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nant ce trait de générosité, en remercia le Maréchal, et voulut absolument se mettre en son lieu et place, ajoutant que son seul regret était de ne pas en être l'auteur.

C'est ainsi que ce digne héritier d'un nom si illustre savait se faire aimer, respecter, et faisait également les honneurs de la France aux étrangers et aux militaires français.

MADAME de P. ***, femme d'un riche financier, aussi vaine de sa beauté que de sa fortune, avait rencontré plusieurs fois dans les sociétés M. le comte de la Marche, depuis prince de Conti; et prenant des égards pour des transports de l'ame, ne doutant pas que le Prince ne cherchât à lui faire sa cour, elle ne voulut négliger aucun moyen de s'assurer cette conquête.

Au bal de l'opéra, elle fut abordée par un masque qui lui parut avoir la taille, la démarche et jusqu'au son de voix du Prince. Elle le traita en conséquence avec beaucoup de bonté, et lui accorda pour le lendemain à midi, chez elle, le rendez-vous qu'il sollicitait avec instance. Pour qu'il ne fût pas refusé à sa porte, elle lui remit son éventail,

le priant de ne pas se nommer, et lui annonçant qu'elle donnerait ses ordres, pour que, reconnu à cette simple marque, on le laissât entrer. En effet, le lendemain à l'heure prescrite, elle voit arriver chez elle un jeune homme bien fait, d'une jolie figure, se présentant avec beaucoup de grâces, et tenant son éventail à la main : mais il était en cheveux longs, en habit noir, dans le costume de la magistrature; et s'appercevant alors qu'elle s'était cruellement trompée, elle s'imagina de réparer son erreur en substituant des airs de dignité et de protection à ceux de tendresse qu'elle avait peut-être trop témoignés au bal. «< Monsieur, lui dit-elle, je vous ai >> trouvé très-aimable dans la conversation » que nous avons eue ensemble, et non-seu>>lement je désire jouir de votre société >> autant que vos occupations vous le permet» tront mais si je peux vous être de » quelque utilité dans l'état que votre costume » m'annonce, je m'y emploîrai avec zèle, >> et vous ferai connaître aux amis que j'ai » dans le parlement.

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Le jeune homme prend alors l'air d'un humble protégé, se confond en révérences, en remercimens, et madame de P. *** con

tinue : « Comment vous appelez-vous, Mon»sieur, et quel est le genre d'études auquel » vous vous destinez dans le barreau ? car, » à en juger par votre air de jeunesse, je >> pense que vous n'êtes pas encore placé. Madame, je m'appelle Joli, et je tra» vaille devenir un jour procureur.

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>> Cet état est bien médiocre; sans doute » vous êtes fait pour l'honorer. On parlerait » bientôt du joli procureur, et vous auriez >> surtout beaucoup de clientes. Mais vous » devez sentir combien il serait difficile qu'une femme comme moi, annonçât » pour un simple procureur tout l'intérêt » que vous inspirez. Vos parens travaillent>> ils dans ce même état? Oui, Madame; > mon père est procureur, et mon oncle >> avocat. Ah! cette dernière profession » est du moins plus honorable que l'autre. » Il faut vous réclamer de votre oncle et » ne pas parler de votre père. Mais j'ai peur » que, malgré votre silence et le mien, » on ne se le rappelle toujours, et que » cela nuise à votre avancement. N'auriez» vous pas quelqu'autre nom que vous puissiez >> substituer à celui de Joli? Madame

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quelquefois on me nomme Fleuri.-Com

>> ment! voilà deux noms qui conviennent

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parfaitement à votre air, à votre figure, » Mais il me vient une idée. A la faveur >> de ces deux noms, ne vous serait-il pas possible de vous enter sur une des familles. les plus distinguées de la magistrature, » celle des Joli de Fleuri? - Oh! très-aisé» ment, Madame; car le Procureur-Général » est mon père, et l'Avocat-Général mon » oncle. » A ce mot, madame de P.*** fut couverte de confusion du ton de protection qu'elle avait pris vis-à-vis d'un homme dont elle pouvait être protégée, et du cruel persiflage dont elle avait été si long-temps dupe. M. Joli de Fleuri assura avoir été assez discret pour ne pas abuser davantage de son trouble; mais il ne put se refuser au plaisir de raconter son aventure, qui devint tout de suite très-publique ; et dès le lendemain, madame de P.***, dans toutes les sociétés où elle alla, trouva sur les cheminées une petite statue en plâtre, représentant le joli procureur.

M. d'Obs.... était un petit homme mal fait, et aussi disgracié du côté de l'esprit

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que de celui de la figure. Cependant il avait la fureur de se montrer avec beaucoup de prétentions à la cour et dans les sociétés. les plus brillantes, dont il était le jouet, et lui seul ignorait ses ridicules. Se trouvant à Versailles dans un bal très-élégant, il ne manqua pas de s'ériger en danseur, et fut bientôt entouré de spectateurs qui riaient à ses dépens. Parmi eux était un homme grave et un peu morose, qui ne s'amusait point de ce spectacle, et qui disait sans cesse, en haussant les épaules: « Comment peut-on se présenter dans un bal, quand on danse aussi ridiculement ? » Ce propos souvent répété, fut entendu par M. d'Obs... qui, s'arrètant auprès de lui, lui dit avec un son de voix nasillard qui le faisait particulièrement reremarquer. « Monsieur, si je danse mal, je me bats bien. Eh bien ! mon petit ami, reprit l'homme grave, battez-vous toujours, et ne dansez jamais.

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Madame de B. H., qui par son esprit et ses productions littéraires mérite d'être citée parmi les femmes célèbres de nos jours, dans un voyage qu'elle fit à Lyon, fut re

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