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Si l'aube tout à coup là-bas luit comme un phare,
Sa clarté dans les champs éveille une fanfare
De cloches et d'oiseaux.

4 Enfant, vous êtes l'aube et mon âme est la plaine Qui des plus douces fleurs embaume son haleine Quand vous la respirez;

Mon âme est la forêt dont les sombres ramures 8 S'emplissent pour vous seul de suaves murmures Et de rayons dorés.

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Car vos beaux yeux sont pleins de douceurs infinies,
Car vos petites mains, joyeuses et bénies,

N'ont point mal fait encor;

Jamais vos jeunes pas n'ont touché notre fange,
Tête sacrée ! enfant aux cheveux blonds! bel ange
A l'auréole d'or !

16 Vous êtes parmi nous la colombe de l'arche.

Vos pieds tendres et purs n'ont point l'âge où l'on marche,
Vos ailes sont d'azur.

Sans le comprendre encor vous regardez le monde. 20 Double virginité! corps où rien n'est immonde, Ame où rien n'est impur!

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Il est si beau, l'enfant, avec son doux sourire,
Sa douce bonne foi, sa voix qui veut tout dire,
Ses pleurs vite apaisés,

Laissant errer sa vue étonnée et ravie,

Offrant de toutes parts sa jeune âme à la vie
Et sa bouche aux baisers!

Seigneur ! préservez-moi, préservez ceux que j'aime,
Frères, parents, amis, et mes ennemis même
Dans le mal triomphants,

4 De jamais voir, Seigneur, l'été sans fleurs vermeilles,
La cage sans oiseaux, la ruche sans abeilles,
La maison sans enfants!

LES FEUILLES D'AUTOMNE. 18 mai 1830.

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6.

LE GRAND HOMME VAINCU.

Le grand homme vaincu peut perdre en un instant
Sa gloire, son empire, et son trône éclatant,
Et sa couronne qu'on renie,

Tout, jusqu'à ce prestige à sa grandeur mêlé
Qui faisait voir son front dans un ciel étoilé;
Il garde toujours son génie !

Ainsi, quand la bataille enveloppe un drapeau,
Tout ce qui n'est qu'azur, écarlate, oripeau,
Frange d'or, tunique de soie,

Tombe sous la mitraille en un moment haché,
Et, lambeau par lambeau, s'en va comme arraché
Par le bec d'un oiseau de proie;

Et qu'importe? A travers les cris, les pas, les voix,

Et la mêlée en feu qui sur tous à la fois

Fait tourner son horrible meule,

Au plus haut de la hampe, orgueil des bataillons,
Où pendait cette pourpre envolée en haillons,
L'aigle de bronze reste seule !

LES CHANTS DU CRÉPUSCULE. 21 février 1835.

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Reçois, mon bien céleste,
O ma beauté,

Mon cœur, dont rien ne reste,

L'amour ôté !

LES VOIX INTÉRIEURES. 19 mai 1836.

8.

OCEANO NOX.

Saint-Valery-sur-Somme.

OH! combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis !

8 Combien ont disparu, dure et triste fortune!
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l'aveugle océan à jamais enfouis!

Combien de patrons morts avec leurs équipages! 12 L'ouragan de leur vie a pris toutes les pages, Et d'un souffle il a tout dispersé sur les flots! Nul ne saura leur fin dans l'abîme plongée. Chaque vague en passant d'un butin s'est chargée; 16 L'une a saisi l'esquif, l'autre les matelots!

Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues!
Vous roulez à travers les sombres étendues,

Heurtant de vos fronts morts des écueils inconnus.

20 Oh! que de vieux parents, qui n'avaient plus qu'un rêve,

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