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Sa haute silhouette noire
Domine les profonds labours.
On sent à quel point il doit croire
A la fuite utile des jours.

Il marche dans la plaine immense,
Va, vient, lance la graine au loin,
Rouvre sa main, et recommence.
Et je médite, obscur témoin,

Pendant que, déployant ses voiles,
L'ombre, où se mêle une rumeur,
Semble élargir jusqu'aux étoiles
Le geste auguste du semeur.

LES CHANSONS DES RUES ET DES BOIS.

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LE DEUIL.

CHARLE! Charle! ô mon fils! quoi donc ! tu m'as quitté.

Ah! tout fuit! rien ne dure!

Tu t'es évanoui dans la grande clarté

Qui pour nous est obscure.

Charles, mon couchant voit périr ton orient.
Comme nous nous aimâmes !

L'homme, hélas! crée, et rêve, et lie en souriant
Son âme à d'autres âmes;

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Il dit: C'est éternel! et poursuit son chemin ;
Il se met à descendre,

Vit, souffre, et tout à coup dans le creux de sa main
N'a plus que de la cendre.

Hier j'étais proscrit. Vingt ans, des mers captif,
J'errai, l'âme meurtrie;

Le sort nous frappe, et seul il connaît le motif.
Dieu m'ôta la patrie.

Aujourd'hui je n'ai plus de tout ce que j'avais
Qu'un fils et qu'une fille;

Me voilà presque seul dans cette ombre où je vais ;
Dieu m'ôte la famille.

Oh! demeurez, vous deux qui me restez! nos nids
Tombent, mais votre mère

Vous bénit dans la mort sombre, et je vous bénis,
Moi, dans la vie amère.

Oui, pour modèle ayant le martyr de Sion,

J'achèverai ma lutte,

Et je continuerai la rude ascension

Qui ressemble à la chute.

Suivre la vérité me suffit; sans rien voir

Que le grand but sublime,

Je marche, en deuil, mais fier; derrière le devoir

Je vais droit à l'abîme.

L'ANNÉE TERRIBLE.

Mars 1871.

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14.

UN HYMNE HARMONIEUX.

UN hymne harmonieux sort des feuilles du tremble;
Les voyageurs craintifs, qui vont la nuit ensemble,
Haussent la voix dans l'ombre où l'on doit se hâter.
Laissez tout ce qui tremble
Chanter.

Les marins fatigués sommeillent sur le gouffre.
La mer bleue où Vésuve épand ses flots de soufre
Se tait dès qu'il s'éteint, et cesse de gémir.

Laissez tout ce qui souffre
Dormir.

Quand la vie est mauvaise on la rêve meilleure.
Les yeux en pleurs au ciel se lèvent à toute heure ;
L'espoir vers Dieu se tourne et Dieu l'entend crier.
Laissez tout ce qui pleure

Prier.

C'est pour renaître ailleurs qu'ici-bas on succombe.
Tout ce qui tourbillonne appartient à la tombe.

Il faut dans le grand tout tôt ou tard s'absorber.
Laissez tout ce qui tombe

Tomber !

LES QUATRE VENTS DE L'ESPRIT, LE LIVRE LYRIQUE

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Vous, des antiques Pyrénées
Les aînées,

Vieilles églises décharnées,

Maigres et tristes monuments,
Vous que le temps n'a pu dissoudre,
Ni la foudre,

De quelques grands monts mis en poudre
N'êtes-vous pas les ossements?

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