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pour avoir une entière certitude de sa vocation, répéter les essais, recommencer les épreuves, changer d'exercice, passer d'une lecture à une autre. A la fin, une prédilection s'affirme, un sentier se trace au milieu de ces routes diverses et, grâce à l'intervention d'un ami, à l'aide des conseils et des avis d'un compagnon intelligent, vous savez enfin à peu près ce que vous voulez faire et ce que vous pourrez faire.

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Il ne faut pas, surtout s'aveugler sur soi-même, car il arrive que ce que nous aimons le mieux en nous, ce sont nos défauts. On doit donc réagir, se faire violence, contre-balancer ses mauvaises inclinations et diriger ses dispositions d'intelligence du côté de ses qualités. Il est rare qu'on ait le discer nement et le courage d'être purement et simplement ce que l'on est. 2.16

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Il faut d'abord examiner l'influence du milieu où l'on vit, car c'est souvent le milieu qui précise et développe nos facultés. Si vous habitez un village, il y aura des chances pour que vous soyez apte à peindre les mœurs rustiques et incapables de peindre les mœurs mondaines. Quand on est trop près des choses qu'on voit; quand on a, comme on dit, trop le nez dessus, on finit par ne plus les apercevoir, et on ne songe pas à exprimer ce qu'on sait le mieux. Il faut un effort, un recul, pour s'en rendre compte...

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Si vous causeż bien, si vous possédez l'esprit de conversation, il y a des chances pour que vous

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COMMENT CONNAITRE SES APTITUDES?

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soyez orateur plutôt qu'écrivain, et c'est de ce côté qu'il faut vous tourner.

Il serait trop long d'énumérer les diverses hypothèses à envisager pour arriver au discernement de soi-même. Les remarques et les conseils varient pour chaque personne. Le moyen, d'ailleurs, qui vous fournira le plus de lumière à ce sujet, c'est la lecture.

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L'ART D'ÉCRIRE

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De la lecture.

De la lecture. - Conséquences de la lecture. - L'assimilation par la lecture. La lecture est une création. Comment faut-il lire? Faut-il lire beaucoup de livres? Les auteurs qu'on peut s'assimiler. Études des procédés par la lecture. - Homère, Montaigne, Balzac, Saint-Evremond, Bossuet, RousComment faut-il lire? Les fiches. Comment prendre des notes? Que doit-on écrire sur ses fiches? L'anatomie du style. La fausse analyse littéraire. La vraie analyse littéraire. - Le style, le métier, le talent. Pastiches et comparaisons techniques.

seau.

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<< Nos connaissances sont les germes de nos productions » a dit justement Buffon, dans son immortel Discours sur le style. Le talent ne se crée pas. « Il se transfuse toujours par infusion », ajoute non moins justement Flaubert, qui avait tout lu. Rousseau, avant d'écrire, avait lu et relu Montaigne et Plutarque. Bossuet possédait à fond la Bible et les pères de l'Église. L'immense lecture de Montaigne est proverbiale. Il écrivait et parlait le latin avant d'aborder le français. Chateaubriand avoue

L'ASSIMILATION PAR LA LECTURE

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qu'il relisait sans cesse Bernardin de Saint-Pierre.! Tous les grands écrivains proclament la nécessité de lire, et de bien lire. La lecture est la base de l'art d'écrire. Sans doute on peut trouver des exceptions, des exemples de génie, un G. Sand s'improvisant écrivain. Il faut s'en tenir à la généralité.

Profitable à tous les grands talents, dont elle a formé la personnalité vigoureuse, à plus forte raison la lecture est-elle nécessaire à nous, les derniers venus et les médiocres, nous qui avons tant besoin de fortifier notre inspiration, d'aider notre culture, et d'étendre, d'alimenter, de transformer nos idées. Pour nous tous, le champ de notre imagination est en friche; il peut produire; mais il faut qu'il soit labouré. C'est presque toujours après une lecture que se déclarent les vocations littéraires, parce que c'est par elle que notre esprit s'ouvre aux multiples ressources de l'art d'écrire. Elle nous les montre mises en pratique; elle nous révèle les moyens d'exécution; elle nous fait voir comment on traite une situation difficile, comment on met de l'émotion dans ses phrases, comment on varie ses expressions. Tour à tour passent devant nos yeux des scènes réussies, des descriptions fortes, des dialogues parfaits, les adresses de l'esprit, les procédés du style, les effets identiques obtenus par des arrangements différents, les exemples des styles les plus opposés, les infinies combinaisons d'une science appliquée par des tempéraments dissemblables. Les

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finesses de notre intelligence s'éveillent; notre imagination est entretenue dans un état de verve; l'assimilation s'opère. C'est une longue création, une seconde nature qui nous vient, l'éclosion motivée et féconde de nos qualités natives. On peut affirmer que l'homme qui ne lit pas est incapable de connaître ses forces, et ignorera toujours ce qu'il peut produire.'

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On ne saurait trop le répéter: il faut lire, toujours lire. Méfiez-vous de ceux qui disent : « Je ne veux rien connaître; je ne veux rien lire la nature me suffit ». Ceux-là risquent de ne jamais rien produire de bon et de refaire sans cesse ce qui a été fait; car on avouera au moins que la lecture nous met en garde contre les sujets et les procédés déjà exploités.

Vous voulez savoir si vous aurez du talent? Lisez. Les livres vous l'apprendront.

Vous écrivez, mais vous voilà arrêté? Lisez. Les livres vous redonneront l'inspiration.

Lisez quand vous voudrez écrire; lisez quand vous saurez écrire; lisez quand vous ne pourrez plus écrire. Le talent n'est qu'une assimilation. Il faut lire ce que les autres ont écrit, afin d'écrire soimême pour être lu.

La lecture dissipe la sécheresse, active les facultés, déchrysalide l'intelligence et met en liberté l'imagination.

Je sais des littérateurs de mérite qui ne se mettent jamais au travail sans avoir lu quelques pages d'un

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