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» Voulez-vous bien fermer cette porte..... » Messieurs, la modération est une vertu..... » sacrebl..... fermerez-vous cette porte ? »>

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M. de Flesselles, nommé premier président du Conseil supérieur de Lyon, à l'époque des innovations entreprises par le chancelier Maupeou, fut chargé de la suppression du parlement de Trévoux. Il se rendit dans cette ville, assembla les magistrats au palais, et après un discours aussi honnête qu'analogue à cette triste circonstance, il leur intima les ordres dont il était dépositaire. M. de Garneran répondit en peu de mots que son premier devoir était d'obéir aux ordres de son Souverain, quelque fût l'organe par lequel il lui plut de les faire signifier, et quittant aussitôt sa place, accompagné de tout son corps, il se disposa à sortir de la salle. Mais les portes s'ouvrant, il apperçut son laquais, et jetant à l'instant à terre sa simare et son mortier : « Antoine, » s'écria-t-il, ramasse cela; ce n'est plus bon que pour des valets. »>

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Pour sentir la dureté de ce sarcasme il faut savoir que le Père de M. de Flesselles avait porté la livrée, et que cette désagréable anecdote était consignée de la

manière la plus authentique dans la Correspondance, ouvrage répandu alors avec la plus grande profusion.

ON sait à quel point a été porté l'engouement de beaucoup de gens pour le prétendu comte de Cagliostro, à qui ses sectateurs attribuaient jusqu'à une puissance surnaturelle. La crédulité en ce fameux charlatan a donné lieu à une aventure assez extraordinaire à Metz.

(*) Un bon bourgeois de cette ville, qui avait une femme jeune et jolie, ayant été obligé de s'absenter pendant trois mois, et craignant les évènements dont son honneur aurait pu être victime dans ce laps de temps, imagina à son retour de dire à sa femme, qu'il savait un peu superstitieuse, qu'il avait été consulter à Strasbourg le comte Cagliostro, et lui avait fait part de ses craintes sur l'observation de la fidélité conjugale en son absence; que celui-ci lui avait donné une fiole contenant une liqueur qu'il devait boire en se couchant avec elle, et au moyen de laquelle, si ses craintes étaient fondées, il serait le lendemain méta

le

morphosé en chat. La jeune femme rit beaucoup de la crédulité de son mari, qui en se mettant au lit avala le breuvage ordonné, et elle n'oublia rien pour dissiper par les plus tendres caresses d'aussi sottes idées. Après la nuit la plus heureuse. elle se lève la première, entre dans son cabinet, s'habille, revient dans la chambre, ouvre les fenètres, et n'entendant point remuer son mari, tire les rideaux pour réveiller. Mais quel fut son étonnement quand elle n'apperçut dans le lit, à sa place, qu'un gros chat noir qui était mort. Elle se doute aussitôt de la ruse, et fait semblant d'en étre dupe. Elle jette les hauts cris, appelle son mari; personne ne répond. Alors elle fait retentir l'appartement de sa feinte douleur, et s'écrie : « Ah! faut-il donc que » j'aie perdu le meilleur des maris pour » une seule fois que je lui ai été infidèle ! >> ah! maudit officier..... » A ces mots le mari sort furieux de dessous le lit où il s'était caché en mettant le chat noir à sa place. A cette apparition, la femme part d'un grand éclat de rire, et avoue que s'étant doutée du tour que son mari voulait lui jouer, elle a été bien aise de le lui rendre

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pour le punir d'une jalousie déplacée qui fait le malheur de son ménage. Le pauvre époux, honteux de se trouver pris dans son propre piége, eut beaucoup de peine à calmer sa douce moitié, qui à son tour montrait la plus vive colère, et soit qu'il la crut, ou non, il jura de renoncer dorénavant à toute espèce d'épreuves; mais il se promit intérieurement de ne point recevoir d'officiers chez lui, et de ne plus faire d'absence. (*)

CE comte de Cagliostro, dont tant de gens honnêtes ont été si cruellement dupes, était né à Naples dans la classe la plus abjecte, et tirait de son impudence seule tous ses moyens de séduction. Cependant il avait acquis quelques talents en chimie, et composait un élixir propre à certains maux, contraire à beaucoup d'autres et qu'au hasard il appliquait à tous. Ayant eu le bonheur de tirer d'une maladie dangereuse la femme d'un riche banquier de Suisse, le mari crut devoir lui marquer sa reconnaissance en lui donnant des lettres de crédit sur toutes les places commerçantes de la

France, ce qui le mit à même d'afficher un désintéressement absolu, qui ne contribua pas peu à sa réputation. Ayant soin de s'environner plus particulièrement de gens riches, et surtout de ceux dont la tete etait plus facile à exalter, il parvint à leur persuader qu'il possédait le secret de la pierre philosophale, celui du remède universel, et qu'il avait l'art d'amalgamer beaucoup de petits diamants de manière à en former de gros. On imagine bien que les frais de ces prétendues opérations étaient puisés dans la bourse de ses adeptes, qu'il liait par les serments les plus solennels, et qu'il avait eu soin de réunir en loge de nouvelle franc-maçonnerie, dont il était le chef, et dont, en cette qualité, il recueillait les fonds et les produits. Cette charlatanerie, qui lui fournissait les plus grandes ressources, lui aidait encore à ménager le crédit de M. Sarazin dont l'abus aurait bientôt découvert ses fraudes.

Impliqué dans la malheureuse et trop célèbre affaire du collier, dont il paraît qu'il n'ignorait pas le projet, mais dont on ne put prouver qu'il fût réellement complice, il crut pouvoir se jouer des Magistrats et du

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