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Mais fi-tôt qu'aux Humains faciles à féduire, L'Abondance eut donné le loifir de se nuire, 125 La Molleffe amena la fauffe Vanité.

Chacun chercha, pour plaire, un vifage emprunté. Pour ébloüir les yeux, la Fortune arrogante Affecta d'étaler une pompe infolente. L'or éclata par-tout fur les riches habits. 130 On polit l'Emeraude, on tailla le Rubis,

Et la laine & la foye en cent façons nouvelles
Apprirent à quitter leurs couleurs naturelles.
La trop courte Beauté monta fur des patins.
La Coquette tendit fes laqs tous les matins,
135 Et mettant la cérufe & le plâtre en ufage,

Compofa de fa main les fleurs de fon vifage.
L'ardeur de s'enrichir chaffa la bonne foi.

Le Courtifan n'eut plus de fentimens à foi.
Tout ne fut plus que fard, qu'erreur, que tromperie.

140 On vit par-tout régner la basse flatterie.

Le Parnaffe fur-tout fécond en Impofteurs,
Diffama le papier par fes propos menteurs.

REMARQUES.'

IMIT. Vers 131. Et la laine & la foye, &c.] M. Brosfette donne ce Vers & le fuivant pour être une Imitation de ce que Virgile dit dans fon Eglogue IV. Vers 42.

Nec varios difcet mentiri lana colores.

En ce cas-là ce feroit une Imitation fort imparfaite. Le Vers de Virgile eft fort fupérieur aux deux qui font içi. DE ST. MARC.

De là vint cet amas d'ouvrages mercénaires, Stances, Odes, Sonnets, Epîtres liminaires, 145 Où toujours le Héros paffe pour fans pareil, Et, fùt-il louche & borgne, eft réputé Soleil.

REMARQUES.

VERS 146. Et, filt-il louche & borgne, eft réputé Soleil.] M. Servien, Sur-Intendant des Finances, n'avoit qu'un eil; & on ne laiffoit pas de le traiter de Soleil dans les Epitres dédicatoires, & les autres éloges qu'on lui adreffoit. Le trait de Satire, lancé dans ce Vers, tombe en particulier fur cet endroit de l'Eglogue, intitulée Christine, que l'Abbé Ménage fit pour la Reine de Suede en 1656. Vers 171.

Le grand, l'illuftre Abel, cet Efprit fans pareil,
Plus clair, plus pénétrant que les traits du Soleil.
BROSSETTE.

ABEL SERVIEN, Chevalier, Marquis de Sablé & de Château-neuf, Comte de la Roche-des-Aubiers, Baron de Meudon, Grand-Sénéchal d'Anjou, Confeiller du Roi en fes Confeils d'Etat & privé, Miniftre & Secrétaire d'Etat, Sur-Intendant des Finances, Chancelier des Ordres du Roi & l'un des quarante de l'Académie Françoife, étoit d'une ancienne Famille Noble de Dauphiné, & naquit à Grenoble en 1593. Il fut en 1616. Procureur-Général au Parlement de Dauphiné, deux ans après fait Confeiller d'Etat; & en 1630. nommé Premier-Préfident du Parlement de Bourdeaux, où il n'alla point, parce que peu de tems après il fut fait Secrétaire d'E tat. Au retour d'une Ambaffade extraordinaire en Italie, après avoir conclu le traité de Querafque, il don na la démiffion de fa Charge de Secrétaire d'Etat & fe retira de la Cour, parce qu'il n'étoit pas agréable au Cardinal de Richelieu. La Reine Anne le fit revenir d'Anjou en 1643. & l'envoya Plénipotentiaire à Munster avec le Duc de Longueville & le Comte d'Avaux. Pendant la Guerre civile de la France, il fut encore obligé de quitter la Cour. Il y revint enfuite & ne la quitta

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Ne crois pas toutefois, fur ce difcours bizarre, Que d'un frivole encens malignement avare, J'en veuille fans raison fruftrer tout l'Univers. 150 La loüange agréable eft l'ame des beaux Vers. Mais je tiens, comme toi, qu'il faut qu'elle foit vraye, Et que fon tour adroit n'ait rien qui nous effraye. Alors, comme j'ai dit, tu la fçais écouter,

Et fans crainte à tes yeux on pourroit t'exalter. 155 Mais fans t'aller chercher des vertus dans les nues, Il faudroit peindre en toi des vérités connues: Décrire ton efprit ami de la raison,

