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» vous en avoir? - Six ducats.

Permettez

» que je vous en prête douze jusqu'à ce que nous ayions vu le succès de nos soins. »>

A ces mots, ils se séparent. La jeune personne court porter à sa mère les douze ducats, les hardes et les espérances qu'un inconnu, un ange de Dieu, un Seigneur de la Cour, un ami de l'Empereur vient de lui donner. A la description qu'elle fait, à la physionomie qu'elle peint, aux discours qu'elle rapporte, la mère ou quelqu'un qui était présent reconnaît l'Empereur. Heureux le Prince qui en pareil cas ne peut être méconnu ! La jeune fille alors demeure épouvantée de la liberté avec laquelle elle a parlé à l'Empereur de lui-même. Elle n'ose plus aller le lendemain au château; ses parents ne peuvent parvenir à l'y mener qu'après l'heure indiquée. Elle arrive enfin au moment où l'Empereur, impatient de la voir, donnait des ordres pour envoyer chez elle. Elle ne peut alors méconnaître son Souverain elle s'évanouit.

Cependant le Prince, pendant cet intervalle, avait pris des informations exactes auprès des premiers officiers du corps. dans lequel le père de la jeune personne avait

servi car il avait eu soin de tirer d'elle le nom de ce corps et celui de son père. Il avait trouvé son récit véritable, et s'était assuré par là que sa bienfaisance serait conforme à la justice, et ne serait point mal placée.

Lorsque la jeune personne, qu'on avait portée dans un autre appartement, fut revenue à elle-même, l'Empereur la fit entrer dans son cabinet avec les parents qui l'avaient accompagnée il lui remit pour sa mère le brevet d'une pension égale aux appointements dont son père avait joui, et dont la moitié était reversible sur elle, dans le cas où elle perdrait sa mère. «< Mademoiselle, » lui dit-il, je prie Madame votre mère et vous de me pardonner le retardement qui » vous a mises dans l'embarras. Vous devez >> être convaincues qu'il était involontaire de

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ma part; et si quelqu'un à l'avenir vous » dit du mal de moi, je vous demande » seulement de prendre mon parti.

(*) LE Roi de Prusse, Frédéric II, apprenant la prise de Mahon par les Français. sous les ordres du maréchal de Richelieu,

dit à M. Mitchell, ambassadeur d'Angleterre à sa Cour: « Eh bien ! voilà un fâcheux >> revers pour votre nation! Oui, Sire, >> mais il faut espérer qu'avec l'aide de » Dieu nous le réparerons. Ah! je ne Sire,

>>

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Vous connaissais pas cet allié.

» c'est le seul auquel nous ne payons pas » de subsides. - C'est pour cela qu'il vous » sert si mal, répliqua le Roi, en tournant » promptement le dos au Ministre. >> (*)

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LE cardinal Giraud, nonce de la cour de Rome en France, montait à pied, et tout seul, la montagne de Tarare en avant de sa voiture, dont il était déjà assez éloigné. Il était en redingotte brune, avec un grand chapeau rabatu sur sa tête, et entièrement absorbé dans ses réflexions. Un vieux Curé d'épaisse corpulence passe à côté de lui à cheval, et dans ce moment ne peut retenir son chapeau que le vent jette à quelques pas de là. « En vérité, M. l'Abbé, dit-il » au Cardinal qui continuait son chemin, » et qu'il prit pour quelque vicaire de cam» pagne, il faut que vous soyez bien mal » élevé ; vous voyez comme je suis gros,

» mon chapeau tombe à côté de vous, et

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vous ne vous donnez pas la peine de vous >> baisser pour le ramasser!» Le Cardinal ramasse aussitôt le chapeau, et le lui présentant avec honnêteté, en ôtant le sien de dessus sa tête : « Je souhaite, Monsieur, lui » dit-il, qu'il devienne de la couleur de ma calotte. » Le pauvre Curé, accablé de confusion, voulait se prosterner, et le Cardinal, en agréant avec bonté ses excuses, le força à rester à cheval.

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C'est ce même Cardinal dont le pape Ganganelli, si célèbre par son esprit et ses sarcasmes, disait, en faisant l'éloge d'usage au sacré collége, res bene gessit nostras, optime quoque suas: (il a bien fait nos affaires et parfaitement bien les siennes. ) Ce Nonce partit en effet comblé des bienfaits de la France, et investi des plus riches abbayes.

LE maréchal de Richelieu, étant à la tête du tribunal des maréchaux de France, crut devoir réprimander un ancien militaire qui s'était mis dans le cas d'essuyer quelques reproches. "Il le mande chez lui, lui parle avec beaucoup de sévérité. L'officier répond

de temps en temps par des révérences respectueuses, et un léger sourire qui, irritant le Maréchal, l'engage à tenir les propos les plus amers, accompagnés de dures menaces. Enfin, l'Officier profitant d'un moment de silence : << « Je suis bien fâché,

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dit-il, de n'avoir pu entendre toutes les >> choses obligeantes que M. le Maréchal a >> bien voulu me dire; mais je suis un peu » sourd.» Le Maréchal qui l'était en effet lui-même autant que l'Officier affectait probablement de l'ètre, s'étant fait répéter ce qu'il disait, fut très-confondu d'avoir employé autant de paroles inutilement.

M. de Garneran, premier président du parlement de Trévoux, était un magistrat savant, intègre, éclairé, mais vif, impatient, emporté même quand il éprouvait la plus légère contradiction. Se trouvant à une assemblée publique de l'académie de Lyon, dont il était membre, il annonça qu'il allait lire un discours sur la modération. On fit le plus grand silence, et il commença ainsi : «Messieurs, la modération..... fermez cette porte... Messieurs, la modération est une...

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