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Et déja les Céfars dans l'Elyfée errans.

REMARQUES.

me citez dans votre Lettre. Mais je ne crois pas que l'on puiffe dire de même, fur les rives de Nil, non plus que, De Danube & de Rhin peindre les bords fameux. A Lyon où il y a deux Rivieres, dont l'une a un nont mafculin, & l'autre un nom féminin, on obferve toujours cette différence en parlant: car quoique l'on dife indifféremment, les rivages de Sone, & les rivages ¡de la Sóne; néanmoins on dit toujours, les rivages du Rhône, & l'on ne dit jamais les rivages de Rhône. Nous avons encore, ajoutois-je, un autre exemple de cette diftinétion dans l'Eglogue de l'Abbé Ménage, intitulée CHRISTINE.

Aux rivages fleuris & de Seine & de Marne:

Aux rivages fameux & du Tibre & de l'Arne.

Je confirmai tout cela par ce Vers de M. DESPRÉAUX, Ep. IV.

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Quel plaifir de te fuivre aux rives du Scamandre!

Et vous vous fouviendrez, difois-je enfin, que quand ,, je lûs cet endroit avec vous, dans la derniere Edition de vos Ouvrages, faite in-12. en 1701. où il y a de Scamandre, vous me dites que c'étoit une faute ,, d'impreffion, & qu'il falloit lire, du Scamandre, comme il y a dans toutes les autres Editions, particuliérement dans l'in-4. de la même année".

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M. de La Monnoye, dont la critique eft fi judicieufe & fi fùre, croit que de Styx & d'Acheron, eft mieux que du Styx & de l'Acheron. Ces Fleuves fabuleux, dit-il, font regardés comme des Dieux, & on les perfonifie toujours. Styx, qui eft femelle en Grec & en Latin, étoit Fille de l'Océan, ou de l'Erebe & de la Nuit, & a eu plufieurs enfans. Acheron, Fils de Cérès ou de la Terre, a eu un Fils nommé Afcalaphe. Sur ce pié-là, Styx & Achéron peuvent fort bien le paffer de l'Article. On en peut dire autant de Pénée, de Aléandre, de Xanthe ou Scamandre; Rives de Scamandre, ayant même quelque chose de plus Poëtique, & de

De Figures fans nombre égayez votre ouvrage.

Que tout y faffe aux yeux une riante image.
On peut être à la fois & pompeux & plaifant,

REMARQUES.

plus noble que du Scamandre. Pour Acheloüs que nos Poëtes anciens & modernes nomment Achelois, il n'y en a pas un qui ait dit l'Achelois. L'oreille d'ailleurs, comme M. Despréaux l'a très-judicieufement remarqué, eft d'une grande autorité en ces matieres; & qui l'a bonne, peut & doit la confulter. BROSS.

On fent dans ce que M. Broffette rapporte ici de M. de La Monnoye, que cet excellent Critique a cherché comment on pourroit juftifier De Styx & d'Acheron & qu'au fond, il ne l'approuvoit pas. Pour M. Def préaux, fi quelqu'un l'avoit preffé de dire la raison pourquoi de Styx & d'Acheron eft plus foutenu que du Styx, de l'Acheron; & pourquoi Sur les bords fameux de Seine & de Loire feroit bien plus noble dans un Vers, Sur les bords fameux de la Seine & de la Loire; il eût fur ma parole, été fort embarraffé. Quant à ce qu'il dit, dans fa Lettre à M. Broffette, que ces agrémens font des Myfteres qu'Apollon n'enfeigne qu'à ceux qui 29 font véritablement initiés dans fon Art": ce n'eft qu'une pure défaite. DE ST. MARC.

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que

VERS 287. De Figures fans nombre égayez votre Ouvrage.] Voilà la quatrieme fois, dans un espace qui n'eft pas, abfolument parlant, bien confidérable, que le Verbe égayer fe trouve employé. Notre Auteur a déja dit, Vers 174. 200. & 216.

Le Poëte s'égaye en mille inventions.

D'ornemens égayés ne font point fufceptibles.

N'euffent de fon sujet égayé la tristesse.

On n'aime point à trouver ces marques de ftérilité dans un Auteur du premier ordre. DE ST. MARC.

VERS 288. & 289. Que tout y falle aux yeux une riante image. On peut être a la fois & pompeux & plaifant.] Ces deux Vers font dire à Des Marets, p. 96. Voici ,, encore de beaux préceptes pour le Poëte Héroïque,

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290 Et je hais un fublime ennuyeux & pefant.

295

J'aime mieux Ariofte, & fes fables comiques,
Que ces Auteurs toujours froids & mélancoliques,
Qui dans leur fombre humeur fe croiroient faire
affront,

Si les Graces jamais leur déridoient le front.

On diroit que pour plaire, instruit par la Nature, Homere ait à Vénus dérobé fa ceinture.

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REMARQUES.

Son

Nos an

afin qu'il faffe rire". Ce n'eft affutément que le ter
me de plaifant du fecond Vers, qui peut avoir choqué
Des Marets. Ce mot par un ufage, qui fubfiftoit déja
dans le tems que notre Auteur écrivoit, ne veut dire
dans fa fignification propre, que qui fait rire.
ciens Ecrivains employoient toujours Plaifant, comme
Participe, ou comme Adjectif verbal, venant du Verbe
Plaire; & ce mot chez eux fignifioit par-tout, agréable,
qui plait. C'eft dans cette fignification furannée, que
M. Defpréaux s'en fert en cet endroit auffi bien, que
dans le Vers 76. du premier Chant, & dans le 89.
du quatrieme.