Ton ardeur pour ton Roi puifée en ta maison,
A fervir fes deffeins ta vigilance heureuse;

160 Ta probité fincere, utile, officieuse.

Tel, qui hait à fe voir peint en de faux portraits,
Sans chagrin voit tracer fes véritables traits.
Condé même, Condé, ce Héros formidable,
Et non moins qu'aux Flamans aux Flatteurs redou
table,

165 Ne s'offenferoit pas, fi quelque adroit Pinceau
Traçoit de fes Exploits le fidele Tableau:

REMARQUES.

plus. Ses talens & fes fervices lui valurent les diffé rentes Charges dont il fut honoré. Il mourut à Meu aon le 17. de Février 1659. dans fa 66. année. De ST. MARC.

VERS 163. Condé même, &c.] Louis de Bourbons Prince de Condé, mort en 1686. DESP.

Et dans Senef en feu contemplant fa peinture,
Ne defavoûroit pas Malherbe ni Voiture.
Mais malheur au Poëte infipide, odieux,
to Qui viendroit le glacer d'un éloge ennuyeux.
Il auroit beau crier: Premier Prince du monde,
Courage fans pareil, lumiere fans feconde;

REMARQUES.

VERS 167. Et dans Senef en feu, &c.] Fameux com bat de Monfeigneur le Prince. DESP.

Les Troupes réunies des Allemands, des Efpagnols & des Hollandois, commandées par le Prince d'Orange, furent défaites à la Bataille de Senef en Flandres, le II. d'Août 1674. par M. le Prince de Condé. C'eft la plus éclatante & la plus finguliere des actions de ce grand Général.

VERS 171.

Premier Prince du Monde, &c.] Commencement du Poëme de Charlemagne. DESP.

Ce Poëme commençoit ainfi dans la premiere Edition, qui parut en 1664%

Premier Prince du Sang du plus grand Roi du monde,
Courage fans pareil, lumiere fans feconde ;

Et dont l'esprit égal en diverse faifon

Sçait triompher de tous, & cede à la raison, &c.

Dans la feconde Edit. en 1666. le fecond Vers fut mis ainfi:

Prince d'une valeur en victoires féconde.

Ce Poëme eft de Louis Le Laboureur, Tréforier de France & Bailli du Duché de Montmorenci, aujourd'hui Enguien près Paris. Son pere & fon grand - pere en avoient été Baillis avant lui. Outre fon Poëme de Charlemagne on a de lui trois Poëmes fur les Conquêtes de M. le Prince, alors Duc d'Enguien, lefquels furent im primés en 1647. La Promenade de Saint-Germain à Mademoiselle de Scudéry; Ouvrage mêlé de Profe & de Vers; & les Avantages de la Langue Françoife fur la Latine,

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Ses Vers jettés d'abord, fans tourner le feuillet, Iroient dans l'antichambre amufer Pacolet.

REMARQUES.

qui parurent la même année. C'eft ce qu'il a fait de mieux. Il mourut le 21. de Juin 1679. Il étoit Neveu de Dom Claude Le Laboureur, ancien Prévôt de l'Ile-Bar be fur la Saône près Lyon, & frere de Jean Le Labou reur, Aumônier du Roi & Prieur de Juvigné, mort au mois de Juin 1675. dans fa cinquante-troifieme année. Ces deux Auteurs font célèbres par les grands fervices qu'ils ont rendus à notre Hiftoire.

Nous avons un autre Poëme de Charlemagne fur un plan fort différent de celui de M. Le Laboureur. Il fe trouve dans un volume in-12. imprimé à Paris chez Sercy en 1667. fous ce titre: Poëfies Chrétiennes. CHAR LEMAGNE PÉNITENT. Les IV. Fins de l'Homme, où il eft traité de la Mort, du Jugement dernier, du Paradis, & de l'Enfer. Avec la Chute du premier Homme, par M. Courtin. Ce Livre eft dédié à David Pénitent. Dans l'Approbation l'Auteur eft qualifié: Ancien Profeffeur en Humanités de l'Univerfité de Paris; & non Profeffeur en Rhétorique, comme l'a dit M. Brofferte. DE ST. MARC VERS dernier. amufer Pacolet.] Fameux Valet

de pied de Monfeigneur le Prince. DESP.

Quand M. Le Laboureur eut préfenté fon Poëme de Charlemagne, M. le Prince en lut quelque chofe, après quoi il donna le Livre à Pacolet, à qui il renvoyoit ora dinairement tous les Ouvrages qui l'ennuyoient.

* PRE

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