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que dans la maison dont on lui avait donné l'adresse avec un simple billet de recommandation.

M. Lenoir s'efforce de la calmer, l'assure que son oncle sera également touché de son malheur et de son repentir, lui promet d'obtenir son pardon, et écrit tout de suite à ce dernier, pour le prier de se transporter chez lui, ayant à lui donner des renseignements très-importants sur l'objet qui l'intéresse, L'oncle se hâte d'arriver; il apprend que sa nièce est retrouvée, et ne pense plus qu'à la punition sévère que mérite son égarement, Plus il l'a aimée, plus il est irrité contre elle. Le respectable magistrat cherche à adoucir son ressentiment il lui expose le danger d'ébruiter cet évènement, pallie autant qu'il est possible la faute de la jeune personne, en rejette les torts sur l'inexpérience d'un côté, de l'autre sur l'atrocité du séducteur. Enfin il la représente si malheureuse, si repentante, que l'oncle s'attendrit et verse des larmes. En ce moment l'intéressante pupille s'élance du cabinet où elle avait entendu toute la conversation, et tombe aux genoux de son digne tuteur, qui l'embrasse, lui pardonne, et l'emmène

avec lui. Peu de temps après elle a épousé un homme d'un rang éminent, dont elle fait constamment le bonheur, et bien corrigée par une aussi cruelle expérience, elle s'est montrée à la Cour le modèle de toutes les vertus.

On imagine bien que le secret de l'évasion a été scrupuleusement gardé par les religieuses, plus prudentes en cette occasion que celles d'un couvent de province, qui, ayant surpris pendant la nuit dans l'intérieur de leur monastère un jeune homme fort connu dans sa ville, le gardèrent jusqu'au lendemain, et après mûre délibération s'arrêtèrent à le faire descendre en plein midi par la mème échelle qui lui avait servi à escalader les murs; voulant, disaientelles, qu'il expiât par une honte publique le crime qu'il avait cherché à commettre

en secret.

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MADAME de Barentin fut connue à Paris par le ridicule que lui imprima sa petite rixe avec le comte de Lauragais. Sa voiture et celle du Comte se trouvant engagées sous l'arcade de la place du Carrousel, ce fut

entre les deux cochers à qui ferait reculer l'autre. Aucun ne voulait céder. Madame de Barentin, pour terminer ce débat, avance la tête hors de la portière, se nomme et ordonne au cocher adverse de lui céder la place. Le comte de Lauragais s'avance au même instant, et s'écrie: « Eh! Madame, » que ne vous montriez vous plutôt; les » chevaux, le cocher, le carosse, tout eût >> reculé. »

M. de Barentin, en qualité d'avocat général, donnait tous les ans un dîner d'étiquette aux principaux membres de l'ordre des avocats. M. Legouvé, célèbre jurisconsulte, se trouva à ce repas placé à côté de la maîtresse de la maison qui, ne le connaissant que par sa grande réputation au barreau, et cherchant à lier conversation avec lui, épuisa d'abord les lieux communs de société, et en vint ensuite à parler de spectacles. Elle fut d'autant plus contente d'avoir entamé ce sujet, qu'elle s'apperçut qu'il paraissait le posséder à fond, et qu'il dissertait avec autant de grâce que d'érudition sur tous les auteurs de la scène française. Alors elle se livra de plus en plus au plaisir de faire parade de son esprit, dit que sa

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passion dominante était le théâtre français qu'elle y allait très-fréquemment, mais que trop gâtée par cette douce habitude, elle n'en souffrait que plus cruellement lorsque par complaisance elle se trouvait obligée d'aller à des comédies de société, et surtout d'entendre des pièces composées par des auteurs de société. « Connaissez-vous, » Monsieur, ajouta-t-elle, un petit théâtre » de ce genre qu'on vient d'établir à Auteuil? > - Oui, madame. Ah! pour mes péchés, je fus obligée la semaine dernière d'aller » y entendre une tragédie nouvelle, Atti» lie....., Madame, interrompit bien vite » M. Legouvé, je ne suis point étonné que » yous en ayez été mécontente: c'est un » ouvrage de ma jeunesse, que les occu»pations de mon état ne m'ont pas permis » de corriger, et que des amis trop indis» crets, ou trop indulgents, m'ont arraché. Oh, Monsieur, je ne parle pas de la pièce; elle m'a fait le plus grand plaisir; » elle est parfaitement versifiée, les scènes. >> bien conduites, bien dialoguées; le dé>> nouement très-heureusement amené. Je

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>>

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parle de la manière dont elle fut jouée.

» Cette princesse, l'héroïne de la pièce,

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qui.....

Madame, c'est ma femme,

qui, livrée plus particulièrement aux » détails de son ménage, n'a pu acquérir

» l'habitude du théâtre.

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Que dites-vous ?

>> elle joua en actrice consommée, avec >> beaucoup d'intelligence

mais je trouvai

qu'elle n'était pas assez bien costumée. » C'est une partie essentielle pour l'illusion, > et à laquelle on ne s'attache pas assez >> dans les théâtres de société. Mais pour » le prince qui nous arrive avec sa pique, comme le valet de carreau..... Ah! laissez>> moi carte blanche sur celui-là. - Madame, >> c'est moi qui jouais ce ròle, et je conviens » qu'accontutumé à une grande robe, à un » bonnet carré, je dois être fort maladroit » à chausser le cothurne. Eh bien "

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>> Monsieur restons-en là, je vous prie; car je sens bien qu'à chaque mot je dirais quelque sottise et je n'aurai plus de >> ressource pour la réparer.

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MALGRÉ la modestie de M. Legouvé, il était réellement fort épris de sa production. théâtrale. I employait tous les moments libres que pouvaient lui laisser ses grandes

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