Pajer du grave au doux, du plaisant au févere.
Par-tout joigne au plaifant le folide & l'utile.

DE ST. MARC.

VERS 291. J'aime mieux Ariofte.] Poëte Italien, Auteur du Poëme de Roland le furieux, qui eft rempli de fictions ingénieufes, mais éloignées de toute vraifemblance, comme l'Hippogriffe ou le Cheval allé de Roger; l'Anneau merveilleux d'Angélique, qui la rend invisible; des Géans, des Monftres, des enchantemens, & mille autres événemens prodigieux.

VERS 296. Homere ait à Vénus dérobé fa ceinture.] ILLIADE, Liv. XIV. DESP.

Homere y feint que Junon, craignant que Jupiter ne favorife les Troyens, fait deffein de l'en empêcher. Pour

y

Son livre eft d'agrémens un fertile tréfor.
Tout ce qu'il a touché fe convertit en or.

REMARQUES.

y réuffir elle fe pare extraordinairement, & prie Venus de lui prêter fon Cefte, c'est-à-dire, felon la Traduction de Madame Dacier, cette merveilleufe Ceinture, où fe trouvoient tous les charmes les plus féducteurs, les attraits, T'amour, les defirs, les amufemens, les entretiens fecrets; les innocentes tromperies, & le charmant badinage, qui infenfiblement furprend l'efprit & le cœur des plus fenfes. Cette Fiction eft une des plus belles d'Homere; & l'application heureufe qui lui en eft faite ici, eft une des plus fines louanges, qu'on puiffe jamais lui donner. BROSS. Des Marets, p. 96. & Pradon, p. 95. critiquent avec raifon la phrafe que le Vers, dont il s'agit ici, forme avec le précédent. Il fuffira de rapporter les paroles de Des Marets, en fupprimant les injures, qui n'apprennent rien.

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1

On diroit que pour plaire, instruit par là Nature:
Homere ait à Vénus dérobé fa ceinture.

Cette inverfion eft infupportable. Il falloit mettre Homere avant que de dire, inftruit par la nature... Il pouvoit mettre :

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Il nous femble qu'Homere, inftruit par la Nature,
Pour plaire, ait à Vénus dérobé fa ceinture.

Auffi bien pour dire ait, il vaut mieux dire, Il nous femble, que de mettre, on diroit: car pour bien par,, ler, on ne dit pas, on diroit qu'il ait dérobé, mais qu'il a dérobé, ou qu'il ait dérobe". La fin de cette Critique eft très-jufte, & je m'étonne que M. Despréaux n'en ait pas profité. DE ST. MARC.

IMIT. Vers 298. Tout ce qu'il a touché fe convertit en or.] OVIDE fait dire par Midas, dans le XI. Livre des Métamorphofes, Vers 102. (Dans l'Edition de Genève 1717, dans celle d'Amfterdam in- folio 1729. & dans celles qui les ont fuivies, on a cité mal à propos, vre dixieme, Vers 104.)

Li

Tout reçoit dans fes mains une nouvelle grace. 300 Par-tout il divertit, & jamais il ne lasse.

REMARQUES.

quidquid

Corpore contigero, fulvum vertatur in aurum.

La

Je me fuis arrogé le droit de placer dans ces Remar ques certaines chofes, felon la commodité du terrain, & je n'en fais point d'excufe. Notre Auteur depuis le Vers 295. jufqu'au Vers 308. fait l'éloge d'Homère, & fait voir qu'il le préfere à Virgile, dont il a pourtant célébré le mérite, de la maniere que l'on a vu. Frefnaie-Vauquelin fait tout le contraire. Il loüe Homere, & donne hautement la préférence à Virgile. Mais avant de rapporter ce qu'il en dit, je vais mettre ici ce que Quintilien a pensé de ces deux Poëtes. Voici ce qu'il dit, Livre X. Chap. I. p. 628. C'eft l'Edition de M. Capperonnier, que je cite. Il s'agit des Auteurs que l'Orateur doit lire pour fe former à l'Eloquence. Ut Aratus ab Jove incipiendum putat, ita nos rite cœpturi ab Homero videmur. Hic enim quemadmodum cx oceano dicit ipfe amnium vim fontiumque curfus initium capere) omnibus eloquentia partibus exemplum & ortum dedit. Hunc nemo in magnis fublimitate, in parvis proprietate fuperaverit. Idem latus ac preffus, jucundus & gravis, tum brevitate mirabilis : nec poëtica modo, fed oratoria virtute eminentiffimus..... Quid? in verbis, fententiis, figuris, difpofitione totius operis, nonne humani ingenii modum excedit? Ut magni fit viri, virtutes ejus non æmulatione Cquod fieri non poteft) fed imellectu fequi. Verum hic omnes fine dubio, & in omni genere eloquentia procul à se reliquit ; Heroicos tamen præcipue, videlicet quia clariffima in materia fimili comparatio eft. C'est-à-dire, suivant la Traduction de M. l'Abbé Gédoyn, avec quelques legers changemens. Comme Aratus dans fes Phenomenes a cru devoir tourner fes premieres pensées vers Jupi"ter, je crois aufli que nous ne fçaurions mieux faire ici, que de commencer par Homere. Car comme il 25 dit lui-même, que la rapidité des Fleuves, & le cours des fontaines tirent leur origine de l'Océan nous pouvons dire auffi, que ce grand Poëte a été le pere & le modele de toutes les fortes d'éloquen

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