyers dans l'enceinte des villes.
Là vinrent les mortels, dans les forêts épars,
Sous de communes lois, dans les mêmes remparts,
Prêts à se secourir aux premiers cris d'alarmes,
S'aider de leurs talens, de leurs biens, de leurs armes,
Et, rapprochés entre eux par un besoin pareil,
S'assurer l'un à l'autre un paisible sommeil.

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