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cependant pas sans quelque pillage. On dut remarquer avec étonnement que M. de Loménie, instruit de l'outrage fait au représentant de son Roi, n'eut pas même l'idée d'en demander la plus légère satisfaction.

M. de Vérac passa de là à l'ambassade de Suisse, où dans les circonstances les plus difficiles, il se conduisit avec toute la sagesse, le zèle et la fidélité qu'on devait attendre d'un homme qui connaissait la mesure de ses devoirs, et savait les remplir avec dignité.

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A peu près à cette époque, je veux dire à celle de la disgrâce de M. de Calonne M. de la Houss.... officier général, revenant de ses terres avec sa famille, s'arrêta dans une auberge où il était fort connu, et où il avait donné ordre de lui adresser ses lettres. En les parcourant, il s'écria : < Voici de grands changements; M. l'arche» vêque de Toulouse est nommé ministre. » Ah! Monsieur, répondit tout de suite l'aubergiste, que je plains la France si >> la nouvelle est vraie! - Pourquoi donc? C'est que je ne doute pas que bientôt royaume : il s'arrête

D

» il ne bouleverse tout le

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toujours chez moi lorsqu'il va à Paris » ou qu'il en revient, et ne manque pas de » mettre chaque fois tout sens dessus dessous. » Le lit qui est là, il le fait placer dans une autre chambre; les commodes, les

»

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glaces qui sont entre les croisées, il les >> fait mettre en face de la cheminée. Si je >> voulais écouter ses conseils, je ferais dé» molir ma maison pour la rebâtir de l'autre » côté, etc.; et je pense qu'il ne manquera » pas de faire en grand ce dont il a pris » l'habitude dans les petites choses. »

La prédiction du bon aubergiste s'est malheureusement trop vérifiée.

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On n'ignore pas combien les innovations que M. de Loménie, alors archevêque de Toulouse, puis archevêque de Sens et cardinal, tenta, de concert avec M. de Lamoignon, garde des sceaux, mécontentèrent toute la France. (*) A cette époque, le Roi, qui n'accédait qu'avec peine aux mesures violentes qu'on lui suggérait, voulant connaître par lui-même l'opinion publique à cet égard, chargea le nommé Blaizot,

libraire, établi sur le grand escalier de Versailles, de lui faire passer toutes les brochures et pamphlets relatifs aux évènements du jour. Il lui ordonna de les déposer secrètement dans une cassette dont il avait seul la clef, et qui était placée dans une des pièces. de son appartement. Cet ordre fut exécuté ponctuellement pendant plusieurs jours; mais le baron de Breteuil, dont le caractère jaloux ne pouvait souffrir que le Roi eût la plus légère confiance en tout autre qu'en lui, parvint à être informé de ce petit mystère, et fit transférer à la Bastille l'agent de Sa Majesté, sous prétexte qu'il faisait un commerce de livres prohibés. Le Roi ayant trouvé sa cassette vide pendant quelques jours, ne voyant point d'ailleurs paraître Blaizot, envoya chez lui, et fut très-surpris d'apprendre qu'il était détenu par son ordre à la Bastille. Indigné de cet abus de son autorité, il manda aussitôt le baron de Breteuil, qu'il traita avec la plus grande sévérité, le chargeant de rendre tout de suite la liberté à ce malheureux libraire, de lui donner à ses frais un dédommagement proportionné au tort qu'il lui avait fait, et ce ne fut qu'à la considération de la Reine, qui intervint

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en faveur du Ministre, qu'il voulût bien borner là sa punition. (*)

de temps

M. Joli de Fleury, qui a eu peu la place de contrôleur général des finances dans l'intervalle des différens ministres dont on vient de parler, ne s'y est fait remarquer que par quelques édits bursaux, et par la manière plaisante dont ils ont été chansonnés en style poissard.

1

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Pour l'intelligence des couplets qui suivent, il faut savoir que M. Joli dé Fleury, frère du procureur général et de l'avocat général, petit homme, d'une figure basse avait fait enregistrer au parlement un édit précédé d'un préambule fort séduisant, édit par lequel il augmentait les droits sur le sel, et qui, par la contexture adroite du dispositif, paraissait diminuer l'impôt sur le bois, tandis qu'il l'augmentait réellement.

Sur l'air Voulez-vous que de Fanchette,

L'as-tu donc lu, ma commère 2

L'as-tu lu, ce fameux édit

Enregistré sans mystère
Par nos pèr les circoncis

Tome I.

Comme il nous rançonne!

Comme il nous ramone!
Si c'est du fleuri,

Ce n'est pas du joli.

Queuq' j'irons faire aux guinguettes,
Si le sel est renchéri?

Adieu l'fin de nos goguettes;
Car c'est li q'en fait tout l'prix.
Comme il nous rançonne! etc.

Il veut de la bell' manière,
Nous fair' avaler l'gougeon;
Mais si la sausse est si chère,
Que ferons-nous du poisson?

Comme il nous rançonne! ete.

I' nous baille une falourde,
Pour nous voler deux fagots;
I' nous prend pour des balourdes
Ce vilain p'tit escargot.

Comme il nous rançonne! etc.

Comment, avec l'am' si juive,
A-t-is épargné l' jambon ?

C'est qu'il est très-bon convive,
Et de nul' religioni

Comme il nous rançonne! etc.

V'là c'qu'c'est q'd'avoir d' l'alliance
Dans la cour du parlement;
On s'permet avec confiance
D'être un mauvais garnement.
Comme il nous rançonne
Comme il nous ramone!

Si c'est du fleuri,

Ce n'est pas du joli.

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