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tonie d'un tableau en détruirait l'effet, et les métaux les plus précieux ont besoin d'alliage pour être rendus ductiles et malléables.

Je n'ignore pas que les moindres faits relatifs à des personnages généralement connus intéressent beaucoup plus, parce qu'on espère y trouver quelque motif de critique, ou quelque nouveau sujet d'admiration, tandis que ceux qui ne concernent que des individus presqu'ignorés hors du cercle de leur société, captivent rarement l'attention, à moins que les détails n'en soient bien saillants par eux-mêmes. Il ne m'appartient pas de décider si, dans le choix que j'ai fait, j'aurai rempli le désir du lecteur; mais j'avouerai franchement que, ne consultant que l'impulsion de mon cœur, il a pu m'arriver quelquefois de moins songer à contenter une curiosité peut-être trop délicate, qu'à m'abandonner moi-même à des sentiments auxquels j'attache le plus

doux intérêt. Je conviendrai même qu'à cet égard il me serait plus pénible d'effacer que de me livrer à toute la sévérité d'une critique que je ne rougirai pas d'avoir méritée.

Je ne passerai pas si facilement condamnation sur le crime de plagiat, ou de compilation, dont il semblerait naturel de m'accuser, en retrouvant ici des traits particuliers, vers, ou chansons de circonstance, déjà insérés dans des recueils, peut-être trop volumineux pour être bien communs. Je pourrais dire que des faits publics sont une propriété générale, à laquelle chacun a un droit égal. Je pourrais même ajouter comme le bavard à qui l'on reprochait de répéter ce que l'antiquité avait dit avant lui,

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Que ne venait-elle après moi;

J'aurais dit la chose avant elle :'

Et ma réponse serait d'autant moins dé

placée, que je peux affirmer que, connais

sant ces faits long-temps avant la publicité de ces receuils, je ne les ai point puisés dans cette source. Cependant averti par la censure de l'amitié de ce tort involontaire, je suis si éloigné de le dissimuler que, nonseulement j'ai renfermé entre deux astériques les anecdotes susceptibles de ce reproche, et que j'ai en effet retrouvées dans les mémoires secrets de la république des lettres, mais que pour les rendre plus agréables, je n'ai pas hésité à substituer presqu'entiérement, dans plusieurs, le style de l'auteur au mien. Au surplus ces prétendus plagiats se trouvent heureusement en si petit nombre, que je n'aurais pas balancé à les retrancher, si je ne me fusse fait un scrupule de trop écouter une fausse délicatesse, et de me rendre plus coupable encore, en privant le lecteur de quelques traits intéressants et

peu connus.

En envoyant ainsi dans l'arène l'enfant de mes loisirs, sous la simple égide de mes

intentions je me résignerai, sans présomption et sans crainte, au sort qui l'y attend. Son succès ne pourrait rien ajouter au bonheur de ma retraite; son infortune n'en troublera pas le repos; et je respecterai l'arrêt qui l'aura prononcée :

Sine me, liber, ibis in urbem.

PARIS,

PARIS,

VERSAILLES ET LES PROVINCES,

AU 18. SIÈCLE.

LE

Le comte d'Anterroche, sur lequel madame de Genlis, dans les charmants souvenirs de Félicie, a cité quelques anecdotes plaisantes, avait été dans sa jeunesse héros et victime de cette exagération de bravoure et de politesse française qui tenait encore aux mœurs de l'ancienne Cour.

grena

Commandant d'une compagnie de diers au régiment des Gardes-françaises, il fut chargé, à la bataille de Fontenoi, de s'emparer avec sa troupe d'une esplanade qui paraissait être un poste important. Il gravit avec impétuosité un rideau couvert de bois, et arrive à la plaine au moment où les Anglais s'y présentaient de l'autre côté en ordre de bataille. Le comte d'Anterroche levant son chapeau, leur crie aussitôt : « Messieurs, tirez les premiers, nous » sommes Français, nous faisons les honTome I.

I

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