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Si la courte durée du ministère de M. d'Or messon ne me permet pas de détails sur ses opérations en finance, j'aurai du moins la satisfaction de rendre hommage aux vertus de l'homme respectable qui ne céda qu'aux bontés de son souverain, en acceptant malgré lui une place qui était l'objet de l'ambition générale.

Héritier des grandes qualités qui avaient distingué ses ancêtres, élève et neveu du digne magistrat que le vœu public désirait si ardemment à la tête du parlement de Paris, lorsque son rang et la justice du Roi l'y appelèrent, il parvint fort jeune à la dignité de conseiller d'état. Louis XVI, qui depuis long-temps remarquait son assiduité au travail, qui connaissait également sa capacité et sa modestie, et qui était persuadé que l'incorruptible probité était le premier titre à sa confiance, lui offrit le ministère des finances. M. d'Ormesson crut ne pouvoir répondre à une faveur aussi inattendue, qu'en s'y refusant, sous prétexte de sa jeunesse, qui ne lui permettait pas d'avoir acquis les talents et l'expérience

nécessaires pour une place aussi importante. « Je n'ignore pas, lui dit le Monarque que l'un de vos aïeux refusa cette même

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place, et que Charles IX, qui la lui avait » offerte, dit hautement: il faut que mes finances soient en bien mauvais état.

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puisque les plus honnêtes gens de mon » royaume ne veulent pas s'en charger. C'est » à ce même titre que je vous choisis, et

j'espère que votre refus n'a pas le même » motif. Vous êtes jeune, mais je le suis plus que vous, et j'ai un bien plus grand » fardeau à soutenir nous nous aiderons l'un et l'autre. »

Il n'était plus possible de résister à des ordres aussi pressants et donnés avec tant d'intérêt. M. d'Ormesson, contrôleur général des finances, s'acquitta, dès les premiers momens de cet emploi, avec le zèle et la scrupuleuse honnêteté qu'il mettait à tous ses devoirs.

Cependant M. Necker, que l'excès de son orgueil avait fait précédemment disgracier honteusement, méditait depuis long-temps le projet de rentrer au ministère. Aucune intrigue ne lui coûtait pour atteindre ce but. La caisse d'escompte était, pour ainsi dire,

son ouvrage. Elle avait été du moins l'objet de sa prédilection et de ses soins. C'est à lui qu'elle devait cette confiance absolue qui engageait généralement les particuliers à y déposer leur numéraire en échange de billets au porteur aussi sûrs que l'argent, et d'un plus facile transport. Il pensa qu'en jetant cet établissement dans quelque embarras imprévu, les moyens même qu'on emploirait pour l'en tirer, et surtout ceux d'autorité dont on ne manquerait pas d'user, ne serviraient qu'à l'y plonger davantage : d'où il concluait qu'on serait obligé de le rappeler au ministère, pour rendre à ces effets publics un crédit qu'il était de l'intérêt du gouvernement de leur conserver. C'est dans ces vues que, sans se faire connaître, il accapara peu à peu, et par différentes voies six à sept cent mille francs de billets; nouvelle opération de banque, (pour me servir de l'expression de ses sectateurs) par laquelle il se privait momentanément de l'intérêt d'une somme considérable, mais dans l'espoir d'en retirer un profit aussi avantageux à son ambition qu'à sa cupidité. Peu après il s'assura d'agents fidèles et discrets, auxquels il confia ses billets, avec ordre de se rendre

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successivement à la caisse le même matin: pour en exiger le payement en numéraire, Il n'était pas possible de compter dans la même matinée une somme aussi forte, qui se présentait d'ailleurs en détail; et bientôt, soit par le concours habituel du change des particuliers, soit par l'affluence précipitée des émissaires de M. Necker, il se forma dans les bureaux, et jusque dans les cours, un engorgement tel qu'on fut obligé de fermer les portes et d'y mettre des gardes. De ce moment l'alarme se répandit dans Paris; chacun craignit une suspension : on courut au payement, et la foule augmenta de manière à obstruer entièrement la rue Vivienne. Les administrateurs firent part aussitôt au contrôleur général de l'embarras où les mettait l'inquiétude publique, quoique dénuée de tout fondement; et le Ministre, ainsi que l'avait prévu M. Necker, crut parer à tout inconvénient par un arrêt du conseil, qui rassurant les particuliers sur la solidité des fonds de la caisse, autorisait les administrateurs à ne payer par jour que la somme de . jusqu'à parfait acquittement des engagements. Une mesure aussi sage, nécessitée d'ailleurs par la circonstance,

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devait calmer les esprits. Il n'en fut pas ainsi. L'intervention du gouvernement sur un établissement entièrement soumis à la confiance publique, augmenta le tumulte. Les partisans de M. Necker ne manquèrent pas d'en aggraver le danger auprès du Roi, et lui persuadèrent qu'il ne pouvait en prévenir les suites, qu'en sacrifiant son contrôleur général. Le Roi céda en effet aux conjonctures; mais il se garda bien de rappeler M. Necker, qui ne tira de sa basse intrigue que la honte de l'avoir tentée. M. d'Ormesson se démit sans peine d'une place qu'il n'avait point ambitionnée, et resta l'ami de son souverain, qui lui conserva son estime et la direction de SaintCyr, par laquelle il se trouvait dans le cas de travailler directement avec Sa Majesté, sur des détails de confiance intime.

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LE Comte de Merle, homme très-ordinaire en société, devait être plus que médiocre dans l'art diplomatique ; cependant il fut nommé ambassadeur en Portugal, et on lui adjoignit, en qualité de secrétaire de légation, l'abbé Nardy, homme d'esprit, avec

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