Page images
PDF
EPUB

ayant beaucoup de peine à percer la foule pour s'en aller, s'écria: « Il est bien plus » difficile de sortir de l'Académie que d'y

>> entrer. »

LE Comte d'Alb....., officier des Gardesdu-Corps, désirant aller de Versailles à Paris, entendit dans une société le marquis de M....., qu'il ne connaissait pas, dire qu'il comptait faire ce petit voyage ce mème jour. Il l'aborde, et avec cette gaîté des bords de la Garonne, qu'il avait conservée autant que l'accent national. « Monsieur, » lui dit-il, vous allez aujourd'hui à Paris; sans doute dans votre voiture ? Qui, >> Monsieur; pourrais - je vous être bon à » quelque chose?

[ocr errors]

[ocr errors]

Vous me feriez bien plaisir si vous vouliez y mettre ma re

» dingotte. Très-volontiers; où voulez

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

vous que je la dépose en arrivant ?

Oh! ne vous inquiettez pas de cela, je serai dedans. »

Un homme racontait devant lui une histoire fort invraisemblable; le comte d'Alb. souriait de manière à embarrasser le narrateur qui, avec un mouvement d'impatience,

lui

lui dit : « Quoi, Monsieur, vous ne croyez » pas à mon histoire ?-Oh! pardonnez» moi, répondit le Comte, mais je n'ose» rais pas la répéter à cause de mon accent.»

M. D'A..... procureur-général au parparlement de ***, jouissait dans sa province de toute la considération que méritaient son exactitude et son intégrité dans les fonctions de son ministère. Mais il était d'une ignorance absolue sur tout ce qui ne concernait pas son état, et faisait souvent des bévues très-risibles. On prétend qu'il écrivait à son fils: « Je viens de faire l'acquisition » d'une très-belle terre, bien bâtie avec » une chapelle, dans laquelle est un su» perbe tombeau, où nous voulons, ta mère » et moi, être enterrés, si Dieu nous prête > vie. »

Un poteau seigneurial au milieu de la place publique, dans une terre que sa famille possédait depuis long-temps; gênait beaucoup les manœuvres des troupes qui y étaient en garnison. Les officiers s'en plaignirent, et le prièrent de le faire abattre ; il s'y refusa. On écrivit au commandant de la

Tome I.

20

province, qui donna des ordres en conséquence de la demande du régiment. M. d'A, espéra les faire révoquer par un placet trèspathétique, dans lequel il exposait son droit seigneurial, en ajoutant que ce poteau avait été établi de temps immémorial par ses ancêtres, et qu'il se croyait obligé d'en exiger la conservation pour se conformer aux sentiments de sa famille, qui y était attachée de père en fils.

A L'ÉPOQUE de la révolte des Flamands contre l'Empereur, le gazettier de Berne, très-attaché à la cause royaliste, dictait à son secrétaire sa feuille hébdomadaire, dans laquelle il rendait compte d'une action entre les Autrichiens et les patriotes. «Et dans ce combat, disait-il, tenant son bulletin » à la main, trois mille patriotes ont perdu la vie. Le secrétaire l'interrompt, je crois que vous vous trompez sur le » bulletin il n'y a que trois cents.— Com>>ment donc !... Oui, c'est vrai, il n'y a » que trois cents. ... Bòn, bon, mettez toujours trois mille de ces gueux-là on n'en >> saurait trop tuer. »

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

LE Comte de Lubersac, lieutenant-général des armées du Roi, créateur de l'école militaire des chevaux-légers, et commandant de ce corps qui faisait partie de la garde du trône poussait au dernier point la sévérité nécessaire pour contenir une jeunesse aussi nombreuse et aussi vive, dans les bornes de la discipline la plus exacte. La plus légère faute, une simple négligence dans quelque partie de l'uniforme, étaient punies par les arrets, par la prison; et le premier mot d'excuse après un ordre prononcé, conduisait au cachot.

Le comte de Rochegude, (qui depuis a été une des premières victimes de la révolution à Marseille) alors élève à l'école des chevaux-légers, était le seul que M. de Lubersac ne pût prendre sur lui de punir, soit à cause de la gaîté des ses réparties, soit à cause des succès étonnants qu'il avait dans tous les exercices du corps, et qui, aux yeux de M. de Lubersac, étaient une grande recommandation.

Un jour, ce Commandant passant ses élèves en revue pour l'équitation, « Mon

:

[ocr errors]

» sieur, dit-il à M. de Rochegude, vos bottes ne sont pas uniformes que diriez-vous >> si je vous envoyais en prison? — Mon » Général, je dirai que vous m'y envoyez » à propos de bottes. » Le Général sourit en se retournant, et continua son inspection.

[ocr errors]

M. de Lubersac, qui était un des plus grands écuyers de France, se plaisait à présider à l'exercice du manège. On sait que les élèves sont à cheval en rang, que trois ou quatre seulement marchent à la fois, qu'après les évolutions, ils sont remplacés par un égal nombre, et ainsi successivement. M. de Rochegude était dans le rang, attendant son tour, et s'amusait une gaule à la main à frapper les chevaux de ses camarades et à les faire piaffer. M. de Lubersac jette un coup d'œil, l'apperçoit et dit : « M. de Rochegude, » descendez de cheval. » C'était une légère punition qui consistait à être en avant du rang, à tenir son cheval par la bride, et à être ainsi privé de l'exercice. L'instant d'après, les quatre qui marchaient étant rentrés en ligne, M. de Lubersac dit: « Marchez quatre. quatre. » M. de Rochegude, se trouvant au nombre des commandés, suit les trois premiers, tenant son cheval en

[ocr errors]
« PreviousContinue »