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portunité l'effet de la promesse du monarque. C'était l'heure de l'audience de l'Evêque, qui, en l'appercevant, se laissa aller à un mouvement d'impatience, et lui dit hautement << Ah! Monsieur, s'il y avait encore un homme comme vous dans le royaume, je quitterais la feuille des bénéfices. « Monseigneur, je vais chercher le second, répliqua aussi hautement le Chevalier en se retirant. Mais à peine fut-il sorti, qu'il sentit que son étourderie dont le Prélat ne manquerait pas de se plaindre, pourrait lui faire le plus grand tort. Il ne vit d'autre moyen de se tirer de ce mauvais pas, qu'en allant faire l'aveu de sa faute au Roi, qui l'écouta avec bonté, sourit, et lui promit d'arranger cette affaire. L'évêque de Mirepoix ne manqua pas en effet de se présenter pour porter ses plaintes le Roi chercha inutilement à détourner la conversation; il fut obligé de l'entendre jusqu'au bout; et lorsqu'il lui eut dit : « Sire, il m'a répondu avec arrogance » qu'il allait chercher le second. » Eh bien ! » dit le Roi, donnez - lui vîte un bénéfice » parce qu'il serait homme à le trouver.» Il n'était plus possible de se refuser à un ordre aussi positif, et le chevalier de S.t

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Sauveur eut un bon prieuré, qui le mit à même de continuer son service.

M. l'évêque de Mirepoix était d'autant plus sévère sur la dispensation des bénéfices, qu'il croyait sa conscience engagée à ne faire que de bons choix, et qu'il se regardait comme ordonnateur absolu en ce département, quoique ses fonctions se bornassent à présenter la liste des vacantes et des aspirants, avec les notes qui pouvaient éclairer le Roi, et déterminer ses dispositions. Mais à l'austérité religieuse qui le guidait, il joignait une dureté repoussante, et quelquefois des sarcasmes humiliants qui nuisaient au respect que devaient inspirer ses hautes et réelles vertus. Les apparences extérieures avaient beaucoup d'influence sur sa protection. L'ecclésiastique qui se présentait chez lui avec des cheveux plats sans poudre, et l'air bien séminariste, était sûr d'attirer son attention, tandis que celui qui y venait sous un costume décent, et même sans prétention, se trouvait désagréablement éconduit.

Un jeune abbé, honnêtement vêtu, mais

malheureusement pour lui porteur d'une jolie

figure, et d'une tournure agréable, sollicitait ses bontés pour un bénéfice. Le prélat le regarde, et pour toute réponse lui chante ce morceau du Devin du Village, opéra alors fort en vogue:

Quand on sait aimer et plaire,
A-t-on besoin d'autre bien?

T

M. de Cortois était un respectable ecclésiastique entièrement livré aux devoirs de son état mais il avait une superbe figure, une belle taille, et était connu à Paris sous le nom de l'Abbé à la belle jambe. Il n'en fallait pas davantage que cet extérieur pour blesser les préjugés de M. l'évêque de Mirepoix qui, chaque fois qu'il se présentait cherchait à le mortifier, et s'était bien promis de ne lui donner aucun bénéfice. L'église eut en effet été privée d'un de ses plus respectables prélats, sans un hasard heureux qui le favorisa.

L'abbé de Cortois avait pris place dans la diligence de Lyon à Paris sous le nom de Quencey, par lequel il était distingué de ses frères dans sa famille, et à Dijon sa patrie. Il se trouva avec plusieurs voyageurs

inconnus, qui sans doute avaient à se plaindre de M. l'évêque de Mirepoix, et le dénigraient avec acharnement. M. l'abbé de Quencey défendit le prélat avec toute la vivacité et l'esprit possible, exalta ses vertus, ses qualités, sa conduite; et avec autant de modestie que de décence et de fermeté, réduisit ses adversaires au silence sur cet objet.

Dans cette même voiture se trouvait un

vieux ecclésiastique qui parut ne prendre aucune part à cette discussion, garda presque toujours le silence pendant le voyage, examina avec attention l'abbé de Quincey, et à son arrivée à Paris, lui serrant la main, lui dit : « Monsieur l'abbé, je vous prie de >> venir me voir dans trois jours au couvent » des Théatins dont je suis religieux. Peut» être aurai-je le bonheur de vous être utile » et de vous prouver ma reconnaissance de » l'intérêt avec lequel vous avez défendu la cause de mon frère l'évêque de Mirepoix. L'abbé de Cortois, fort étonné de s'être fait, sans y penser, un aussi puissant protecteur, ne manqua pas le troisième jour au rendez-vous, et l'abbé Boyer, en l'embrassant, lui dit : << allez présenter vo >> remercîments à mon frère, qui vient de

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› vous faire nommer par le Roi à l'évêché de Belley.» M. de Cortois s'y rendit aussitôt, et l'évêque de Mirepoix fut très - surpris de trouver dans l'abbé de Quincey celui qu'il se repentit dès-lors d'avoir jugé avec une prévention défavorable, et qui par ses talents et ses vertus a si hautement justifié sa promotion à la dignité épiscopale.

MONSIEUR d'Apchon, évêque de Dijon, puis archevêque d'Auch, était dans son enfance chevalier de Malte, et destiné et destiné par sa famille au service de la marine. Pendant qu'il étudiait au collège de Lyon, il y passa un jésuite espagnol qui jouissait parmi ses confrères d'une grande réputation de sainteté et auquel on attribuait le don de prédire l'avenir. Le préfet du jeune d'Apchon présenta son élève à ce jésuite, et lui demanda ce qu'il pensait sur son sort à venir? Celui-ci, après avoir bien examiné l'enfant, répondit: « Ayez soin de le faire bien étudier; il doit >> être un des soutiens de l'Eglise, et sera le >> troisième évêque de Dijon ; » horoscope d'autant plus singulier qu'il n'y avait point encore d'évêché dans cette ville. Les jeunes

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