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d'échapper aux poursuites, qu'il fit dire au Franciscain quil pouvait dorénavant sortir en toute sûreté, en lui donnant sa parole qu'il ne serait point arrêté.

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MESSIEURS de Calonne, de Flesselles, et Foulon étaient intimement liés ensemble quoique rivaux d'ambition, puisqu'ils couraient la même carrière, celle de la haute magistrature, qui pouvait les élever au ministère, ou aux plus grandes places d'administration. Mais leur intimité même leur nuisait essentiellement. Si d'un côté la crainte de se trouver en concurrence, en aspirant aux mêmes emplois, exigeait des sacrifices auxquels leur loyauté se prêtait avec zèle; de l'autre, leur liaison bien connue donnait un vernis de partialité à toutes les démarches qu'ils faisaient pour se servir mutuellement et réunissait contre les trois les envieux que chacun d'eux avait contre lui. On craignait l'avancement de l'un, parce qu'il présenterait la certitude du placement avantageux des deux autres, ainsi que l'éloignement de tout ce qui ne serait pas leurs créatures; et l'on cherchait par tous les

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moyens possibles à les écarter de la route des faveurs. Ils ne tardèrent pas à s'apper→ cevoir qu'ils seraient nécessairement tòt ou tard víctimes de cette coalition, qui leur présentait sans cesse de nouveaux obstacles, et ils saisirent de concert un moyen peu commun d'en déjouer les intrigues. Ils convinrent de prendre peu à peu, et avec assez de publicité, les différents prétextes pour paraître non-seulement désunis, mais irréconciliablement brouillés; et de ne se voir en secret que pour s'entendre sur tout ce qui serait à leur avantage commun. Ils vinrent en effet à bout de faire croire généralement à leur division. Ils commencèrent par des plaintes particulières, qu'ils adressèrent en secret à ceux qu'ils savaient le plus portés à les divulguer. Ils eurent l'air' d'adopter avec avidité les divers rapports qu'on ne manqua pas de leur faire pour les aigrir, et par ces différents moyens qu'ils ménagèrent avec beaucoup d'adresse, parvinrent aisément à connaitre les menées de leurs antagonistes, qui s'ouvraient d'autant plus à eux, que les regardant comme isolés, ils mettaient un grand intérêt à les attirer dans leur parti. Pour mieux jouer leur rôle,

au conseil même, ils paraissaient presque toujours d'un avis opposé, et ne semblaient revenir que parce qu'il fallait que l'animosité cédât enfin à l'évidence de la justice. Ce qui mit le comble à la persuasion sur cette brouillerie, c'est que plusieurs amis communs firent toutes sortes d'efforts pour les réconcilier, et se désistèrent avec la ferme conviction qu'il était impossible d'y réussir. Cependant, s'il vaquait une place analogue à leurs vues, ils avaient soin de se prévenir en secret, et d'agir d'un commun accord. M. de Flesselles disait hautement : « Je ne connais personne qui puisse la >>> remplir mieux que Calonne. » Il faisait l'éloge de ses talents en ce genre, et ajoutait d'un air de bonne foi: «On ne m'ac»cusera pas d'être partial; car on sait trop >> bien les termes où j'en suis avec lui. » M. Foulon appuyait de son côté, en parlant de même et M. de Calonne avait aussi l'air d'ètre pressé par la vérité, lorsqu'il s'agissait de l'un ou de l'autre de ses confrères. Ceux qui les entendaient et qui étaient sans prétentions, auraient donc cru faire une injustice en n'employant pas toute leur influence en faveur de celui que ses

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ênnemis même ne pouvaient s'empêcher de louer publiquement; et c'est ainsi qu'avec des talents réels, que les efforts des cabales réunies pouvaient rendre inutiles, ils déjouèrent adroitement les complots qu'on aurait formés contre eux, obtinrent d'abord des intendances de faveur, et parvinrent ensuite aux plus grandes places de l'Etat; M. de Calonne au contrôle général des finances, M. de Flesselles à la prévôté des marchands de Paris, et M. Foulon à la confiance du Roi, qui le dévoua involontairement à la rage des factieux, en le désignant pour son ministre en 1789. On sait que MM. de Flesselles et Foulon furent les premières victimes des bourreaux de cette époque et l'on a vu précédemment quel fut le sort de M. de Calonne.

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JE reviens à M. Lenoir , pour ne pas omettre quelques traits qui caractérisent également son zèle obligeant et son adresse dans l'exercice souvent difficile de ses fonctions.

Un homme, dont il connaissait l'exacte probité, vient lui exposer le malheur cruel qu'il

éprouve. Ayant à recevoir un remboursement de cent mille livres payables en or, il avait prié un de ses amis, auquel depuis vingt ans il donnait toute sa confiance, de l'accompagner pour prendre cette somme, et de la garder chez lui jusqu'au moment où il devait en faire l'emploi. La somme fut en effet transportée chez cet ami prétendu, mais secrètement, pour ne pas s'exposer à la tentation possible des domestiques; et la femme de cet ami ayant aidé à ce transport, fut seule dans la confidence. Cependant au moment où il réclame le dépôt, le mari et la femme affectent le plus grand étonnement, et nient hardiment avoir jamais reçu aucune somme. Il n'a point de témoins pour les convaincre, et il espère que M. Lenoir voudra bien lui fournir quelque moyen pour recouvrer une si grosse partie. de sa fortune. Le Magistrat promet de s'occuper de cet objet, mais se garde bien de donner des espérances qui peuvent ne pas se réaliser. Il était en effet d'autant plus difficile de se déterminer en cette circonstance, que le dépositaire avait un état qui semblait garantir son intégrité, et qu'il jouissait d'une bonne réputation. Cependant M.

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