Page images
PDF
EPUB

il savait avec dignité, et sans avoir l'air de s'être apperçu de leur faute, les faire rentrer dans les bornes du respect dont ils' s'étaient écartés.

[ocr errors]

(*) Il se faisait peindre par Latour. Le peintre, tout en travaillant, causait avec le Roi qui avait la bonté de souffrir cette familiarité. Mais Latour, naturellement insolent, poussa la témérité jusqu'à lui dire : « Au vrai, Sire, vous n'avez point de >> marine. Le Roi lui répondit sèchement; » que dites-vous là ? et Vernet donc ! » (On sait que Vernet était le plus fameux peintre de marine.)

Ce même Souverain étant allé visiter les bureaux de la guerre, apperçut des lunettes sur une table et les prit, en disant : « Voyons » si elles sont bonnes. » En même temps sa main se porte sur un papier qui paraissait négligemment laissé sur cette même table, et qui contenant son éloge le plus pompeux, n'avait sans doute pas été mis là sans dessein, Après avoir lu les premières lignes, il rejettę l'écrit et les lunettes, et ajoute en riant ; << Elles ne sont pas meilleures que les miennes, >>elles grossissent trop les objets. » (*)

La famille de Kinsale avait obtenu en Angleterre, je ne sais par quel motif, le privilège de se couvrir devant le Roi. Un Lord de cette maison ayant été fait prisonnier à la bataille de Laufeldt, se présenta devant Louis XV la tête couverte, et le Roi eut la bonté de ne pas paraître choqué qu'il usât en sa présence de son privilége. Il l'invita même à dìner avec lui. Sire, je n'ai pas faim, répondit grossiè»rement lord Kinsale. Je ne vous ai

[ocr errors]
[ocr errors]

» pas demandé si vous aviez faim, reprit >> le Monarque, mais seulement si vous >> vouliez avoir l'honneur de diner avec le Roi de France ? »

Ces différents traits, quoique minutieux, suffiront pour faire juger avec moins de rigueur un Prince qui par son affabilité sa bonté, son extérieur imposant, et des qualités vraiment estimables, a mérité longtemps l'amour de ses peuples, et qu'on doit encore plutôt plaindre que blâmer d'avoir été entraîné par la faiblesse de son caractère dans les erreurs qui ont terni la fin de sa carrière. Dans sa jeunesse, il annonça toutes les vertus de ses aïeux dans un âge plus mûr, un esprit juste sembla fortifier

les espérances de la nation; mais une grande timidité, une excessive défiance de lui-même, indiquèrent bientôt à des ministres ambitieux et intrigants le moyen de le dégoûter des affaires, en contrariant toujours ses avis, dont ils ne pouvaient s'empêcher d'admirer la sagacité. Peu à peu la lassitude des oppositions contre lesquelles, par la crainte même de ne pas faire le bien avec les meilleures intentions, il ne voulut jamais se roidir, amena l'insouciance. L'insouciance entraîna le besoin des distractions; et la satiété des plaisirs le conduisit enfin aux désordres qui, en avilissant sa dignité, ont peut-être préparé les malheurs de la France. Mais l'excès même de ses fautes n'a jamais pu détruire en lui les qualités précieuses de père tendre, d'ami sincère, de particulier honnête et sensible; et ceux qu'il a bien voulu admettre à sa familiarité intime se sont assurés qu'il ne suivait que l'impulsion de sa conscience en conservant extérieurement le plus profond respect pour la religion, et les égards les plus marqués pour le caractère sacré de ses ministres.

A l'époque des disputes religieuses entre le jansénisme et le molinisme, Louis XV, obligé

plusieurs fois d'exiler M. de Beaumont, archeveque de Paris, dont il révérait à juste titre les principes, mais dont l'inflexibilité ne voulait admettre aucun tempéramment, n'en honorait pas moins ce digne prélat comme son pasteur spirituel, et dans ces temps là mème entretenait avec lui la correspondance la plus suivie sur des objets qui intéressaient l'administration de son diocèse. La famille de ce prélat conserve encore comme un monument précieux les lettres qui attestent également la bonté, l'esprit et le fond de véritable piété qui caractérisaient ce Monarque.

J'AI dit que la bonté de Louis XV dégénéra en faiblesse, et sa faiblesse en insouciance, si ce n'est en nullité comme souverain. C'est ce qui donna lieu à un propos très-amer de madame la duchesse d'Orléans (née Conti). Au commencement de la guerre de sept ans, le bruit courut que le roi de Prusse, Frédéric II avait été fait prisonnier, et qu'on l'amenait en France. On vint tout de suite faire part de cette nouvelle à la Princesse qui était au

château de Versailles, entourée de beaucoup de monde. « Ah! j'en serais bien aise, répondit-elle, je voudrais bien voir un >> Roi. »

[ocr errors]

LOUIS XV avait cédé à Stanislas Leckzinski son beau - père, la jouissance des duchés de Lorraine et de Bar, avec tous les droits régaliens. Ce Prince, sans rien perdre des droits de sa dignité, s'y faisait adorer par sa simplicité et une bonté éclairée, qui ne se contentait pas de soulager, mais allait jusqu'à prévenir les besoins des sujets commis à ses soins paternels. Il ne dédaignait pas d'examiner par lui-même les affaires des négociants qu'il savait obérés par des malheurs particuliers, et leur fournissait les secours nécessaires pour leurs travaux. Il avait établi de ses propres fonds à Nancy une caisse de commerce à la disposition des Magistrats municipaux, et où les négociants pouvaient trouver des ressources assurées pour des spéculations avan. tageuses, à un intérêt fort modique, qui rentrant chaque année dans la caisse en augmentait d'autant le capital.

« PreviousContinue »