Sont morts en attendant tous les jours sur la grève On s'entretient de vous parfois dans les veillées. 4 Maint joyeux cercle, assis sur des ancres rouillées, Mêle encor quelque temps vos noms d'ombre couverts Aux rires, aux refrains, aux récits d'aventures, Aux baisers qu'on dérobe à vos belles futures, 8 Tandis que vous dormez dans les goëmons verts ! On demande : - Où sont-ils? sont-ils rois dans quelque île? Nous ont-ils délaissés pour un bord plus fertile? Puis votre souvenir même est enseveli. 12 Le corps se perd dans l'eau, le nom dans la mémoire. Le temps, qui sur toute ombre en verse une plus noire, Sur le sombre, océan jette le sombre oubli. Bientôt des yeux de tous votre ombre est disparue. 16 L'un n'a-t-il pas sa barque et l'autre sa charrue? Seules, durant ces nuits où l'orage est vainqueur, 20 De leur foyer et de leur cœur ! Et quand la tombe enfin a fermé leur paupière, 24 Pas même un saule vert qui s'effeuille à l'automne, Que chante un mendiant à l'angle d'un vieux pont ! 72Lui 103 Kristess 84 MODERN FRENCH LYRICS. Où sont-ils, les marins sombrés dans les nuits noires? O flots, que vous savez de lugubres histoires! Flots profonds, redoutés des mères à genoux ! 4 Vous vous les racontez en montant les marées, Et c'est ce qui vous fait ces voix désespérées Que vous avez le soir quand vous venez vers nous ! LES RAYONS ET LES OMBRES. Juillet 1836. Je fais un ange du ciel. LES VOIX INTÉRIEURES. 3 juin 1837. 10. MATELOTS! MATELOTS! MATELOTS! matelots! vous déploierez les voiles; Envieux, vous mordrez la base des statues. Oiseaux, vous chanterez; vous verdirez, rameaux. 8 Cloches, vous ferez vivre et rêver les hameaux. Teignant votre nature aux mœurs de tous les hommes, Voyageurs, vous irez comme d'errants flambeaux ; Vous marcherez pensifs sur la terre où nous sommes, 12 En vous ressouvenant quelquefois des tombeaux. Chênes, vous grandirez au fond des solitudes. Dans les lointains brumeux, à la clarté des soirs, Vieux saules, vous prendrez de tristes attitudes, 16 Et vous vous mirerez vaguement aux lavoirs. Nids, vous tressaillerez sentant croître des ailes; Foudres, vous nommerez le Dieu que la mer nomme. Vos flots reflèteront l'ombre austère de l'homme, Et vos flots couleront, et l'homme passera. Chaque chose et chacun, âme, être, objet ou nombre, 4 Suivra son cours, sa loi, son but, sa passion, Portant sa pierre à l'œuvre indéfinie et sombre Moi, je contemplerai le Dieu père du monde, LES RAYONS ET LES OMBRES. 5 mai 1839. 11. ELLE AVAIT PRIS CE PLI. ELLE avait pris ce pli dans son âge enfantin 12 De venir dans ma chambre un peu chaque matin. Je l'attendais ainsi qu'un rayon qu'on espère; Elle entrait, et disait : Bonjour, mon petit père ! Prenait ma plume, ouvrait mes livres, s'asseyait 16 Sur mon lit, dérangeait mes papiers, et riait, Puis soudain s'en allait comme un oiseau qui passe. Alors, je reprenais, la tête un peu moins lasse, Mon œuvre interrompue, et, tout en écrivant, 20 Parmi mes manuscrits je rencontrais souvent Quelque arabesque folle et qu'elle avait tracée, Et mainte page blanche entre ses mains froissée, 4 Où, je ne sais comment, venaient mes plus doux vers. Elle aimait Dieu, les fleurs, les astres, les prés verts, Et c'était un esprit avant d'être une femme. Son regard reflétait la clarté de son âme. Elle me consultait sur tout à tous moments. Oh! que de soirs d'hiver radieux et charmants, Passés à raisonner langue, histoire et grammaire, 8 Mes quatre enfants groupés sur mes genoux, leur mère Tout près, quelques amis causant au coin du feu ! J'appelais cette vie être content de peu ! Et dire qu'elle est morte! Hélas! que Dieu m'assiste! 12 Je n'étais jamais gai quand je la sentais triste; J'étais morne au milieu dụ bal le plus joyeux Si j'avais, en partant, vu quelque ombre en ses yeux. |