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public avec autant de facilité que de quelques particuliers, et fit paraître plusieurs mémoires, qu'on lut avec avidité, comme romans invraisemblables, et qui ne servirent qu'à lui donner un ridicule de plus, dans l'opinion des gens raisonnables. A la suite de ce procès, il fut chassé de France par ordre du gouvernement. A son départ, ses sectaires, au nombre de plus de cinquante, allèrent l'attendre à St.-Denis, à deux lieues

de la capitale, et lui firent préparer un superbe diner. Sur la fin du repas, au moment où les tètes commençaient à être échauffées, Cagliostro pérora l'assemblée, et annonçant que la précipitation forcée de son depart ne lui permettant pas d'emporter ses fourneaux et ses matériaux, il allait se trouver fort embarrassé en Angleterre, il invita d'un ton impératif ces Messieurs à se cotiser tout de suite pour lui fournir une somme proportionnée à ses besoins et à son rang. A l'instant tous se piquèrent d'un beau zèle, et on lui compta cinq cents louis, qu'il reçut avec les signes et l'expression d'une reconnaissance protectrice. Cependant il sortit de la salle sous quelque prétexte, appela l'aubergiste et lui proposa le paye

Tome I.

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ment du repas. Celui-ci refusait d'accepter, disant que ces Messieurs qui le lui avaient commandé y satisferaient. « Qu'est-ce que » c'est, s'écria l'impudent charlatan; ne savez-vous pas que partout où est le comte » de Cagliostro, il n'y a que lui qui paie? » Il le prit sur un ton si haut que l'aubergiste déconcerté ne put plus refuser de présenter son compte, qu'il solda tout de suite sur l'argent qu'il venait de recevoir. Ce trait qui fut sû le moment d'après, ne servit pas peu à éclairer plusieurs de ses partisants qui commencèrent à croire que depuis long-temps ils étaient dupes des forfanteries de cet homme.

Cagliostro passa à Londres à Londres, où il exerça pendant quelques mois ses talents sur la crédulité publique : mais ne trouvant pas dans ce pays-là les mêmes ressources pour son charlatanisme, il partit tout-à-coup pour l'Italie, emportant, avec son argent, les diamants d'une femme nommée Séraphina, qu'il disait être la sienne, qu'il avait toujours menée avec lui, et qu'il eût bien soin de ne pas avertir de son départ, ne lui laissant d'autres moyens de subsistance que le peu de mobilier qu'il ne put enlever. Celle

ci, furieuse, se hâta de vendre tout ce qui lui restait, le poursuivit avec diligence, et l'atteignit à Rome. Mais n'ayant pu être reçue chez lui, elle ne songea plus qu'à la vengeance, et le dénonça à l'inquisition comme chef de franc-maçonnerie, et ayant le projet de bouleverser l'état et la religion. Elle en administra même les preuves les plus convaincantes par différents papiers qu'il avait eu la maladresse de laisser entre ses mains. Le procès de ce malheureux charlatan fut bientôt instruit. Il fut condamné à

mort, et soit par indulgence, soit par égard pour sa femme qui avait été sa délatrice, sa peine fut commuée en une détention perpétuelle au château Léon, où il fut sévèrement enfermé. Différentes tentatives qu'il fit pour son évasion ne servirent qu'à le faire resserrer plus étroitement. Persuadé dèslors qu'il n'avait plus de ressources, il se livra au désespoir, refusa toute nourriture, repoussa avec fureur les consolations et les secours de la religion qu'on s'empressa vainement de lui offrir, et fut trouvé un matin mort au pied de son lit.

Plusieurs personnes assurent au contraire qu'il imagina un stratagème atroce, qui le

conduisit au supplice qu'il avait si bien mérité. Il parut, dit-on, repentant de ses erreurs, affecta pendant quelque temps la plus grande dévotion et une résignation absolue à son sort, demanda un capucin pour se confesser, eut avec lui plusieurs conférences suivies, et accoutuma si bien ses gardes à le voir avec ce bon père, qu'on les laissait seuls plusieurs heures ensemble. Mais un jour, avec un poignard qu'il avait trouvé moyen de se procurer, il égorgea le pauvre capucin, se hâta de prendre ses habits, de mettre une barbe postiche, et bien enveloppé dans le capuchon du moine, il traversa hardiment deux cours, où l'on ne fit aucune attention à lui. Il était près de franchir la dernière porte, lorsque sa taille courte et épaisse, sa démarche, et surtout son embarras pour ne pas se tromper furent remarqués par un soldat qui, soupçonnant quelque ruse, s'approche, le reconnaît et veut l'arrêter. Cagliostro tire à l'instant son poignard, le frappe; mais il est désarmé par la garde et conduit au cachot. Dès lors il ne fut plus permis d'user d'indulgence envers un pareil homme, et le jugement qui l'avait condamné à mort fut exécuté dans la prison.

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pour

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M. Bodri, fils d'un riche négociant de Lyon, fut envoyé à l'âge de vingt-deux ans à Paris avec des lettres instantes de recommandation de ses parents pour leur correspondant, M. N***, dont il n'était pas connu personnellement. Muni d'une somme assez forte pour pouvoir vivre agréablement quelque temps dans la capitale, il s'associa ce voyage avec un de ses amis, aussi jeune que lui, et extrêmement gai. En arrivant, M. Bodri fut attaqué d'une fièvre très-violente. Son ami, qui resta auprès de lui la première journée ne voulait pas absolument le quitter, et se refusait d'autant plus aux instances qu'il lui faisait pour se dissiper, que n'ayant fait ce voyage que par complaisance pour lui, il n'avait aucune connaissance à Paris. Mais, M. Bodri l'engagea à se présenter sous son propre nom chez le correspondant de sa famille, où il trouverait une société aimable, et à lui remettre ses lettres de recommandation, sauf à éclaircir comme ils le pourraient l'imbroglio qui résulterait de cette supposition, lorsqu'il se porterait mieux. Une proposition aussi singulière

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