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- Madame, c'était

» pas tenir votre parole? » au paradis où tout le monde est égal; mais >> ici-bas ce n'est plus la même chose; » et après un profond salut il se perdit dans la foule.

UNE très-jolie femme de la cour de cette Princesse, madame de Blot, donna lieu à une méprise à peu près du même genre, par une imprudence bien involontaire. Vêtue d'un déshabillé fort simple, elle se promenait seule dans une allée latérale du jardin du Palais-Royal, ne doutant pas d'être assez connue pour n'être pas insultée. Un homme qui cherchait également des bonnes fortunes aisées, passe familièrement son bras sous le sien. « M., lui dit-elle, en se retournant » avec dignité, vous me prenez pour une ✯ autre. —Non, répliqua-t-il, je te prends » pour moi.» Elle eut encore l'imprudence d'éclater de rire à cette naïveté. Heureusement elle fut à l'instant abordée par des personnes de sa connaissance, et le galant s'évada.

Le bruit de l'inconduite de la duchessé d'Orléans était parvenu jusqu'à son beau

père, surnommé Louis-le-pieux, à cause de sa grande dévotion, et que l'on sait s'être retiré sur la fin de sa vie à Ste.-Geneviève, pour se livrer plus facilement à ses exercices religieux, et à son goût pour les sciences abstraites. Ce Prince, aussi ignorant apparemment sur les lois civiles, qu'instruit dans les langues mortes, dont il faisait sa principale étude, persuadé que son fils n'avait pas habité avec sa femme, voulait refuser hautement de reconnaître l'enfant dont sa belle-fille était enceinte, et se soustraire en conséquence à la nécessité d'en être le parrain. Sa résolution bien prise à cet égard, il en fit part à l'abbé Ladvocat, son bibliothé caire, homme d'esprit, célèbre par plusieurs ouvrages estimés. Celui-ci, fort étonné, représenta peut-être trop sèchement au Prince qu'indépendamment de l'indécence d'un éclat, dont la honte réjaillirait sur sa maison, son refus serait aussi inutile qu'odieux, puisque l'enfant à naître n'en serait pas moins reconnu légitime selon la maxime légale : pater est nuptiæ demonstrant. Le prince, piqué de voir désapprouver ses intentions, congédia l'abbé, et le destitua de la place qu'il avait chez lui. Cependant tous les gens instruits qu'il con

quem

sulta s'étant accordés à lui donner la même décision, il fut obligé d'avouer pour son petit-fils celui qui depuis s'est rendu si indigne de son auguste nom, et il se consola en continuant de se livrer à son étude favorite.

Un jour se trouvant fort embarrassé sur l'explication d'un passage dans un manuscrit hébreu, il consulta nombre de savants, dont aucun ne put lui donner une solution satisfaisante. Son nouveau bibliothécaire, ami intime de son prédécesseur, hasarda alors de lui dire qu'il ne connaissait qu'un homme en état de lever cette difficulté, mais qui ayant eu le malheur d'encourir sa disgrâce, n'oserait se présenter sans un ordre positif, et il nomma l'abbé Ladvocat. Le duc d'Orléans, qui depuis long-temps avait reconnu son injustice, et ne cherchait que l'occasion de la réparer, s'empressa de saisir le moyen que lui offrait cette circonstance; il fit venir l'Abbé qui, prévenu par son ami avait eu le temps d'étudier le passage difficile, et l'expliqua très clairement. Le Prince, profitant de cette entrevue pour avouer franchement ses torts, lui fit compter les arrérages de ses appointements supprimés, convertit pour l'avenir ces mêmes.

appointements en pension, et lui rendit un logement près de lui.

L'abbé de Bernis (depuis ministre, cardinal et ambassadeur à Rome), ayant dans sa jeunesse fait quelques dettes, et voulant se soustraire à ses créanciers, de manière à être à l'abri de toutes perquisitions, sans cependant renoncer entièrement à la société, imagina de se retirer dans l'île St.-Louis, le quartier le plus reculé de la capitale, et qui par la différence du ton, par la simplicité des mœurs, semble en être à cent lieues. Il y loua un petit appartement sous un nom supposé, et se présenta dans différentes maisons, où il fut très-bien accueilli. Il fut fort étonné d'y entendre beaucoup parler de lui et de ses charmantes poésies. C'était l'ouvrage à la mode dans ces sociétés, et les dames avaient le plus grand désir de connaître personnellement l'abbé de Bernis, dont chacune se faisait une idée très-romanesque. Il promit de le leur amener, se disant fort lié avec lui, et dès lors on le traita avec bien plus de considération, quoiqu'on doutât qu'un homme qui paraissait n'annoncer que de la bonhomie

put avoir des liaisons de ce genre. En effet ses affaires rangées, il quitta sa retraite, se rendit à sa brillante société, et ne manqua pas peu après de paraître sous son véritable nom chez ces dames, dont la surprise fut extrême. Elles ne pouvaient concevoir qu'un auteur aussi célèbre se fût montré chez elles aussi simple, aussi dénué de prétentions, et étaient surtout très-confuses de ne l'avoir pas deviné.

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La manière dont l'acquisition de St. Cloud a été faite en faveur de Louis XIV, est assez singulière pour mériter d'être connue.

Cé château appartenait à M. Hervard riche financier, qui en avait considérablement augmenté le parc, avait bâti et orné les appartements avec la plus grande magnificence, et faisait enfin pour ce charmant domicile une dépense énorme. Le Roi eut la fantaisie de l'acheter pour en faire présent à son frère, et fit part de ce désir au cardinal de Mazarin, qui se chargea de le procurer à Sa Majesté à un prix modéré, Jaloux de tenir sa parole, au de-là même des espérances du Roi, le Ministre manda chez lui M. Hervard,

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