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Ne s'écartant jamais en public de la dignité imposante qu'exigeait la majesté de son rang, c'était surtout dans l'intérieur qu'il manifestait cette affabilité d'une ame sensible, qui ajoute encore au respect inspirant le plus tendre attachement.

En 1761, il demanda que le régiment des Gardes-Françaises revenant de l'armée passa par Lunéville, lieu de sa résidence. Les officiers lui ayant été présentés au moment où il allait à sa chapelle assister au salut, il les reçut avec toute la dignité d'un monarque. Rentré ensuite dans ses appartements, un quart-d'heure après il les fit appeler. Dès qu'ils furent dans le sallon, les portes furent fermées. Le roi de Pologne alors s'approchant d'eux, leur dit : « Mes » bons amis, vous avez vu fermer ces por» tes; l'étiquette est restée derrière. Re

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gardez-vous ici comme en famille, auprès » d'un père tendre qui veut dédommager ses enfants des fatigues de la guerre : et se tournant du côté des dames de sa cour, Mesdames, aidez-moi à faire les » honneurs à mes enfants. >>

On établit plusieurs parties de jeux de commerce. Il s'en approchait de moment

en moment, demandant aux officiers comment la fortune les traitait? Si la réponse était qu'on perdait, «< tant pis, disait-il ;

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mais prenez-y garde : nos dames de Lu

» néville sont un peu friponnes. Mesdames, je vous en prie, ne jouez pas tout votre jeu : je sais par expérience que lorsqu'on >> revient de l'armée, on n'a pas de l'ar> gent de reste. »

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Il engagea plusieurs officiers qui ne jouaient pas à aller voir ses appartements. A leur retour, il leur demanda si, ayant vu sa chambre à coucher, ils avaient remarqué dans son lit le portrait de sa maîtresse? " Sire, nous y avons vu celui de › Charles XII. Eh! c'est cela même répliqua-t-il il y a peu de maîtresses qui aient agi aussi-bien avec leurs amants: >> c'est par ses faveurs que j'ai été placé » deux fois sur le trône, et c'est sans doute » ma faute si j'en suis tombé. »

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Un souper magnifique ayant été servi, on passa dans la salle à manger, et le Roi resta dans le sallon. Mais le moment d'après il entra, défendit qu'on se levat, et se plaça à un couvert vacant au milieu de la table. Il prit une tasse de bouillon, et

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s'adressant ensuite aux officiers aux Gardes: « Mes enfauts, leur dit-il, je voudrais bien prolonger la satisfaction d'ètre avec vous; » mais je serais peut-être tenté de manger quelque chose, et mes médecins me tien» nent à un régime bien sévère ; ils veulent » que je sacrifie mes plaisirs à ma santé. » J'obéis, et je demande qu'on suive mon exemple; car je veux absolument que » personne ne se dérange. Adieu mes amis, je vous souhaite un bon voyage. >> Je n'ai pas besoin de vous recommander >> de bien aimer ma fille; je parle à des Français, et elle est la femme de votre

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» Roi. »

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A ces mots, il se retira, laissant dans l'ame de chacun l'impression ineffaçable de cette bonté naturelle qu'on eût adorée dans un simple particulier.

On dit que ce Prince, quoique plus qu'octogénaire, était fort épris de la marquise de Boufflers, qui en effet était tous les soirs chez lui, et faisait avec beaucoup de grâce les honneurs de sa société intérieure. Le Roi savait cependant que son chancelier, bien plus jeune que lui, était amoureux de cette Dame. Un jour qu'il était

chez elle, et que le chancelier y entra, il la quitta en lui baisant la main, et lui dit en la regardant tendrement : « Mon chan>> celier vous dira le reste. >>

UN jeune auteur, voulant avoir la protection de madame Dubarry, pour s'en faire quelque titre à la gloire, ou du moins à la célébrité, lui demanda la permission de lui lire une tragédie de sa composition. Elle y consentit, et lui accorda une soirée. Mais le premier acte n'était pas fini, que, fatiguée d'une lecture qui s'accordait si peu avec sa légèreté et son genre de dissipation, elle interrompit le malheureux tragique boursouflé, en lui disant avec ingénuité : « Mon» sieur, tout ce que vous nous dites là est » assurément bien joli; mais cela Vous >> fatigue beaucoup ne pourriez-vous pas » passer tout de suite au dernier acte? »

UN riche négociant avait invité à dìner M. de Rivarol, auteur de plusieurs ouvrages de littérature fort estimés, et avait eu grand soin de prévenir sa société, que c'était un

balourdise.

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bel esprit qu'il voulait leur faire entendre. M. de Rivarol instruit du motif de cette invitation, et piqué d'ètre montré comme la lanterne magique, se promit bien de manger beaucoup et de garder le plus profond silence. En effet on l'agaça long-temps inutilement. Cependant pressé de questions et d'éloges, il y répondit enfin par une grosse Ah, fi, s'écria-t-on, M. de Rivarol, fi donc ! - Eh bien! Messieurs, » eh bien, répliqua-t-il, je n'ai encore dit qu'une bêtise, et vous criez tous au voleur. » La méchanceté de M. de Rivarol lui fut bien rendue dans une autre circonstance. Il était à un grand dîner, où il s'occupait à faire briller son esprit on lui offrit du vin du Rhin. «Oh ! je ne l'aime pas, dit» il, je trouve qu'il est comme les Alle» mands, lourd et plat. -Monsieur, ce que » vous dites là ressemble bien au vin du Rhin, répondit un des conviés que M. » de Rivarol ignorait être Allemand.

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Au commencement du siècle dernier, des disputes religieuses ayant suscité quelques troubles en Suisse entre les cantons catho

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